Archives

One Ocean Summit : une vague d’engagements (parfois vagues)

Organisé à Brest du 9 au 11 février, le sommet One Ocean a vu États, organisations et entreprises multiplier les engagements, plus ou moins concrets. Face aux enjeux, les régions maritimes européennes appellent l’UE à l’aide et à l’écoute.

Promis par Emmanuel Macron lors du Congrès mondial de la nature de Marseille de septembre 2021 (voir notre article), le One Ocean Summit s’est tenu à Brest du 9 au 11 février. Le sommet a été l’occasion de rappeler d’une part l’importance de l’océan pour la planète en général, et les "plus de trois milliards de personnes dépendant de la biodiversité marine et côtière pour leur subsistance" (selon les comptes du secrétaire général de l'ONU, António Guterres) en particulier, et d’autre part l’urgence de changer de cap, à l’heure de la diminution des espèces marines et de la disparition des récifs coralliens, de la transformation des écosystèmes côtiers "devenus des décharges d’eaux usées et de nutriments, créant de vastes zones mortes" (dixit le responsable de l’ONU) ou encore des déchets plastiques "qui étouffent les mers".

Une vague d’engagements

L’occasion également pour les différents participants (42 États, différentes organisations et entreprises…) de multiplier les engagements, plus ou moins nouveaux, parmi lesquels :

- le lancement par la présidence de la Commission européenne et la présidence française du Conseil de l’UE d’une "Coalition de la Haute Ambition pour un traité de la haute mer", qui vise l’adoption d'un traité pour la conservation et l'exploitation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale. "Nous avons besoin […] d'un instrument juridiquement contraignant qui régirait la haute mer de manière durable. Nous en sommes proches, mais nous devons donner un coup de collier", a jugé Ursula von der Leyen. Le président du Conseil européen, Charles Michel, espère que "40 ans après la Convention sur le droit de la mer", cet accord pourra être trouvé "au mois de mars à New York", où se tiendra la quatrième et, sauf imprévu, dernière session de négociations de cet accord ;

- le lancement par la Commission européenne d’une mission "Restaurer notre océan et notre milieu aquatique d'ici à 2030", dotée d'un demi-milliard d'euros, qui se concentrera sur les cinq mers d'Europe. Ursula von der Leyen a précisé qu’en Méditerranée, la mission sera de prévenir et d'éliminer la pollution (par les plastiques, les nutriments et la pollution chimique) alors qu’en mer Baltique et en mer du Nord, "notre mission est d'y décarboner le transport maritime et d'électrifier les ports" ;

- Ursula von der Leyen a par ailleurs indiqué que le projet de "double numérique" de l'espace océanique porté par l’Europe devrait être opérationnel d'ici à 2024. Visant à "percer tous les mystères de l'océan", cette "plateforme de coopération mondiale" mettra les connaissances sur l'océan en libre accès. L’Unesco s’est par ailleurs engagé à ce qu’au moins 80% des fonds marins soient cartographiés d’ici 2030 ;

- l’engagement d’une vingtaine d’acteurs portuaires (dont Haropa et l’Union des ports de France) à réduire l’impact environnemental des escales, d’une part en réalisant "leurs meilleurs efforts pour déployer, d’ici 2028, le branchement électrique à quai, notamment en faveur des croisières et porte-conteneurs" et d’autre part "en récompensant l’escale des navires les plus vertueux" en réduisant leurs frais d’escale. "À l’horizon 2028, Dunkerque, le Havre et Marseille représentant plus de de 80% des trafics portuaires français offriront ainsi notamment une offre d’électricité à quai", assure de son côté le ministère chargé des transports ;

- l’engagement de 22 armateurs européens à obtenir le label Green Marine Europe, qui prévoit des mesures en matière de bruit sous-marin, d’émissions atmosphériques polluantes et de gaz à effet de serre, d’espèces aquatiques envahissantes, de gestion des matières résiduelles, de rejets huileux et de recyclage des navires. Parmi eux, le groupe CMA CGM, par la voix de son PDG Rodolphe Saadé, s’est engagé à l’arrêt du transport de déchets plastiques à compter du 1er juin prochain ;

- l’ensemble des pays méditerranéens, rejoints par l’Union européenne, se sont engagés à demander à l’OMI la création d’une zone à faibles émissions de soufre sur toute la Méditerranée au 1er janvier 2025 (un projet déjà l’étude). La France, l’Espagne, l’Italie et Monaco demanderont également cet été à l’OMI la création d’une "zone maritime particulièrement vulnérable" au regard de la forte présence de cétacés, afin de pouvoir y limiter la vitesse de navigation et réduire ainsi les collisions ;

- la France et la Colombie ont lancé une coalition internationale pour le carbone bleu, qui rassemblera les acteurs nationaux et multilatéraux de ce domaine pour contribuer au financement de la restauration d’écosystèmes côtiers ;

- dix nouveaux États (dont le Canada, la Grèce, l'Italie, la Norvège, la Corée du Sud), mais aussi la ville de Paris et la région maritime de Grèce-centrale, ont rejoint l'"engagement mondial pour une nouvelle économie des plastiques" ; l’Inde et la France ont engagé ensemble une initiative à visée multilatérale sur l’élimination de la pollution due au plastique à usage unique. Par ailleurs, notons que les États-Unis et la France soutiennent, dans une déclaration conjointe du 11 février, le lancement de négociations, lors de la 5e assemblée des Nations unies pour l'environnement (ANUE), d’un accord international visant à prendre en compte l'ensemble du cycle de vie des plastiques et à promouvoir une économie circulaire ;

- enfin, la France et le Costa-Rica ont proposé d’organiser ensemble en 2024 la prochaine conférence des Nations Unies sur l’Océan.

Engagements franco-français : Terres australes et décharges abandonnées

Avec l’extension de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises, disposée par décret du 10 février, désormais d’une superficie "d'environ 1.662.000 km2 dont environ 7.700 km2 de partie terrestre", la France s’enorgueillit d’avoir "dès à présent atteint et dépassé l’objectif de classer 30% des espaces terrestres et maritimes sous juridiction française en aires protégées". En outre, la Polynésie française s’est engagée à créer au sein de sa zone économique exclusive (ZEE) un réseau d’aires marines protégées d’au moins 500.000 km2.

Par ailleurs, la France a promis de "traiter sous 10 ans les décharges abandonnées de ses littoraux présentant des risques de rejet en mer de déchets notamment plastiques". Sur la cinquantaine de "sites prioritaires" évoqués, trois– les décharges de Dollemard en Seine-Maritime, de Fouras en Charente-Maritime et de l'Anse Charpentier en Martinique –, "où la situation est particulièrement urgente", seront traités dès cette année. Un fonds d’amorçage doté de 30 millions d'euros devrait être créé en 2022, dont la gestion sera confiée à l’Ademe, pour venir en aide aux collectivités concernées.

Enfin, elle publiera prochainement sa première stratégie nationale polaire et lancera un programme scientifique de mesure de la contribution de l’Antarctique de l’Est à l’élévation du niveau des mers.

FNE dénonce "la réalité derrière les annonces"…

Différentes annonces qui n’ont pas suscité l’enthousiasme de l’association France Nature Environnement (FNE). Si l’association juge que "l’annonce d’une aire marine protégée dans l’Antarctique est une très bonne initiative", elle estime que "ce qui est vraiment nécessaire, c’est la protection forte de notre littoral et les moyens de mettre en œuvre cette politique". Elle déplore ainsi que "seules 4% [des aires marines protégées françaises] bénéficient d’une protection forte, contre un objectif de 10% prévu pour 2022. De plus, sont protégées des zones certes fragiles, mais peu menacées, dans les océans indiens et pacifiques".

FNE dénonce également le fait que "la France demande en même temps un traité contraignant protégeant la haute mer – très bien – et refuse de signer le moratoire sur l’extraction minière des fonds marins – très inquiétant". Elle estime encore que "la création d’une zone sans soufre en Méditerranée, avec les pays riverains, projet déjà en cours, est une excellente initiative… qui peut rapidement être ruinée par les droits à polluer et les exemptions qui sont déjà distribués par la France". Signalons enfin qu’en marge du sommet, France Nature Environnement et Seas at Risks ont remis le 10 février à des représentants de la Commission européenne et des gouvernements français et espagnols une pétition d’un demi-million de signataires exigeant la protection immédiate des dauphins (singulièrement dans le golfe de Gascogne), tués dans des filets de pêche - un dossier pour lequel la France est régulièrement tancée par la Commission européenne ou les juridictions nationales (voir cette décision du tribunal administratif de Paris).

… et les régions côtières appellent l’UE à l’aide

Au cours du Forum des régions côtières, co-organisé par la Conférence des régions périphériques maritimes (CRPM) et la région Bretagne dans le cadre du sommet, le président de la CRPM a appelé les institutions européennes à lancer un débat sur la régionalisation des politiques maritimes et insisté sur la nécessité d’impliquer les autorités régionales dans l’élaboration et la mise en œuvre de la législation maritime. Il a aussi proposé à la Commission européenne et au Parlement européen une rencontre annuelle pour débattre de la mise en œuvre du fonds pour la pêche et l’aquaculture (FEAMPA) pour la programmation 2021-2027. De son côté, Daniel Cueff, vice-président de la région Bretagne, a souligné que les "régions maritimes européennes auron[t] besoin de l’aide de l’UE pour accélérer et atteindre les objectifs ambitieux de la stratégie climat Fit for 55 [voir notre article]", ou de la stratégie "économie bleue durable" (voir notre article).

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis