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Note juridique Covid-19 – Décryptage des ordonnances du 1er avril 2020 :

report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires et continuité du fonctionnement des institutions et l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux.

A la suite d’un nombre important d’ordonnances adoptées à la fin du mois de mars, consécutivement à la promulgation de la loi d’habilitation du 23 mars 2020 portant état d’urgence sanitaire pour une période initiale de deux mois, deux nouvelles ordonnances ont été signées le 1er avril 2020.

L’ordonnance n° 2020-390 est notamment relative au report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires.

L’ordonnance n° 2020-391 porte quant à elle sur la continuité du fonctionnement des institutions et l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19.

I. Ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020

En premier lieu, ce texte ne revient pas sur le calendrier prévisionnel de tenue des élections municipales prévu par la loi d’urgence. Pour rappel, en ce qui concerne les communes pour lesquelles un second tour de scrutin s’avère nécessaire, sa date sera fixée par décret en conseil des ministres, pris le mercredi 27 mai 2020 au plus tard, sur le fondement d’un rapport remis au Gouvernement par le Parlement au plus tard le 23 mai, si la situation sanitaire permet l'organisation des opérations électorales au regard, notamment, de l'analyse d’un comité de scientifiques spécialement créé à cet effet.

La loi prévoit que « si la situation sanitaire ne permet pas l'organisation du second tour au plus tard au mois de juin 2020, le mandat des conseillers municipaux et communautaires est prolongé pour une durée fixée par la loi. Les électeurs sont convoqués par décret pour les deux tours de scrutin, qui ont lieu dans les trente jours qui précèdent l'achèvement des mandats ainsi prolongés. La loi détermine aussi les modalités d'entrée en fonction des conseillers municipaux élus dès le premier tour dans les communes de moins de 1 000 habitants pour lesquelles le conseil municipal n'a pas été élu au complet. ». En tout état de cause, le mandat des conseillers élus au 1er tour ne sera pas remis en cause.

La circulaire du ministère de l’Intérieur du 27 mars précise que dans cette hypothèse, on organiserait deux tours de scrutins dans les communes où aucun conseiller n’a été élu le 15 mars (essentiellement des communes de 1 000 habitants et plus). Et dans les communes de moins de 1 000 habitants partiellement pourvues, le nouveau scrutin à 2 tours ne porterait que sur les sièges non pourvus, sur le modèle des élections complémentaires.

Le Premier ministre, dans une allocution télévisée du 2 avril, n’a pas écarté l’hypothèse d’un report de ce second tour au moins à l’automne prochain. Dans ce cas, l’état du droit actuel, résultant notamment de la loi d’urgence et de cette ordonnance, pourrait être substantiellement modifié, certains constitutionnalistes estimant qu’organiser un second tour aussi longtemps après avoir entériné les résultats du premier, serait contestable, en particulier parce que  le corps électoral doit conserver une certaine permanence entre les deux tours d’un scrutin censé être organisé dans un laps de temps raisonnable.

Quoi qu’il en soit, même dans la projection qui a toujours cours actuellement d’un second tour reporté au plus tard au mois de juin, l’ordonnance du 1er avril a opéré quelques adaptations rendues nécessaires. Il en est ainsi de la gestion des listes électorales. En vertu de l’article 1er, les listes électorales arrêtées pour le premier tour seront reprises pour le second, et seulement ajustées des électeurs devenus majeurs dans l’intervalle ou ayant acquis la nationalité française inscrits d’office par l’Insee. Jusqu'au lendemain du second tour, ni le maire ni la commission de contrôle ne peuvent radier des listes électorales un électeur (sauf décès ou décision de justice). Les inscriptions  auxquelles ils procéderaient ne sont pas prises en compte pour le second tour. De plus, le texte prolonge le délai de communicabilité des listes d’émargement : il courra à compter de l’entrée en vigueur du décret de convocation des électeurs pour le second tour, ou à défaut à compter de l’entrée en fonction des conseillers municipaux élus dans les communes pourvues entièrement dès le premier tour, jusqu’à l’expiration du délai de recours contentieux.

Par ailleurs, il est institué une période complémentaire de dépôt des déclarations de candidature pour le second tour ; elles devront être déposées au plus tard le mardi qui suit la publication du décret de convocation des électeurs. L’ordonnance précise que les candidatures déposées les lundi 16 mars et mardi 17 mars, pour lesquelles un récépissé définitif a été remis, demeurent valables. Dans les communes de 1 000 habitants et plus, par dérogation aux articles L. 224-16 et L. 267 du code électoral, les candidatures peuvent être retirées pendant la période complémentaire de dépôt des déclarations de candidature. Les retraits de listes complètes comportent la signature de la majorité des candidats de la liste.

Les articles 3 et 6 évoquent, en complétant certaines dispositions figurant dans la loi d’urgence, la question d’éventuelles vacances déjà intervenues ou appelées à l’être dans les semaines qui viennent. D’une part, dans les communes de moins de 1 000 habitants, le second tour porte uniquement sur les sièges non pourvus au premier tour, nonobstant les vacances intervenues avant le second tour. D’autre part, la démission des candidats élus au premier tour dont l'entrée en fonction est différée en application de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 ne prend effet qu'après leur entrée en fonction.

II. Ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020

Cette ordonnance était attendue et rendue d’autant plus nécessaire que la loi du 23 mars est assez peu diserte (en dehors de la question du quorum dans les instances délibérantes) sur le fonctionnement des institutions locales. Cette loi habilitait donc le Gouvernement à prendre des dispositions visant à assurer la continuité de l’administration territoriale pendant la période d’urgence sanitaire.

La conséquence peut-être la plus importante a trait à la compétence renforcée des exécutifs locaux, qui a été décidée pour des raisons pratiques (autorité unique, difficultés de réunir les organes délibérants, …), mais cela peut laisser augurer quelques contentieux, au regard de l’insécurité juridique plus grande que cela induit.

A. Un régime de délégations de pouvoir de plein droit

Pendant la durée de l’état d’urgence, afin de favoriser la continuité de l’action des collectivités territoriales et de leurs groupements (comme le précise la Direction générale des collectivités locales - DGCL -  dans une note datée du 1er avril),   les exécutifs locaux exercent, par une délégation qui leur est confiée de plein droit par l’article 1er de la présente ordonnance, la quasi-totalité des attributions que les assemblées délibérantes peuvent leur déléguer par délibération.

Il s’agit donc là d’un régime d’exception, qui confie à l’autorité exécutive des compétences élargies, entourées toutefois de quelques garanties de contrôle de l’assemblée délibérante. Pour les communes, le maire exerce l’ensemble des attributions mentionnées à l’article L. 2122-22 du CGCT (à l’exception du 3° portant sur les emprunts), sans que le conseil municipal n’ait à fixer les limites prévues dans le droit commun dans certains cas. Ce principe s’applique à toutes les communes, quelles qu’aient pu être les délégations accordées jusqu’à présent.

Le texte prévoit donc une exception ayant trait aux emprunts. Durant cette période transitoire, le maire est habilité à procéder à l’attribution des subventions aux associations et à garantir les emprunts. Mais l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars ajoute ceci : « les délégations en matière d'emprunts ayant pris fin en 2020 (nota : dès l’ouverture de la campagne électorale pour les élections municipales) en application du dernier alinéa des articles L. 2122-22, (…) et L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales sont rétablies à compter de l'entrée en vigueur de la présente ordonnance et restent valables jusqu'à la première réunion du conseil municipal ou de l'organe délibérant suivant cette entrée en vigueur ». Cette délégation permet à l’exécutif de procéder dans les limites fixées par l’assemblée délibérante, à la réalisation des emprunts destinés au financement des investissements prévus par le budget et aux opérations financières utiles à la gestion des emprunts. Il y a donc un maintien de cette délégation, à la condition expresse qu’une délibération en ce sens ait été prise antérieurement et soit toujours en vigueur à la date du 26 mars 2020.

A noter : pour l’application de ces dispositions, au titre de l'année 2020, l'exécutif peut souscrire les lignes de trésorerie nécessaires dans une limite correspondant au montant maximum entre :

1° Le plafond fixé, le cas échéant, par la délibération portant délégation en la matière ;

2° Le montant total du besoin budgétaire d’emprunt figurant au budget de l’exercice 2020, ou, si ce dernier n’a pas été adopté, à celui de l’exercice 2019 ;

3° 15 % des  dépenses réelles figurant au budget de l’exercice 2020, ou, si ce dernier n’a pas été adopté, à celui de l’exercice 2019.

Ce régime juridique de délégations de plein droit s’applique exactement de la même manière aux EPCI, mais en référence à l’article L 5211-10 du CGCT qui leur est propre, ainsi qu’aux syndicats mixtes et aux PETR. Par conséquent, le président d’un EPCI se voit investi de l’ensemble des matières relevant de la compétence de l’organe délibérant, à l’exception de celles visées par l’article L 5211-10, alinéas 7 à 13, et sous la même réserve qu’en ce qui concerne les communes pour les délégations en matière d’emprunts.

Les règles de subdélégation de signature sont par voie de conséquence rendues automatiques. Les décisions prises par l’autorité exécutive sur le fondement de ces délégations de plein droit peuvent être signées par un adjoint ou  un conseiller municipal en application de l’article L 212218 du CGCT ou un agent visé par l’article L 2122-19 (directeur général des services, le directeur général adjoint des services, le directeur général des services techniques, le directeur des services techniques et les responsables de service ayant reçu délégation de signature), en ce qui concerne les communes, ou par un vice-président ou un membre du bureau agissant par délégation du président, ou par un agent de direction (directeur général des services, le directeur général adjoint des services, le directeur général des services techniques, le directeur des services techniques et les responsables de service ayant reçu délégation de signature), dans les conditions prévues par l’article L 5211-9 du CGCT, pour ce qui est des EPCI.

A noter : Durant cette période, l’ordonnance ne permet pas que le bureau de l’EPCI dans son ensemble puisse être délégataire, contrairement au droit commun.

A noter : Ces règles n’affectent pas en revanche les délégations de fonction et de signature conférées par l’exécutif en vertu de ses pouvoirs propres. En application de l’article 19, IV, de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, les arrêtés qui auraient été pris en ce sens restent exécutoires en raison de la prorogation du mandat des élus en exercice avant le premier tour des élections municipales.

L’ensemble des décisions prises par les exécutifs dans le cadre des délégations accordées sont soumises à l’obligation de transmission au contrôle de légalité. Cette transmission intervient dans les conditions fixées par l’article L. 2131-1 du CGCT. Elle peut également être effectuée depuis une adresse électronique dédiée de la collectivité ou du groupement vers une adresse électronique dédiée mise en place par la préfecture (article 7). De surcroit, à titre dérogatoire, la publication des actes réglementaires peut être faite uniquement de manière électronique, sur le site internet de la collectivité territoriale ou de l’EPCI, s’il existe.

Ce transfert d’office de compétences dévolues à l’exécutif est cependant réversible. En effet, l’organe délibérant, réuni le cas échéant dans les conditions que cette ordonnance permet, peut à tout moment décider, par délibération, de mettre un terme en tout ou partie à cette délégation ou de la modifier. Cette question doit être portée à l’ordre du jour de la première réunion de l’assemblée qui suit l’entrée en vigueur de ces dispositions.

Lorsque le conseil municipal, communautaire, métropolitain ou syndical décide de mettre un terme à tout ou partie de la délégation, il peut réformer les décisions prises par l’exécutif sur le fondement de celle-ci.

B. Un ajustement du fonctionnement des organes délibérants

Dans une même volonté d’allègement des procédures, l’article 4 permet au maire ou au président de l’organe délibérant de décider de ne pas saisir les commissions internes et le conseil de développement des affaires qui leur sont habituellement ou légalement préalablement soumises. Dans ce cas, l’exécutif informe sans délai l’instance concernée de cette décision et lui communique par tout moyen les éléments relatifs aux affaires sur lesquelles elle n’a pu être consultée, et l’informe des décisions prises.

Depuis la loi d’urgence du 23 mars, puis avec un élargissement du dispositif par l’ordonnance, la condition de quorum des organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics est assouplie : ils délibèrent valablement en cette période d’urgence sanitaire dès lors que le tiers de leurs membres en exercice est présent ou représenté (alors qu’en conseil municipal notamment, la règle de droit commun est à « plus de la moitié » de membres présents physiquement). Si après une première convocation régulièrement faite, ce quorum n’est pas atteint, l’organe délibérant est à nouveau convoqué à trois jours au moins d’intervalle. L’ordonnance étend cette règle notamment au bureau des EPCI à fiscalité propre et aux commissions permanentes. Le quorum de toutes ces instances s’apprécie en tenant compte des membres présents dans le lieu de réunion, de ceux qui sont représentés, donc qui ont donné pouvoir, mais également de ceux présents à distance.

Un autre assouplissement de fonctionnement s’opère durant cette période : un membre peut être porteur de deux pouvoirs (contre un seul habituellement en conseil municipal).

Par ailleurs, l’obligation de réunion trimestrielle de l’organe délibérant (article 3 de l’ordonnance) est levée. Mais en contrepartie, 1/5 des membres peuvent demander une réunion et l’exécutif dispose de 6 jours pour l’organiser. Un même conseiller ne peut présenter plus d’une demande de réunion pendant une période de 2 mois.

L’article 6 organise les modalités de réunion à distance des organes délibérants des communes et EPCI  durant cette période transitoire. L’exécutif met en œuvre par tout moyen la convocation des conseillers, en les informant de la technologie choisie (téléconférence ou audioconférence). Lors de la première réunion de l’assemblée, les élus devront délibérer sur :

  •  l’identification des participants,
  •  l’enregistrement et de la conservation des débats,
  •  les modalités de scrutin.

Les votes ne peuvent avoir lieu qu'au scrutin public. En cas d'adoption d'une demande de vote secret, le maire ou le président reporte ce point de l'ordre du jour à une séance ultérieure. Cette séance ne peut se tenir par voie dématérialisée. Le scrutin public peut être organisé soit par appel nominal, soit par scrutin électronique, dans des conditions garantissant sa sincérité. En cas de partage, la voix du maire ou du président est prépondérante. Le maire ou le président proclame le résultat du vote, qui est reproduit au procès-verbal avec le nom des votants. A chaque réunion de l'organe délibérant à distance, il en est fait mention sur la convocation. Le quorum est apprécié en fonction de la présence des membres dans le lieu de réunion mais également de ceux présents à distance. Le caractère public des séances est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique.

Ces dispositions sont applicables aussi aux commissions permanentes des communes et aux bureaux des EPCI.

C. Des adaptations de délais pour l’exercice de certaines compétences

Cette ordonnance, dans son article 9, adapte à la situation l’exercice de certaines compétences.

Concernant les compétences eau et assainissement, l’article 14 de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique est ajusté pour ce qui relève des délais. Il est accordé 3 mois supplémentaires (donc un délai de 9 mois au total) de maintien des syndicats exerçant les compétences en matière d’eau, d’assainissement des eaux usées et de gestion des eaux pluviales urbaines ou dans l’une de ces matières, existant au 1er janvier 2019 et inclus dans le périmètre d’une communauté de communes ou d’agglomération.

D’autre part, le texte accorde un délai de 6 mois à une communauté de communes ou une communauté d’agglomération pour statuer sur une demande de délégation de tout ou partie des compétences relatives à l’eau, à l’assainissement des eaux usées et à la gestion des eaux pluviales urbaines ou dans une ou plusieurs de ces matières, formulée par l’une de leurs communes membres avant le 31 mars 2020.

Enfin, il est conféré 3 mois supplémentaires au délai prévu au III de l’article 8 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités pour que la communauté de communes et ses communes membres délibèrent en vue du transfert de la compétence d’organisation de la mobilité à l’intercommunalité. Cette délibération devra ainsi intervenir avant le 31 mars 2021 en lieu et place du 30 décembre 2020, pour que le transfert de compétence prenne effet au 1er juillet 2021 au plus tard.

  • Type : Etude
  • Publication reference: E 276
  • Nombre de pages de publication: 4