Mise aux normes des stations d’épuration : une instruction invite les préfets à actionner tous les leviers disponibles
Dans une instruction interministérielle - rendue publique ce 18 juillet -, le gouvernement pointe "des résultats pas à la hauteur" pour résorber les non-conformités des systèmes d’assainissement et appelle les préfets à se mobiliser pour éviter à la France une lourde condamnation financière, dont l’Etat et les collectivités responsables devraient alors s’acquitter. Plusieurs leviers sont à actionner, notamment sur le terrain de la police de l’eau, pour amener les collectivités à atteindre leurs objectifs, et les accompagner, y compris sur le volet financier.

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Alors que la directive relative au traitement des eaux résiduaires urbaines (Deru) vient d’être révisée, 1.200 agglomérations d’assainissement environ s’avèrent non conformes à leurs obligations en matière de traitement des eaux usées (soit 38% des agglomérations de 2.000 équivalent-habitants et plus). En 2024, 610 d’entre elles ont par ailleurs été déclarées non conformes au titre de l’année 2022 dans le cadre du rapportage à la Commission européenne.
"Le constat est donc sans appel : le taux de conformité règlementaire des systèmes d’assainissement ne cesse de diminuer depuis plus d’une dizaine d’années et atteint désormais des niveaux inquiétants", alerte le gouvernement, dans une instruction interministérielle - Transition écologique, Outre-mer, Intérieur et aménagement du territoire - à l’adresse des préfets. Une piqure de rappel... Ces derniers sont à nouveau invités -une instruction avait déjà été prise en ce sens en janvier 2020- à mobiliser "dans les délais les plus brefs" toute la palette d’outils existants en matière de police de l’eau et de contrôle des maîtres d’ouvrages concernés : mise en demeure, consignation de fonds, sanctions financières, contrôle de légalité relatif aux documents et autorisations d’urbanisme, police judiciaire, etc.
Et pour cause : déjà épinglée en 2024 - pour manquements aux obligations de la Deru de 1991 concernant 78 agglomérations d’assainissement -, la France risque d’ici deux ans une nouvelle condamnation assortie d’une lourde sanction financière, dont l’Etat et les collectivités responsables devraient s’acquitter. A titre d’exemple, l’Italie vient d’écoper d’une amende de 10 millions d’euros et d’une astreinte d’environ 14 millions d’euros par semestre pour manquements à la Deru. L'état des lieux dressé "reflète les difficultés et le retard pris par certaines collectivités territoriales pour répondre durablement à leurs obligations en matière d’assainissement, notamment du fait d’un manque d’anticipation concernant le développement de leur urbanisation ou le vieillissement de leurs installations", explique l’instruction.
Cibler les collectivités concernées par un contentieux
C’est pourquoi le gouvernement demande aux préfets d’orienter leurs actions "vers les collectivités concernées par un contentieux européen [les 78 agglomérations visées] ou susceptibles de l’être prochainement [dans le cadre du rapportage au titre de 2022 ]" (annexes 4 et 5). Priorité aux 78 agglomérations d’assainissement visées par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 4 octobre 2024. A la date du prononcé de l’arrêt, 26 agglomérations sur les 78 visées sont toutefois revenues à la conformité, et 11 pourraient l’être d’ici moins d’un an.
"Bien que sensiblement abaissé par rapport à la mise en demeure de 2017, le nombre d’agglomérations non conformes reste élevé et les échéances prévisionnelles pour la mise en conformité de ces agglomérations sont parfois très lointaines au regard de 2014, année où le constat de non-conformité a été établi", relève l’instruction. Lors d’échanges avec la Commission européenne, celle-ci a fait part "de son étonnement face au grand nombre d'agglomérations d'assainissement encore non conformes en France (alors que le classement des derniers contentieux devrait se traduire par un nombre très faible de non-conformités) et par les échéances parfois lointaines (au plus tôt fin 2028 pour certaines agglomérations) annoncées pour la mise aux normes de certains systèmes d’assainissement", appuie-t-elle.
Accompagner les collectivités sur le volet financier
Les niveaux d’investissements financiers demandés aux communes et leurs groupements et les risques financiers associés aux procédures contentieuses en cours ou à venir avec la Commission européenne "nécessitent une forte implication des préfets afin d’accompagner les collectivités au bon niveau", insiste l’instruction.
Un certain nombre de leviers y sont repris. Les 50 millions par/an supplémentaires prévus par le plan eau de mars 2023 pour renforcer les programmes d’intervention des agences de l’eau devront y contribuer. Et seront complétés par les dotations de soutien des investissements à la main des préfets. "En particulier, des subventions au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) pourront être accordées aux communes et groupements éligibles pour résorber les situations d’infraction au droit européen constatées dans l’arrêt de la CJUE".
Les préfets pourront en outre "envisager les possibilités de faire participer les départements au financement des travaux d'assainissement dans les communes rurales (en lien avec les aides apportées par l'agence de l'eau pour définir la clé de répartition des subventions)". Sont par ailleurs éligibles à la nouvelle génération d’aqua-prêts de la Banque des Territoires - à taux bonifiés à hauteur de 2 milliards d’euros - "les projets contribuant à une meilleure gestion des ressources en eau, auxquels concourent la collecte et le traitement des eaux usées et une gestion durable des eaux pluviales", confirme l’instruction.
Quant à la nouvelle redevance "performance des systèmes d’assainissement" - entrée en vigueur début 2025 -, elle est "d’autant moins élevée que les installations de collecte et de traitement des eaux usées satisfont à la réglementation", rappellent les quatre ministères signataires, qui y voient donc "un levier financier supplémentaire pour amener toutes les communes ou leurs groupements redevables à respecter leurs obligations en matière d’assainissement".
Via le contrôle de légalité et les autorisations d’urbanisme
C’est un des instruments à la disposition des préfets "pour s’assurer que les maîtres d’ouvrage respectent les dispositions réglementaires (exemple : délibération de la collectivité sur les échéances et montant des travaux à mettre en relation, éventuellement, avec les dispositions de l’acte administratif réglementant les rejets d’assainissement)". Au titre du contrôle de légalité, les préfets devront ainsi s’assurer de la solidité des budgets d’assainissement et de leur capacité à répondre aux nécessités financières des services d’assainissement pour permettre "la mise en œuvre d’une stratégie patrimoniale appropriée". Ils devront aussi encourager les collectivités concernées à intégrer dès à présent dans leurs plans d’actions et d’investissement les nouvelles obligations de la Deru révisée, "afin d’anticiper au mieux les échéances qu’elle fixe".
Les préfets pourront également utiliser leurs prérogatives au titre du contrôle de légalité des documents d’urbanisme et des autorisations d’urbanisme pour traiter les enjeux de collecte et de traitement des eaux usées, notamment "en (s’) opposant à toute extension de l’urbanisation dans les communes où les systèmes d’assainissement sont défaillants ou ne présentent pas la capacité suffisante".
Enfin, l’échelon intercommunal est valorisé car "le plus à même de porter une politique ambitieuse en matière d’assainissement".