L’Insee brosse le portrait de l’agriculture française d’aujourd’hui

En publiant l’édition 2024 de son étude "Transformations de l’agriculture et des consommations alimentaires", l’Insee livre une somme documentaire dans laquelle pointe la question du renouvellement des générations, de la transmission des exploitations et donc de l’emploi.

Alors que doit être débattu prochainement le projet de loi d’orientation agricole dont la présentation en conseil des ministres est désormais annoncée pour le 20 mars, l’Insee propose un panorama éclairant sur un secteur qui subit depuis plusieurs décennies de profondes transformations. Premier pays pour la production agricole en Europe (88,2 milliards d’euros en 2022, soit 18% du total européen), l’agriculture hexagonale est également fortement exportatrice, même si, rappelle l’Insee, "le solde des échanges avec les seuls pays de l’Union européenne est devenu déficitaire depuis 2015". Dans ce contexte, "l’emploi agricole et les exploitations poursuivent leur transformation".

Moins de 3% de l’emploi total en France

Premier enseignement, en matière d’emploi, le secteur ne représentait en 2022 guère plus de 2,7% de l’emploi total en France contre 3,4% en 2010. Avec une tendance forte concernant la structure de ces emplois : les exploitants représentent toujours la majorité du contingent alors même que l’emploi familial a tendance à diminuer dans les exploitations au profit des salariés non-familiaux. L’étude souligne qu’en cumulant emplois agricoles et emplois dans l’industrie agroalimentaire, la part dans l’emploi total en France grimpe à 5%. Par ailleurs, relève l’Insee, les exploitations sont aujourd’hui moins nombreuses mais plus grandes, donc généralement plus spécialisées. Cette "concentration de la production agricole" s’illustre par une surface moyenne de l’ordre de 68,6 hectares (ha) pour les quelque 390.000 exploitations recensées. En 2000, elles étaient encore 700.000 pour une surface moyenne légèrement supérieure à 40 ha. Pronostiquant un prolongement de la courbe, l’Insee anticipe désormais à peine 275.000 exploitations à horizon 2035.

La difficile équation du renouvellement des générations

En cause, le difficile renouvellement des générations. Les exploitants sont de plus en plus âgés au point que 25% d’entre eux ont 60 ans ou plus en 2020 contre seulement 20% dix ans plus tôt. En 2020, toujours, 34% des exploitants ne prévoyaient pas de transmettre dans les trois ans ; 20% envisageaient une reprise intrafamiliale... et un tiers d’entre eux n’avaient même aucune idée de ce qu’allait devenir leur exploitation. Globalement, relève l’Insee, le modèle familial reste prédominant mais cède du terrain pour laisser la place à d’autres formes d’organisations. Dans les exploitations, l’emploi familial diminue au profit des salariés non-familiaux. Et dans les ménages agricoles, il est même fréquent que l’un des deux conjoints travaille en dehors de l’exploitation. Quant aux travailleurs saisonniers, ils représentent environ 11% des équivalents temps plein du secteur agricole.

Autre phénomène notable, les exploitants agricoles sont de plus en plus diplômés : "En 2020, 55% d’entre eux ont au moins le baccalauréat et 27% un diplôme de l’enseignement supérieur", contre respectivement 38% et 17% en 2010, à titre de comparaison.

Concentration de l’emploi dans un nombre réduit d’exploitations et de territoires

Conséquence de la concentration des activités de production dans un nombre moindre d’exploitations, les emplois eux-mêmes sont de plus en plus concentrés dans un nombre réduit de territoires. L’étude relève qu’un quart des exploitations mobilisent 61% de la main-d’œuvre agricole totale en 2020, contre 49% en 1970. Au-delà, 25% de la main-d’œuvre reste concentrée dans 4% des exploitations, contre cette fois-ci 9% en 1970. L’accroissement de cette concentration de l’emploi remonte aux années 90, souligne l’étude qui invoque des causes multiples : le développement généralisé du salariat, la réforme de la PAC (politique agricole commune de l’Union européenne) ou bien encore l’accroissement de l’emploi au sein des exploitations qui mobilisent le plus de main-d’œuvre. Enfin, sur le plan géographique, ces emplois apparaissent concentrés sur un petit nombre de territoires : les régions d’élevage de l’Ouest ou encore les régions viticoles et arboricoles.

L’emploi agricole représentait en 2020 près de 675.000 ETP, dont 400.000 chefs d’exploitations ou coexploitants, l’emploi familial comptant pour 8% du total, en recul de 4 points en dix ans. Les salariés permanents non-familiaux représentaient environ 20% du total. À noter, souligne l’Insee, que l’emploi agricole ne s’effectue pas systématiquement à temps plein, "y compris pour les permanents" : 32% des exploitants et 35% des salariés agricoles non-familiaux exercent aussi à temps partiel. C’est globalement le cas de 65% des membres de la famille de l’exploitant travaillant sur l’exploitation.