Numérisation des écoles : pour la Cour des comptes européenne, le compte n’y est pas
La Cour des comptes européenne déplore l'absence de réelle vision stratégique des États membres pour l’utilisation des fonds européens au soutien de la numérisation des écoles, et plus largement le manque de prise en compte du plan d'action de l'Union en matière d'éducation numérique, voire des besoins des écoles.
Dans deux récentes propositions de recommandations du Conseil visant le renforcement des compétences numériques des européens, la Commission européenne déplorait, entre autres, l’absence de stratégie d’investissements des États membres dans les infrastructures numériques de l’éducation et de la formation (notre article du 19 avril 2023). Le rapport que vient de publier la Cour des comptes européenne sur le soutien de l'Union européenne à la numérisation des écoles vient apporter de l'eau à son moulin, en pointant "des investissements substantiels, mais des États membres sans réelle vision stratégique pour l’utilisation des fonds européens". Une critique qui rappelle celle émise en 2019 déjà par la Cour des comptes française, à l'égard du service public numérique dans l'éducation en France (notre article du 19 juillet 2019).
Multiples sources de financement
Pourtant, les ressources disponibles ne manquent pas :
- fonds structurels et d’investissement (Feder, FSE, React-EU),
- facilité pour la reprise et la résilience (21 États membres ont intégré dans leur plan des mesures de soutien à la numérisation des écoles, pour un total de plus de 11 milliards d’euros – dont la France avec 131 millions d’euros en faveur de la "transformation numérique des écoles" et 35 millions d’euros pour la "mise à niveau numérique de l’administration du système éducatif"),
- programme Erasmus+,
- mécanisme pour l’interconnexion en Europe, etc.
Ces ressources mobilisées ne sont pas sans résultat puisque la Cour estime que les actions de soutien de l'UE ont contribué aux efforts de numérisation des écoles.
Manque de coordination
Mais elle déplore que ces actions, dont les résultats sont rarement évalués, ne soient pas toujours bien intégrées dans les stratégies nationales de numérisation des écoles dans les six États membres qu’elle a étudiés (dont la France ne fait pas partie), empêchant les écoles "de tirer le meilleur" parti de ces financements. Un résultat guère surprenant puisque la Cour observe dans le même temps que le plan d’action de l'UE en matière d'éducation numérique est lui-même très rarement pris en compte dans ces stratégies nationales ou régionales. Conséquence, "les États membres n'ont fait qu’un usage limité du soutien de la Commission pour la numérisation des écoles", déplore la Cour. Elle observe en particulier que de nombreuses écoles ne connaissent même pas l’existence des actions mises en place par la Commission, telles que : l'outil "Selfie", qui aide les établissements scolaires à évaluer leurs méthodes d’apprentissage à l’ère numérique, la Semaine européenne du code et eTwinning, une action européenne qui permet aux enseignants des 44 pays participants la possibilité d'entrer en contact afin de mener des projets d'échanges à distance avec leurs élèves à l’aide des outils numériques.
Pour finir, la Cour pointe le fait que les écoles ne sont pas suffisamment impliquées dans l'établissement des besoins.
Objectifs inatteignables ?
Comme la Commission, la Cour relève que "de nombreux établissements indiquent encore manquer d'équipements suffisants ou avoir besoin de formations supplémentaires pour les enseignants". Ou que l'absence "d’approche formelle concernant l'utilisation des technologies de l’information et de la communication en classe empêche les écoles d’exploiter pleinement le potentiel de la numérisation". Elle déplore également que "seul un petit nombre d’écoles [ont] réellement accès à des connexions gigabits". La Cour estime d'ailleurs que "le manque de planification stratégique, conjugué aux retards dans la mise en œuvre des programmes spécifiques, accroît le risque que l'UE n’atteigne pas l’objectif d'1 Gbps minimum pour toutes les écoles en 2025.