Agriculture : Emmanuel Macron annonce un "pacte" sur le renouvellement des générations

Formation, transmission, installation et transition : ce sont les quatre axes du "pacte d’orientation et d’avenir agricole" qu’Emmanuel Macron propose au monde agricole et aux collectivités de mettre en place d’ici six mois. Ce pacte se traduira notamment dans une  "loi d’orientation et d’avenir agricole en 2023", avec des crédits budgétés dans la prochaine loi de finances. Il propose notamment aux régions de travailler avec l’Etat sur la question de l’accès au foncier, avec constitution d’un "fonds entrepreneurs du vivant" doté a minima de 400 millions d’euros.

"Quand une exploitation tombe, si on ne sait pas bien la reprendre, c’est tout un territoire qui parfois se fragilise et se détricote." Alors que le monde agricole est secoué par toute une série de difficultés (sécheresse et aléas climatiques, augmentation des coûts de production, notamment du prix des engrais et de l'énergie…), Emmanuel Macron invite aussi à voir plus loin, avec le "mur démographique" qui se profile. "L’un des défis pour notre souveraineté agricole et alimentaire, c’est en effet le défi démographique et le défi du renouvellement des générations (…) C’est plus de la moitié des chefs d’exploitation d’ici 2030 qui vont passer le relai", a-t-il déclaré, vendredi 9 septembre, aux Terres de Jim, le grand rendez-vous annuel des Jeunes agriculteurs, qui se tenait à Outarville (Loiret), dans la Beauce. Après avoir posé les jalons de la réforme de l’assurance récolte, le président de la République a exposé les quatre axes du "pacte d’orientation et d’avenir agricole" qu’il souhaite lancer d’ici six mois : formation, transmission, installation et transition. Accompagné du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Marc Fesneau, il a demandé qu’un travail de "concertation et de négociation" soit mené "dans tous les territoires", et ce dans les "six prochains mois". Ce pacte se traduira notamment par l’élaboration d’une "loi d’orientation et d’avenir agricole" en 2023 avec des crédits budgétés dans la prochaine loi de finances. 
"Et il faudra ensuite voir ce qui dépend de la loi, on présentera au 1er semestre 2023, ce qui dépend parfois de décisions du gouvernement", et ce qui repose sur l’investissement des collectivités territoriales, en particulier "les régions qui ont un rôle très important en la matière, et je sais leur engagement", a-t-il souligné.

Au titre du volet formation-orientation, Emmanuel Macron déclare vouloir mettre un terme à "l’agri-bashing". 20 millions d’euros seront investis dans l’enseignement agricole via le fonds compétence de France 2030, pour financer des formations "dans ces nouveaux métiers ou ces nouvelles compétences dont on a besoin - l’hydraulique, la robotique agricole - et donc soutenir l’innovation pédagogique dans les établissements". Un statut "d’expert associé" sera créé dans les lycées agricoles pour s’adapter plus rapidement aux nouveaux besoins. Enfin, un "réseau d'incubateurs d'entrepreneurs, d'entreprises agricoles innovantes" sera mis en place sur tout le territoire d’ici un an, "en s'appuyant sur les lycées agricoles, les chambres d'agriculture, les acteurs du développement durable, les instituts techniques, les régions et les banques". 

Un fonds Entrepreneurs du vivant

Le deuxième défi à relever est celui de la transmission. Les concertations devront faire émerger des propositions "très concrètes pour renforcer ce dialogue entre générations, faciliter la vie de ceux qui partent et de ceux qui arrivent". Le corollaire de la transmission, c’est l’installation, avec la question de l’accès à la terre et au foncier. Ce qui est rendu de plus en plus difficile à cause de l’accaparement des terres, de l’arrivée de nombreux jeunes qui ne sont pas issus du monde agricole et du faible niveau des retraites qui pousse beaucoup d’agriculteurs à céder leurs terres aux plus offrants. Emmanuel Macron veut "aider véritablement [les] jeunes à ce que le ticket d’entrée soit soutenable". Il propose pour cela la création d’un "fonds Entrepreneurs du vivant" doté a minima de 400 millions d’euros. Il souhaite ainsi "que l’Etat avec les collectivités investissent dans le portage du foncier, et donc dans des solutions parce que ça dépend de la valeur du foncier et de la valeur de l’exploitation selon les régions et les structures". L’idée : "porter dans les premières années le foncier pour permettre de lisser le coût et la charge en ayant une structure parapublique qui va aider le jeune à s’installer et à lisser la charge pendant plusieurs années". C’est ce que l’Occitanie cherche déjà à faire (voir notre article du 7 juillet 2022). Mais il s’agit aussi pour le président d’aider les jeunes à "mener les transformations indispensables", car ils sont face à une "double falaise" : celle du foncier et celle de la transformation des usages. Le fonds doit ainsi "permettre que la reprise soit aussi un moment d’accélération". "En aidant à financer, on aide le jeune à investir tout de suite en reprenant."

Stress-tests climatiques

Ce qui amène au dernier volet de ce pacte : les transitions et l’adaptation au changement climatique. Emmanuel Macron y mêle "l’agroécologie, le numérique, la robotique, la génomique, la génétique (le biocontrôle) et les solutions fondées sur la nature". Cela suppose de connaître, "territoire par territoire", les évolutions des modèles agricoles "d’ici vingt ou trente ans". "On veut qu’il y ait évidemment des jeunes qui s’installent, mais les jeunes ne pourront pas s’installer avec les modèles agricoles d’aujourd’hui, et encore moins d’hier", a-t-il souligné. Il en appelle à des "stress-tests climatiques" intégrés à chaque "parcours d’installation", "exploitation par exploitation". "Il faudra peut-être à l’échelle de certaines régions, parce que c’est la bonne maille nos grandes régions, regarder nos territoires et complètement convertir nos modèles." Les chambres d'agriculture indiquent avoir déjà réalisé 13 diagnostics territoriaux de ce genre dans chacune des régions métropolitaines. Emmanuel Macron souhaite aussi développer la rémunération du "carbon farming", à savoir les pratiques agricoles qui permettent séquestrer le carbone dans les sols. Le projet de loi d’urgence "énergies renouvelables" qui sera prochainement présenté en conseil des ministres permettra d’aller plus vite sur "l’agro-voltaïsme", la méthanisation et les raccordements nécessaires, s’est-il félicité.

Organisateurs de ces rencontres, les Jeunes agriculteurs ont salué les annonces du chef de l’Etat qui a "pris la mesure de l’enjeu" et se félicitent de la "méthode" employée.