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Culture - Musées : combien coûte la gratuité ?

La gratuité des musées permet peut-être d'augmenter leur fréquentation, y compris par des publics dits "éloignés de la culture", mais n'arrange pas la question financière de ces établissements largement dépendants des subventions publiques. La députée LR Brigitte Kuster s'interroge sur certaines règles de gratuité. Elle étudie également les autres voies de financement pour abonder les ressources propres des musées : mécénat, valorisation des lieux (location, réception, tournages…), concessions (cafétérias, boutiques, parking…), prestation d'ingénierie culturelle, vente d'expositions...

Dans son avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2019 (mission Culture), Brigitte Kuster, députée (LR) de Paris, apporte des précisions sur la question du financement des musées. PLF oblige, les analyses présentées visent les musées nationaux, mais valent tout autant pour ceux des collectivités territoriales. Il s'agit en l'occurrence, face à une baisse tendancielle des subventions, de trouver les moyens de dégager des ressources propres.

Les visiteurs augmentent, la gratuité aussi

La première source est celle de la billetterie. Or celle-ci est confrontée à un mouvement contradictoire. D'un côté, les musées bénéficient d'une hausse record de leur fréquentation, après le creux des années 2015 et 2016 consécutif aux attentats (respectivement -5% et -8%). Aux deuxième et troisième trimestres 2017, la progression de la fréquentation est ainsi de 14% et 12% par rapport à la même période de l'année précédente. Et la tendance devrait se poursuivre, sinon s'amplifier, en 2018.
Mais, d'un autre côté, les entrées ne sont plus forcément synonymes de recettes. En effet, dans les musées nationaux, les entrées gratuites représentent désormais environ 35% du nombre total de visiteurs. Et certaines collectivités, comme la ville de Paris, sont même allées plus loin en instaurant une gratuité totale pour leurs collections permanentes. En outre, il apparaît que les entrées gratuites progressent nettement plus vite que les entrées payantes. Sur la période 2004-2013, les premières ont ainsi progressé de 56,7%, contre 12,8% pour les secondes. Dans ces conditions, "la rapporteure pour avis s'interroge sur la gratuité des premiers dimanches du mois, dans la mesure où elle crée un effet d'aubaine pour les touristes et pour les tour-opérateurs" et considère "que les dispositifs de gratuité doivent être adaptés selon les musées et leur caractère touristique".

Mécénat, valorisation des lieux et concessions

Face à ces tendances, la rapporteure juge indispensable de rechercher d'autres ressources propres. Le développement du mécénat, "encouragé en France par plusieurs dispositifs fiscaux très avantageux", constituerait ainsi une première réponse. Selon une étude de l'association Admical, le secteur patrimoine et culture représente déjà un quart des dépenses de mécénat, derrière le secteur social (28%) et devant l'éducation (23%). Ces chiffres doivent toutefois être pris avec précaution, dans la mesure où la moitié des dons aux œuvres ne font pas l'objet d'une demande de reçu fiscal. En ce domaine toutefois, "on observe une concurrence accrue entre les institutions publiques, qui ont plus de mal à mobiliser le mécénat et les fondations d'entreprises". Une solution pourrait passer par un accroissement du mécénat des petites entreprises, "notamment pour les projets locaux de petite dimension ou pour la participation aux cercles d'entreprises". La rapporteure suggère donc d'instaurer une franchise de 10.000 euros alternative au plafond de 0,5% du chiffre d'affaires.
Brigitte Kuster se dit également très favorable à la valorisation de lieux : locations, réceptions, tournages ou encore exploitation du droit à l'image (désormais officialisée pour six domaines nationaux).
Les concessions (restaurant, cafétéria, librairie-boutique, parking...), qui procurent des recettes récurrentes, peuvent également être une solution. Le domaine du Louvre et des Tuileries a ainsi tiré 11 millions d'euros en 2017 d'un ensemble de 18 concessions commerciales et 16 concessions institutionnelles. En revanche, le rapport constate que "la gestion en direct des librairies-boutiques est généralement déficitaire".

Prudence sur les autres recettes

Brigitte Kuster est également réservée sur la valorisation des marques des musées, sous la forme de licences de marque. Ce type d'approche est, de toutes façons, réservé aux grands musées à notoriété mondiale, comme le Louvre (avec le Louvre-Abu Dhabi) ou le Centre Pompidou. Il est de même pour d'autres activités, qui "doivent être envisagées avec prudence, en fonction de leur rentabilité". C'est notamment le cas de l'expertise, de l'ingénierie culturelle ou de la vente d'expositions. Cette dernière activité est beaucoup développée par le musée d'Orsay (jusqu'à 4,2 millions d'euros de recettes en 2016) ou, à une moindre échelle, par le musée Gustave-Moreau, qui profite de la notoriété de l'artiste au Japon pour y organiser plusieurs expositions.
Enfin, la rapporteure pour avis s'appuie sur un récent rapport des inspections générales des finances et des affaires culturelles pour se montrer "très circonspecte" sur certaines activités, comme la gestion d'un auditorium, les conférences ou les ateliers. Selon le rapport des deux inspections générales, "les activités telles que les conférences, les formations, les ateliers, la gestion d'un auditorium et les spectacles produits dans les musées occasionnaient, en 2013, un déficit moyen de 4,12 millions d'euros par établissement en coûts complets (sur le périmètre de la mission)".

Références : Assemblée nationale, projet de loi de finances pour 2019, rapport pour avis au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation sur les crédits de la mission Culture.