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Education - L'OCDE porte un "regard" encourageant sur le système éducatif français

Le rapport de l'OCDE "Regards sur l'éducation 2014" publié ce 25 novembre livre les chiffres-clés sur l'état de l'éducation dans le monde à travers les données récoltées dans les 34 pays membres de l'OCDE et dans un certain nombre de pays partenaires. Tour d'horizon pour la France, qui apparaît atypique à plus d'un titre : une excellente maternelle due à une scolarisation plus précoce, un temps consacré aux matières "fondamentales" plus important que les voisins, toujours moins de jours de classe, des enseignants plus jeunes mais moins rémunérés...

En France, beaucoup d'éléments sont positifs, mais les résultats devraient être meilleurs qu'ils ne sont. En milieu scolaire cela s'apparenterait à des encouragements. C'est, en substance, le message que l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a livré pour la partie "France" ce 25 novembre dans la 25e édition de sa gigantesque étude (607 pages) des systèmes éducatifs des 34 pays membres "Regards sur l'éducation" (ou "Education at a glance"). Et l'organisation de faire valoir au passage "qu'elle a acquis un réel savoir-faire statistique qui permet de dépasser les singularités qui ont longtemps conduit à penser que des systèmes nationaux n'étaient pas comparables".

Des atouts certains

Le premier atout de la France est la qualité d'enseignement de notre maternelle, due visiblement à une scolarité précoce selon l'OCDE,  particulièrement bénéfique pour les enfants issus de l'immigration (voir à ce sujet notre article du 29 octobre 2013). L'Hexagone se trouve en effet parmi les quelques pays (Belgique, Danemark, Espagne, Islande, Norvège, Royaume-Uni...) à avoir généralisé la scolarisation des 3-4 ans. Un bénéfice que le gouvernement français souhaite étendre en favorisant la scolarisation des enfants dès l'âge de deux ans et en particulier dans les quartiers sensibles. Pour ce qui est des fondamentaux (mathématiques et compréhension de l'écrit), l'OCDE relève la très bonne place de la France qui passe plus de temps à les étudier que ses voisins européens surtout en primaire, et dont les élèves reçoivent également davantage d'heures de cours que la moyenne OCDE. Ainsi, les écoliers français cumulent 864 heures de cours par an, au-dessus de la moyenne de leurs camarades de l'OCDE (804 heures). De même, les collégiens français totalisent 991 heures de cours par an pour les enseignements obligatoires, contre 916 en moyenne ailleurs. Pour Eric Charbonnier, analyste éducation à l'OCDE, qui présente ces résultats, il conviendrait donc de moins s'interroger sur ces fondamentaux dont on pense que nos écoliers manquent mais davantage sur le travailler autrement, sur l'interdisciplinarité, la place du sport, des langues vivantes... Peut-être aussi de mettre en place des alternatives au redoublement (sans le supprimer mécaniquement), avec du travail en petits groupes notamment. Autre atout pour l'école primaire française, le temps que passent les enseignants devant les élèves. Les instituteurs enseignent 924 heures par an, soit 152 heures de plus que la moyenne de l'OCDE et 276 heures de plus que les enseignants du secondaire.

Le cas atypique de la France

En revanche, l'OCDE relève que même après la réforme des rythmes scolaires qui a relevé à 162 jours par an le nombre de jours de classe contre 144 auparavant (à comparer à une moyenne de 185 jours dans l'OCDE),  l'Hexagone demeure le lieu où les écoliers ont le nombre de jours d'école le plus bas de tous les pays de l'OCDE. "Il faudrait aller plus loin dans cette réflexion" pour "étaler les apprentissages sur plus de jours et trouver des moments plus propices pour gérer les élèves en difficulté", a plaidé Eric Charbonnier. Par ailleurs, la taille des classes dans notre pays est légèrement au-dessus de la moyenne OCDE dans le primaire (21 pour 23 en France, mais 29 au Chili et en Chine...), et 24 élèves par classe en moyenne OCDE dans le secondaire pour 25 en France. 
Atypique, la France l'est aussi dans l'âge de ses enseignants. Ils ne sont que 24% à avoir plus de 50 ans dans le premier degré (56% en Italie), 28% au collège (63% en Italie), 37% au lycée (73% en Italie). La question de l'attractivité ne se pose donc pas en déduit l'OCDE avec autant d'acuité que dans d'autres pays européens.

Les TIC, trouver le juste milieu

Concernant le collège, une fois passé l'information qu'en France les garçons âgés de 15 ans réussissent davantage les épreuves lorsqu'elles sont informatisées que lors de tests papier-crayon (et inversement pour les filles), le rapport nous apprend qu'utiliser modérément l'informatique peut-être bénéfique pour l'apprentissage plutôt que de ne pas l'utiliser du tout mais que son utilisation intensive tend à rendre les résultats inférieurs dans les pays de l'OCDE (voir l'étude de l'OCDE "Connectés pour apprendre" en lien dans notre article ci-contre du 25 novembre 2015). Les TIC seraient par conséquent à utiliser avec parcimonie et dans certains contextes. Les données concernant l'utilisation d'internet en classe sont manquantes pour la France... mais on apprend que 50% des élèves en Allemagne, Corée, Italie, Japon Pologne... n'utilisent jamais la toile en classe pour une moyenne dans les pays de l'OCDE de 25 minutes par jour à l'école (58 minutes en Australie, 46 minutes au Danemark, 39 minutes en Suède).

De plus en plus de diplômés de l'enseignement supérieur

L'OCDE note le bond en avant réussi ces 40 dernières années par la France dans le domaine de la formation. 44% des 25-34 (contre 41% pour la moyenne OCDE) possèdent aujourd'hui un diplôme d'études supérieures alors qu'ils ne sont que 20% parmi les 55-64 ans (25% pour la moyenne OCDE). La France illustre à nouveau sa singularité dans le type de diplôme obtenu. Si en moyenne dans l'OCDE 17% des 25-34 ans se sont arrêtés après avoir obtenu un diplôme de cycle court, ce sont 40% des étudiants français qui ont quitté l'éducation après cette obtention. 27% de cette classe d'âge s'est arrêté à la licence en France pour 49% en moyenne dans l'OCDE et autant sont allés jusqu'au master et doctorat en France que pour le reste des pays de l'OCDE (31% pour le master et 2% pour le doctorat). 

Peut mieux faire

Mais à côté de ces points positifs, l'OCDE note un certain nombre de difficultés. La dépense par élève reste déséquilibrée : elle est inférieure de 15% à la moyenne OCDE pour l'école élémentaire, conforme à la moyenne pour le collège, supérieure de 32% pour le lycée. Les enseignants n'ont pas un accès suffisant à la formation continue, le salaire statutaire (hors primes et heures supplémentaires) des enseignants français, gelé depuis plusieurs années, est inférieur à la moyenne des pays de l'OCDE, qu'ils soient débutants ou qu'ils affichent 10-15 ans d'expérience. En 2013, le salaire annuel brut des professeurs des écoles français ayant au moins quinze ans d'ancienneté s'établissait à 29.739 euros contre 36.615 euros dans l'OCDE, à 32.482 euros au collège (38.018 euros dans l'OCDE) et 32.755 euros au lycée (39.594 euros dans l'OCDE).
En incluant les primes et allocations, la rémunération des enseignants français restait inférieure de 12% à la moyenne de l'OCDE pour les instituteurs et moindre de 2% pour les profs du secondaire. Il est à noter également en bémol un enseignement professionnel et un système d'apprentissage qui ne sont pas suffisamment valorisés. Le rapport montre qu'en  France les jeunes n'ont pas assez accès à l'apprentissage et les filières professionnelles dans leurs formes actuelles ne semblent pas assez porteuses sur le marché du travail. Seuls 43% des élèves scolarisés dans le deuxième cycle de l'enseignement secondaire suivent une formation professionnelle quand la moyenne des pays de l'OCDE est supérieure à 50% voire à 70% pour certains pays (Autriche, Finlande, République tchèque).
L'OCDE, à travers son secrétaire général Angel Gurria, a informé qu'elle apportait son soutien aux réformes de l'Education nationale en cours, même si elles pourraient aller plus loin. "La réforme est bien orientée mais son succès dépendra de sa mise en oeuvre", a exprimé en présentant le 25 novembre 2015 la nouvelle édition de "Regards sur l'éducation", Angel Gurria. 

Sandrine Toussaint avec AEF et AFP

La maternelle va bien, mais les enseignants se sentent mal préparés aux nouveaux programmes
En parallèle au rapport de l'OCDE "Regards sur l"éducation" publié ce 24 novembre (voir notre article ci-contre) et qui porte un regard plutôt bienveillant sur notre maternelle, deux enquêtes Harris Interactive* effectuées pour le SNUipp** confortent l'idée que l'école maternelle se porte plutôt bien même si les enseignants se disent mal préparés aux nouveaux programmes (voir l'enquête en lien ci-contre).
La première enquête prend en compte le ressenti des enseignants sur des thèmes majeurs quand la seconde évalue auprès du grand public sensiblement les mêmes thèmes. Les réponses se croisent souvent et les regards semblent aller dans le même sens. Ainsi les deux publics s'accordent pour dire que la maternelle fonctionne bien pour 79% des enseignants (+12 points par rapport à 2014), et à 85% pour le grand public (+ 8 points). Lieu d'apprentissage notamment par le jeu à la socialisation des enfants, à l'éveil et à la découverte pour l'ensemble des interrogés, la maternelle est le pivot essentiel du développement futur de l'enfant. Concernant le nombre d'élèves idéal par classe (pour favoriser l'apprentissage on imagine..), la réalité est ailleurs... Ainsi le grand public estime l'idéal à 17,5 élèves et les enseignants à 20, quand dans la vraie vie l'étude fait état d'une moyenne de 25,8 élèves par classe.
Par ailleurs, les enquêtes nous apprennent que 86% des enseignants jugent leur profession plus exigeante qu'avant, corroboré par le regard des Français (à 58%) qui jugent également à 63% que la profession s'est plutôt dégradée au cours des dernières années.

Le flou des nouveaux programmes

Le plus surprenant dans les deux enquêtes est la méconnaissance (pour le grand public)des nouveaux programmes pour l'école maternelle rentrés en vigueur à la rentrée 2015 et le manque de préparation (pour les enseignants). 64% des Français interrogés ont entendu parler de ces programmes mais seulement 17% d'entre eux déclarent voir précisément ce dont il s'agit. Certes les statistiques évoluent en fonction de la catégorie interrogée (homme, femme, jeune, vieux, diplômé ou non), mais dans l'ensemble l'enquête reconnaît en partie la confusion ou du moins la vision partielle des programmes de l'école élémentaire. Concernant les enseignants s'ils sont à 75% satisfaits (19% pas satisfaits) de ces nouveaux programmes ils ne sont que 25% à s'estimer être bien préparés (51% s'estiment plutôt mal préparés, et 22% très mal préparés). L'étude avance comme "excuse" (certainement évidente) le fait que les documents d'accompagnement ont été exclusivement distribués sous format numérique sur le site du ministère. 78% les ont vus sur le site, 38% ont eu ces documents entre les mains en format papier. Si 89% des enseignants interrogés ont effectivement entendu parler de l'existence de ces documents d'aide aux nouveaux programmes, seuls 46% d'entre eux les ont aperçus... Enfin, 38% des enseignants jugent que depuis la réforme des rythmes scolaires ils ont moins de contacts avec les parents, constaté également pour un quart des parents d'élèves (8% témoignent d'un rapprochement).
 

Sandrine Toussaint

* Enquête grand public réalisée en ligne auprès d'un échantillon de 1000 personnes entre le 3 et le 5 novembre, enquête enseignants réalisée en ligne auprès d'un échantillon de 1000 personnes entre le 27 octobre et le 12 novembre 2015
**Syndicat national unitaire des instituteurs et professeurs des écoles
 

 

 

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