Archives

Commande publique - Marché public ou convention d'occupation domaniale : une simple question de vocabulaire ou des régimes juridiques différents ?

Dans un arrêt du 14 novembre 2014, le Conseil d'Etat s'est attelé à la question de la qualification juridique des contrats de la commande publique afin de déterminer le régime normatif applicable.
En l'occurrence, le syndicat mixte d'étude, d'aménagement et de gestion de la base de plein air et de loisirs de Cergy-Neuville (Smeag) avait lancé une procédure adaptée de publicité et de mise en concurrence pour l'aménagement et l'exploitation de deux parcours d'aventure forestiers. Candidate non retenue, la Société Aventure Land a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise afin de faire annuler cette procédure de passation qui était selon elle constitutive d'une rupture d'égalité entre les candidats. Sa requête soulevait des questions relatives à la qualification juridique du contrat, notamment au regard de la dénomination ambiguë de "marché de concession" employée par le syndicat. Elle a obtenu du jugement de la cour administrative d'appel de Versailles l'annulation des décisions attribuant le contrat et autorisant la signature dudit contrat avec la société Xtrem Aventures. Suite à cette décision, le Smeag se pourvoit en cassation devant le Conseil d'Etat.
Les marchés publics et les conventions d'occupation du domaine public sont-ils soumis aux mêmes régimes juridiques ?
Les juges du Palais Royal vont annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel, cette dernière ayant inexactement qualifié le contrat en cause de marché public et non pas de convention d'occupation du domaine public. Il est vrai que la dénomination de "marché de concession" adoptée par le syndicat et qualifiée d' "oxymore" par le rapporteur public lors de l'audience, pouvait prêter à confusion.
La cour administrative d'appel avait annulé la procédure de passation du contrat car celle-ci constituait selon elle un détournement de procédure. En effet, en lançant un avis d'appel public à la concurrence, le syndicat avait entendu passer un marché public. Or, il s'est avéré que le contrat conclu était en fait une convention d'occupation domaniale. Les juges d'appel ont donc considéré que le contrat litigieux était à la base un marché public.
Le Conseil d'Etat a quant à lui estimé que cette qualification était inexacte. Les juges de cassation ont commencé par rappeler la définition d'un marché public en vertu de l'article 1er du Code des marchés publics (CMP) selon lequel le contrat doit prévoir le paiement d'un prix par l'acheteur public. Le contrat litigieux "imposait, au contraire, au cocontractant le paiement d'une redevance dont le montant était un des critères de sélection des offres des candidats". Dès lors, le Conseil d'Etat ne pouvait qu'infirmer la qualification juridique du contrat soutenue par la cour administrative d'appel.
Ce changement de dénomination du contrat en cause n'est pas une simple correction de vocabulaire mais apporte des effets importants quant au régime juridique applicable. Si un contrat est qualifié de marché public, il sera alors soumis au CMP et devra respecter les principes de la commande publique tels que l'égalité de traitement des candidats ou la transparence des procédures. En revanche, une convention d'occupation du domaine public ne répond pas au même régime et bénéficie d'une procédure beaucoup plus souple. En effet, comme l'a précisé le Conseil d'Etat dans son arrêt du 3 décembre 2010 relatif à l'affaire du Stade Jean-Bouin, la conclusion d'une convention d'occupation domaniale ne doit pas nécessairement être précédée d'une procédure de publicité et de mise en concurrence. Elle n'en est pas plus soumise au respect des principes de la commande publique puisque la collectivité ne peut être considérée comme un pouvoir adjudicateur mais simplement comme une autorité gestionnaire du domaine.
Dès lors, on comprend mieux la position très souple adoptée par le Conseil d'Etat dans l'appréciation de l'égalité de traitement des candidats. Les juges d'appel avaient accueilli favorablement la demande de la société évincée considérant que le syndicat avait favorisé l'entreprise attributaire en lui divulguant des informations, notamment sur le contenu du cahier des charges de la consultation. Cependant, pour les juges de cassation, il n'y a pas eu de rupture d'égalité de traitement entre les candidats, cet argument ne pouvant être soulevé dans le cadre de la passation d'une convention d'occupation domaniale. Toutefois, il convient de préciser que l'autorité gestionnaire du domaine reste soumise au respect du droit de la concurrence tel qu'énoncé par le Conseil d'Etat dans les arrêts "Société Million et Marais" du 3 novembre 1997 et "Société EDA" du 26 mars 1999.

Référence : CE, 14 novembre 2014, n°373156(Lien sortant, nouvelle fenêtre)
 

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis