Mon accompagnateur Rénov’ : le décret traçant les contours du dispositif est paru

Dès 2023, et conformément à la loi Climat et Résilience, le recours à un tiers de confiance sous la bannière "Mon accompagnateur Rénov’" deviendra obligatoire à partir d'un certain montant de travaux. Le décret détaillant le contenu de ce dispositif qui s’inscrit dans le cadre du service public de la performance énergétique de l'habitat (SPPEH) a été publié ce 23 juillet.

Le décret fixant les modalités de fonctionnement du dispositif d’accompagnement des ménages bénéficiaires des aides de MaPrimeRénov’ est paru ce 23 juillet. Ce texte d'application de la loi Climat et Résilience (article 164), qui rend progressivement obligatoire en 2023 l'accompagnement des travaux de rénovation énergétique par un tiers de confiance à partir d'un certain montant, figure au nombre des préconisations reprises du rapport d’Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des Dépôts et directeur de la Banque des territoires. 

Le décret cerne le contenu de cet accompagnement, connu sous le nom grand public de "Mon accompagnateur Rénov’", avec pour objectif de traiter les difficultés rencontrées par les ménages dans leur projet de rénovation. Sont ainsi intégrés "l'ensemble des aspects financiers, administratifs, techniques et sociaux du projet", tels qu'ils ont été identifiés par le ménage et l’accompagnateur. Il s’agit de mettre en place un service d’accompagnement complet élargi aux enjeux globaux de l’habitat et entre autres au volet social, c’est-à-dire aux situations d'habitat indigne, d'indécence, de péril ou de perte d’autonomie. Les travaux recommandés dans le cadre de l’accompagnement devront a minima "améliorer le classement du bâtiment au regard de sa performance énergétique et environnementale", précise le texte. Concrètement, l’accompagnement comprendra donc une évaluation de l'état du logement et de la situation du ménage, un audit énergétique (ou le recours à un audit énergétique préexistant), ainsi que la préparation et l'accompagnement à la réalisation du projet de travaux. 

Dispositif en deux temps

Seront concernés dès le 1er janvier 2023 par l’obligation d’accompagnement les travaux bénéficiant de l’aide à la rénovation globale de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) dont le coût est supérieur à 5.000 euros (au titre de l’aide dite "MaPrimeRénov’ Sérénité"), puis à partir du 1er septembre 2023 les bouquets de travaux deux gestes ou plus (dont la liste figure aux 1 à 14 de l'annexe 1 du décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020) au-delà de 5.000 euros, qui feront l'objet d'une demande de prime supérieure à 10.000 euros. Seront également concernés les travaux qui feront l'objet de demandes d'aides distinctes dépassant ces seuils et intervenant dans un délai de 3 ans à compter de la première demande d'aide formulée. 

Consulté pour avis le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) juge ce calendrier "précipité" au regard "des incertitudes persistantes, notamment quant à son financement". Il ne laisse que "peu de marges de manœuvre aux collectivités territoriales aux fins de réajuster l’organisation mise en place, en particulier dans le cadre du service d’accompagnement à la rénovation énergétique (Sare)", regrette-t-il, craignant à bien des égards "des effets contreproductifs". Une période transitoire a été prévue, fait valoir de son côté le ministère de la Transition écologique, permettant à certaines structures d’être agréées d’office, et ce jusqu’au 1er septembre 2023, notamment celles ayant contractualisé avec une collectivité territoriale ou son groupement pour assurer le rôle de guichet. 

Des collectivités écartées du processus d’agrément 

Le décret prévoit en effet de mettre en œuvre un système d’agrément d’une durée de cinq ans pour les opérateurs chargés de réaliser cette mission d’accompagnement. L'un des objectifs est de préparer l'ouverture de l'accompagnement à d'autres opérateurs que le réseau des espaces conseils de France Rénov' (issu de la fusion des structures locales de l'Anah et de l'Ademe) et les organismes déjà agréés par l'Anah comme le réseau Soliha. Le réseau des accompagnateurs doit ainsi s'ouvrir à d'autres opérateurs publics, à commencer par les collectivités territoriales - selon une procédure simplifiée -, mais aussi à des opérateurs privés, sous réserve de respecter certaines conditions de compétence et d’indépendance vis-à-vis des activités d’exécution d’ouvrage pour prévenir les conflits d’intérêts.
En dépit d’évolutions à la marge, concernant notamment les sociétés de tiers financement à capitaux majoritairement publics, le collège des élus du CNEN a reconduit l’avis défavorable (délibération n° 22-02-03-02768) formulé lors d’une première séance début février (délibération n° 22-02-03-02768). En cause le rôle insuffisant accordé aux collectivités territoriales, et en particulier aux régions, dans le processus d’agrément des accompagnateurs. Celui-ci se limite à leur association indirecte dans le cadre de la consultation du comité régional de l'habitat et de l'hébergement (CRHH) qui sera amené à se prononcer par "avis simple" sur les candidatures des opérateurs à l’agrément. Le texte prévoit que les guichets d’information ainsi que les collectivités et leurs groupements peuvent procéder à des "signalements" auprès de l’Anah lorsqu'ils constatent que l'accompagnateur manque à ses obligations. Toutefois, pour le CNEN, ils devraient être associés "bien en amont du processus, avec notamment l’octroi d’un rôle d’animation de réseau au profit des régions". Dans le cadre du pilotage du SPPEH, les régions "seraient en capacité d’apporter une vision concrète et opérationnelle s’agissant des besoins réels sur leur territoire et juger en toute neutralité et indépendance de la pertinence de l’accompagnement", estime-t-il. 

Une articulation entre les différents acteurs jugée insuffisante 

Les guichets d'information, de conseil et d'accompagnement, formant le réseau France Rénov', constituent "le point d'entrée privilégié des ménages dans leur parcours d’accompagnement", indique le texte. Il peut s'agir soit de structures de droit privé ayant contractualisé avec une collectivité pour la mise en œuvre du SPPEH, soit de collectivités ou leurs groupements qui y contribuent en régie. Les structures et collectivités qui assurent ce rôle de guichets seront en outre informées des accompagnements réalisés sur leur territoire par le système d'information dédié de l’Anah. Le ministère s’est par ailleurs engagé à diffuser via ce canal une information complète aux ménages quant aux accompagnateurs agréés sur un territoire donné. De nombreuses incertitudes concernant l’articulation entre acteurs pèsent néanmoins sur la mise en œuvre de la réforme aux yeux du CNEN, qui recommandait de rendre obligatoire le passage préalable par les guichets uniques. Le texte reste également muet sur le cadre juridique régissant les relations contractuelles entre les "Espaces France Rénov’" et les accompagnateurs, malgré l’étude confiée à l’Ademe sur le sujet, déplore-t-il.
Notons que le décret comporte plusieurs articles adaptant et précisant les missions de l'Anah en fonction du nouveau contexte. Enfin, un arrêté d’application est attendu en complément du décret.  

 
Référence : décret n° 2022-1035 du 22 juillet 2022 pris pour application de l'article 164 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, JO du 23 juillet 2022, texte n° 27.