New Deal mobile : les retards s'accumulent pour les pylônes de la couverture ciblée

La direction générale des entreprises a mis en consultation publique deux arrêtés modificatifs sur une liste de sites à couvrir en téléphonie mobile au titre de la "couverture ciblée" prévue par le New Deal mobile. Aucune mention n'est faite du contexte actuel alors que celui-ci va engendrer des retards supplémentaires sur un dossier qui patinait déjà avant le confinement. 

La direction générale des entreprises (DGE) a mis en consultation publique jusqu'au 11 juin 2020 deux projets d'arrêtés sur les zones à couvrir dans le cadre du volet "couverture ciblée" du New Deal mobile. Il ne s'agit pas de nouveaux sites mais de modifications apportées à des listes arrêtées en 2018 et 2019. L'Avicca, qui participe aux comités de concertation du New Deal mobile, explique que "les arrêtés corrigent des noms de communes, des coordonnées GPS et d'autres informations mineures" pour des zones d'ores et déjà identifiées. Si dans quelques cas, des départements pourraient récupérer un pylône et leur faire "économiser" un site sur le quota alloué par l'État, pour la quarantaine de territoires concernés cela signifie avant tout de nouveaux délais dans la résorption des trous de couverture mobile. Car il faudra attendre la publication des arrêtés pour que les délais contractualisés par les opérateurs s'appliquent. On rappellera que ceux-ci disposent de 24 mois maximum pour mettre en place le service, délai ramené à 12 mois lorsque la collectivité met à disposition un terrain viabilisé pour édifier le pylône.

28 sites livrés sur 1.374 validés

Autrement dit, ces arrêtés entérinent de nouveaux retards sur un dossier déjà passablement ensablé. Le "tableau de bord du New Deal mobile", mis à jour par l'Arcep, ne dénombre en effet que 28 sites en service à la date du 12 mai… Un score à comparer aux 600 sites prévus en juillet 2018 comme le rappelle la DGE dans la notice accompagnant la consultation publique. Or ces sites devaient être livrés au plus tard le 27 juin 2020. Même si le nombre de sites restant encore à livrer n'atteint "que" 459 du fait des mutualisations entre opérateurs et d'autres ajustements, il est d'ores et déjà certain le compte n'y sera pas fin juin. Le confinement et l'arrêt des travaux sur les réseaux en mars-avril ont leur part de responsabilité mais la crise sanitaire n'explique pas tout. Les alarmes des élus sur les retards de ce dossier ne datent en effet pas d'hier (notre article). "Il faut rappeler que les sites programmés en 2018 correspondent à des zones identifiées dans le cadre des anciens programmes zones blanches. On pouvait donc penser que ça irait vite" souligne Frédéric Gerbelot, en charge de la couverture mobile à l'Avicca. Face au stock de sites qui s'accumule – au total 1.374 sites ont été validés selon l'Arcep – l'État ne se presse du reste pas pour sélectionner les quelque 500 sites restants à choisir en 2020. Une temporisation que l'Avicca ne s'explique pas : "La crise sanitaire n'empêche pas de désigner les opérateurs chefs de file ou de réaliser des études et on pourrait très bien imaginer que l'État fournisse en avance de phase une proposition de sites à couvrir avant même de lancer la procédure de validation par arrêté." Une accélération qui se justifierait d'autant plus que la période actuelle contribue à révéler les trous de couverture, de nombreux foyers étant privés de télétravail ou d'école à la maison faute de connexion internet.

La rallonge de temps négociée en juillet

Un point d'étape sur le New Deal mobile a été annoncé "en juillet" par le président de l'Arcep, Sébastien Soriano, lors de son audition le 24 avril au sénat ( lire notre article du 23 avril). Le principal point à l'ordre du jour de cette réunion devrait porter sur la rallonge de temps accordée aux opérateurs pour livrer les sites ayant fait l'objet d'arrêtés. Celle-ci correspondra-t-elle strictement à la durée du confinement comme le souhaiterait l'Avicca ? À celle de l'état d'urgence sanitaire ? Sera-t-elle négociée au cas par cas ? À ce stade, même si l'Arcep a affirmé ne pas vouloir donner de "chèque en blanc aux opérateurs", il ne peut s'agir que d'hypothèses, la France n'étant pas à l'abri d'un nouveau confinement d'ici l'été. Une chose est cependant d'ores et déjà certaine : l'objectif présidentiel du "bon débit pour tous en 2020", qui passait essentiellement par la 4G fixe, semble bel et bien compromis.

Sécuriser le pouvoir de sanction de l'Arcep

Que cela soit pour le New Deal mobile ou la couverture en fibre optique des zones Amii / Amel, les opérateurs sont soumis à des obligations et au pouvoir de sanction de l'Arcep. Celui-ci a cependant été fragilisé par la question prioritaire de constitutionnalité déposée en septembre 2019 par Orange. Si la QPC a finalement été retirée, le mélange des rôles (enquêtes et sanctions) au sein de l'autorité indépendante soulevé par Orange subsiste. Aussi, afin de "renforcer la légitimité du pouvoir de sanction de l'Arcep", le sénateur Patrick Chaize, également président de l'Avicca, a déposé une proposition de loi le 2 avril 2020. Celle-ci propose de créer une commission des sanctions composée de membres distincts du collège de l'autorité, chargée uniquement de prononcer les sanctions. Une organisation calquée sur le modèle de l'Autorité des marchés financiers ou de celle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.