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Non-respect des valeurs limites de dioxyde d'azote : la France condamnée par la Cour de justice de l'UE

Dans un arrêt rendu ce 24 octobre, la Cour de justice de l'Union européenne a condamné la France pour avoir dépassé de "manière systématique et persistante" depuis le 1er janvier 2010 la valeur limite annuelle pour le dioxyde d'azote, un polluant dû pour l'essentiel aux émissions du trafic routier.

La condamnation prononcée ce 24 octobre à l'encontre de la France par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour manquement aux obligations issues de la directive Qualité de l'air du 21 mai 2008 marque l'aboutissement d'une procédure remontant au 7 mars 2012. La France avait alors demandé à la Commission européenne le report du délai prévu pour le respect des valeurs limites de dioxyde d'azote fixées par la directive. La demande concernait les valeurs limites annuelles de 24 zones du territoire national et les valeurs limites horaires de trois de ces zones. "La Commission a émis des objections à cette demande de report qui n’ont pas été contestées par la France qui avait, dès lors, l’obligation de respecter les valeurs limites de dioxyde d’azote, calculées par heure ou par année civile, à compter du 1er janvier 2010", rappelle la Cour dans un communiqué.

Procédure en manquement enclenchée en 2014

Mais du fait des dépassements des valeurs limites annuelles de dioxyde d'azote dans de nombreuses zones à compter de cette date, la Commission a engagé en 2014 une procédure en manquement contre la France puis, le 19 juin 2015, elle a estimé que la France n’avait pas observé les valeurs limites applicables pour le dioxyde d’azote (article 13 de la directive) et que, bien qu’ayant adopté des plans relatifs à la qualité de l’air et/ou d’autres mesures visant à réduire les émissions de dioxyde d’azote, elle avait manqué à l’obligation de faire en sorte que la période de dépassement soit la plus courte possible (article 23 de la directive).
La Commission a donc invité la France à prendre les mesures nécessaires pour satisfaire à ses obligations et, faute pour celle-ci d’avoir pris ces mesures, a introduit un recours en manquement contre la France devant la Cour de justice. "La France ne conteste pas l’existence persistante des dépassements des valeurs limites horaires et annuelles de dioxyde d’azote dans les zones et agglomérations* faisant l’objet du recours introduit par la Commission, note la Cour. Cependant, elle conteste le caractère prétendument systématique de ces dépassements."
Dans l'arrêt qu'elle a rendu ce 24 octobre, la Cour souligne que le fait de dépasser les valeurs limites pour le dioxyde d’azote dans l’air ambiant suffit en lui-même pour pouvoir constater un manquement à l’obligation prévue à l’article 13 de la directive. Elle rappelle aussi, en réponse à l’argument de la France selon lequel le retard dans l’application de la directive doit être apprécié au regard des difficultés structurelles rencontrées lors de la transposition de celle-ci, que la date à partir de laquelle les valeurs limites pour le dioxyde d’azote devaient être respectées était fixée au 1er janvier 2010. Or, poursuit la Cour, dès lors que le constat objectif du non-respect par un État membre des obligations que lui imposent les traités a été établi, "il est sans pertinence que le manquement résulte de la volonté de l’État membre auquel il est imputable, de sa négligence ou bien encore de difficultés techniques ou structurelles auxquelles celui-ci aurait été confronté".

Obligation d'établir un plan qualité de l'air répondant à certaines exigences

En outre, elle indique que la directive prévoit que, lorsque le dépassement des valeurs limites pour le dioxyde d’azote a lieu après le délai prévu pour leur application, l’État membre concerné est tenu d’établir un plan relatif à la qualité de l’air qui répond à certaines exigences. Ce plan doit prévoir les mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible, et peut comporter des mesures additionnelles spécifiques pour protéger les catégories de population sensibles, notamment les enfants. Il doit être transmis à la Commission sans délai, et au plus tard deux ans après la fin de l’année au cours de laquelle le premier dépassement a été constaté.
La Cour souligne que le fait qu’un État membre dépasse les valeurs limites pour le dioxyde d’azote dans l’air ambiant ne suffit pas, à lui seul, pour considérer qu’il a manqué à l’obligation résultant de l’article 23 de la directive. Néanmoins, selon la directive, si les États membres disposent d’une certaine marge de manœuvre pour la détermination des mesures à adopter, celles-ci doivent, en tout état de cause, permettre que la période de dépassement des valeurs limites soit la plus courte possible. Or, la Cour constate que "la France n’a manifestement pas adopté, en temps utile, des mesures appropriées permettant d’assurer un délai de dépassement qui soit le plus court possible". Ainsi, le dépassement des valeurs limites en cause durant sept années consécutives demeure "systématique et persistant malgré l’obligation pour la France de prendre toutes les mesures appropriées et efficaces pour se conformer à l’exigence selon laquelle le délai de dépassement doit être le plus court possible". Elle conclut qu’une telle situation démontre par elle-même que la France n’a pas mis à exécution des mesures appropriées et efficaces pour que la période de dépassement des valeurs limites pour le dioxyde d’azote soit la plus courte possible, au sens de la directive et fait donc droit au recours de la Commission en condamnant la France pour manquement aux obligations issues de la directive qualité de l’air. À ce stade de la procédure, la condamnation n'est pas assortie de sanctions pécuniaires mais l'État doit se conformer à l'arrêt "dans les meilleurs délais".

Le gouvernement "prend acte"

Dans un communiqué, Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique, "prend acte" de l'arrêt de la CJUE. "Le gouvernement est déterminé à améliorer rapidement et durablement la qualité de l’air, qui constitue un impératif de santé publique et environnemental", affirme-t-elle. Selon le ministère, sur la période 2000-2018, les émissions d’oxydes d’azote en France ont baissé de 54% et le nombre d’agglomérations concernées par les dépassements de la valeur limite a été divisé par deux, passant de 24 en 2000  à 11 en 2018. "Les limites réglementaires sont respectées pour une large partie du territoire et de la population, mais des dépassements subsistent en zone urbaine, à proximité du trafic routier", reconnaît-il toutefois.

Mesures engagées et à venir

 "La mobilisation du gouvernement pour améliorer la qualité de l’air passe par une série d’actions structurantes déjà engagées", souligne-t-il, comme l'accompagnement du renouvellement du parc automobile, le plan de développement du réseau des bornes d’alimentation électrique pour les véhicules particuliers, ou l’accompagnement financier des collectivités locales via le fonds Air-Mobilité de l'Ademe. "De nouvelles actions, inscrites en particulier dans la loi d’orientation sur les mobilités, permettront d’accélérer et d’amplifier l’action du gouvernement", ajoute-t-il, citant notamment le déploiement de zones à faibles émissions (ZFE) dans les métropoles, l’obligation pour les collectivités territoriales dépassant régulièrement les valeurs limites, de mettre en œuvre une ZFE, la mise en œuvre du Plan vélo, la création du forfait mobilités durables ou la réduction des émissions des navires à quai via le plan escales zéro fumée, qui commence à se déployer dans le sud.

*Marseille, Toulon, Paris, Auvergne-Clermont-Ferrand, Montpellier, Toulouse Midi-Pyrénées, ZUR Reims Champagne-Ardenne, Grenoble Rhône-Alpes, Strasbourg, Lyon Rhône-Alpes, ZUR Vallée de l’Arve Rhône-Alpes et Nice pour le dépassement de la valeur limite annuelle ainsi que Paris et Lyon Rhône-Alpes pour celui de la valeur limite horaire

 

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