Numérique dans les intercommunalités : vers une harmonisation des pratiques
La quatrième édition du baromètre numérique des territoires, présenté par les interconnectés à l'occasion d'un webinaire le 8 juillet 2025, révèle que les pratiques numériques des grands EPCI s'homogénéisent. Particulièrement en pointe sur le numérique responsable, les marges de progression restent cependant importantes sur la cybersécurité, l'IA ou encore la conformité réglementaire.

© Baromètre de maturité numérique des territoires et Adobe stock
Avec 56 répondants représentant essentiellement de grands EPCI urbains, cette étude menée par EY pour Les Interconnectés, Intercommunalités de France et France urbaine est à prendre avec précaution. "Nous ne sommes pas dans une analyse statistique parce qu'on n'a pas un panel de répondants représentatifs", reconnaît Jean-Marc Eiclier d'EY. L'objectif est plutôt de "mesurer les tendances qui nous semblent coller à ce qu'on peut constater sur le terrain". Il faut aussi noter que les petits EPCI sont très minoritaires avec seulement une douzaine de répondants.
L'étude, initiée en 2018 et adaptée aux préoccupations numériques du moment, passe au crible 7 politiques : numérique responsable, relation usager, conformité réglementaire, inclusion numérique, cybersécurité, services aux agents et données & IA. La maturité varie de "sujet non abordé" à "mise en œuvre effective et amélioration continue".
Des pratiques numériques qui s'homogénéisent
Le fait marquant de 2025 réside dans une harmonisation des pratiques. Contrairement aux éditions précédentes où certains territoires n'étaient que sur quelques axes, les intercommunalités affichent désormais des niveaux convergents sur six des sept thèmes étudiés, oscillant entre 53% et 59% de répondants ayant atteint au minimum le stade de mise en œuvre.
Cette homogénéisation s'accompagne d'un "resserrement" avec seulement 25% de collectivités "les plus éloignées" contre 50% en 2023. Autre fait notable, l'étude démontre que "la transformation numérique est véritablement ouverte à tout le monde" : 18% des collectivités de moins de 50.000 habitants figurent parmi les plus avancées, tandis que 4% des plus de 200.000 habitants restent à la traîne.
Paradoxalement, cette dynamique d'homogénéisation ne trouve pas son origine dans la mutualisation. Si 68% des collectivités s'inscrivent dans des pratiques de mutualisation, notamment sur la relation usager (55%) et les environnements collaboratifs (55%), cette approche "n'est pas un facteur déterminant pour le niveau de maturité", les collectivités qui mutualisent se répartissant de manière homogène entre les différents niveaux de maturité.
Le numérique responsable en tête
Coté progression, la surprise vient du numérique responsable qui "passe de la dernière place à la première place". 59% des collectivités mesurent désormais l'empreinte carbone de leur numérique, contre 13% en 2023. "Une dynamique globale est engagée", notamment sur la sobriété numérique, intégrée dans les pratiques de 71% des répondants. La conformité réglementaire, nouveau thème, révèle des résultats contrastés. Si 93% des collectivités se déclarent conformes au RGPD, seulement 31% maîtrisent les obligations européennes en matière de données et d'IA.
Le volet données et intelligence artificielle reste à la traine avec seulement 36% de collectivités au niveau "mise en œuvre". Moins d'une collectivité sur deux valorise notamment ses données territoriales et moins d'un tiers a mis en place une gouvernance des données. L'intelligence artificielle générative, intégrée pour la première fois au baromètre, affiche paradoxalement de meilleurs résultats que la data, avec 41% des collectivités développant des cas d'usage pour l'efficience administrative. Cependant, 21% évaluent les principes éthiques en amont des traitements automatisés, révélant un déficit de gouvernance.
L'inclusion numérique présente un paradoxe : si 73% des collectivités ont mis en place un plan d'inclusion numérique (contre 69% en 2023), l'accès au numérique à moindre coût (Wifi, tarification, équipement…) recule, passant de 65% en 2023 à seulement 46% en 2025, et ce sur toutes les catégories de collectivités.
Une préparation aux cyberattaques insuffisante
Le panorama cyber révèle une situation en demi-teinte. La veille sur les menaces est largement effective (80%) et 86% ont mis en œuvre des actions de formation/sensibilisation. Une prise de conscience que les consultants lient aux efforts conjugués de l'Anssi, des C-Sirt et de Cybermalveillance sur ces deux domaines.
La détection progresse également avec 73% des répondants équipés d'outils de surveillance. Cependant, des manques persistent dans la gestion de crise et la reconstruction post-attaque, thèmes "les moins matures" selon l'étude. Seulement 43% des collectivités ont enfin déployé des plans de continuité d'activité, et 38% les testent régulièrement.
Les risques émergents sont par ailleurs peu pris en compte avec par exemple seulement 32% des répondants qui considèrent que "l'exécutif a une bonne vision des risques liés au cloud", même si on peut penser que l'actualité géopolitique récente contribue à une prise de conscience.
L'IA souffre du même déficit, avec des "initiatives qui commencent à se déployer" mais une méconnaissance générale des risques cyber associés. Face à ces enjeux, l'étude recommande un recentrage sur les systèmes critiques et une montée en compétences, devenue urgente avec l'arrivée des obligations NIS 2.
Moyens et maturité vont de pair
Côté moyens, 80% des collectivités connaissent leur budget numérique et plus d'un tiers ne disposent pas "d'une gouvernance numérique pour gérer l'ensemble du budget consacré au numérique". Cette lacune est patente chez les collectivités de moins de 50.000 habitants, où seuls 36% ont établi cette gouvernance budgétaire.
La moitié des répondants consacrent entre 1 et 2,5% de leur budget de fonctionnement au numérique. L'étude établit par ailleurs une corrélation claire entre moyens financiers et maturité : "Lorsque le budget numérique est supérieur à 2,5% du budget de fonctionnement, les collectivités se retrouvent parmi les plus avancées" pointent les consultants. Une corrélation qui confirme que "la transformation numérique est ouverte à tous, dès lors que des moyens sont mis en place".
Cependant, 45% des collectivités jugent leur budget de fonctionnement numérique insuffisant, proportion qui grimpe à 57% pour les plus de 200.000 habitants. Cette insuffisance budgétaire s'explique principalement par "les contraintes générales budgétaires" et le glissement des coûts d'investissement vers le fonctionnement inhérent aux technologies numériques. Un constat qui interroge sur la capacité des collectivités à suivre le rythme d'une transformation numérique de plus en plus exigeante financièrement.
L'étude sera disponible en téléchargement à partir du 15 juillet.