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Parcs et jardins ouverts, la cote du masque à la hausse

Parcs et jardins pourront bien rouvrir à partir du 30 mai, le cas échéant moyennant le port du masque. Naguère dénigré, ce dernier voit sa cote repartir à la hausse. Le tribunal de Cergy-Pontoise vient ainsi de valider l'arrêté du maire de Levallois le rendant obligatoire dans certaines circonstances. Celui du maire de Strasbourg a, en revanche, été suspendu, faute de circonstances locales particulières.

Promesse tenue. Annoncée hier par le Premier ministre (voir notre article), la réouverture des parcs et jardins pourra bien avoir lieu dès ce samedi 30 mai, week-end de Pentecôte. Un décret publié ce 29 mai permet en effet aux autorités compétentes de rouvrir leurs grilles, dans des conditions de nature à permettre le respect et le contrôle des mesures d'hygiène, de "distanciation sociale" et d'interdiction de rassemblements de plus de dix personnes, qui restent pour l'heure de mise. À défaut, le préfet de département pourra ainsi, après avis du maire, en interdire l'ouverture. Le préfet pourra en outre, de sa propre initiative ou sur proposition du maire, et en fonction des circonstances locales, rendre obligatoire le port du masque.

Après avoir été vilipendé, ce dernier est aujourd'hui vanté, voire prescrit, par le gouvernement à de multiples occasions : "dès lors que les règles de distanciation physique ne peuvent être garanties" et dans les transports publics (voir notre article), par les assistantes maternelles (voir notre article), par celui des écoles (voir notre article) ou encore dans les lieux de culte (voir notre article).

L'arrêté "masque" du maire de Levallois validé

Alors après avoir suspendu l'arrêté du maire de Sceaux rendant obligatoire le port du masque sur sa commune (voir notre article) – décision confirmée par le Conseil d'État (voir notre article) – le tribunal de Cergy-Pontoise vient cette fois valider ce 28 mai celui du maire de Levallois-Perret, jugeant qu'il coche toutes les conditions posées par la Haute Juridiction administrative :

Il répond à des raisons impérieuses liées à des circonstances locales propres. Le tribunal relève que l'arrêté est justifié par "les caractéristiques du tissu urbain" de la commune, "qui compte 63.000 habitants pour une superficie de seulement 2,4 km2 , détient avec plus de 26.000 habitants/km2 , le record européen de densité. La commune concentre également de nombreux sièges sociaux de sociétés, engendrant d’importants flux de déplacements en journée. Elle accueille ainsi près de 65.000 emplois. Son tissu urbain se caractérise cependant par des voies de circulation rectilignes, se croisant à angle droit, conduisant à un regroupement important de piétons dans les angles des rues, aux abords des passages piétons et la présence de nombreuses rues étroites, avec des immeubles majoritairement en façade de rue, contrairement à d’autres communes voisines plus aérées, comprenant de larges avenues boisées".

Il est proportionné. Le tribunal constate également le caractère proportionné de la mesure, "circonscrite dans le temps, sur une plage horaire et pour une durée de seulement dix jours jusqu’au 1er juin 2020, comme dans l’espace". L'arrêté n'impose en effet le port du masque "qu’aux heures de forte affluence [de 8h00 à 18h00] et au sein des seuls bâtiments et équipements de la commune ainsi que dans certains secteurs géographiques identifiés au regard des spécificités du territoire levalloisien, soit les rues correspondant à trois zones précises : la zone d’activité tertiaire de la commune, à proximité de la station de métro Pont de Levallois, l’hyper-centre de la commune, comprenant la mairie, le marché couvert, la zone commerçante et les rues à proximité du métro Louise Michel et enfin les rues à proximité du centre commercial So Ouest".

Il ne nuit pas à la cohérence des mesures prises par l'État. Le tribunal considère enfin que l'interdiction posée par l'arrêté ne peut "être regardée comme étant susceptible de nuire à la cohérence des mesures prises […] par les autorités sanitaires compétentes, dès lors que le port du masque est, depuis le décret du 11 mai 2020, rendu obligatoire dans certains lieux et espaces publics et, notamment les transports en commun, obligeant les habitants d’autres communes se rendant à Levallois-Perret pour des raisons professionnelles à disposer d’un tel masque de protection".
Relevons que le tribunal précise en outre, pour valider l'arrêté, "qu'il n'y a aucune pénurie de masques, permettant à chacun de s’en procurer et que les services de la commune ont procédé à une campagne de distribution aux habitants levalloisiens du 6 au 10 mai". Précision qui ne manquera d'alimenter les débats.

… et celui de Strasbourg rejeté

L'arrêté du maire de Strasbourg n'a pas connu le même sort. S'il semblait lui aussi proportionné – le port du masque n'était obligatoire que "pour fréquenter les voies et places situées sur la Grande-Ile, les ponts et voies adjacentes, du 21 mai au 2 juin 2020 de 10 heures à 20 heures" –, le tribunal juge qu'il n'est justifié par aucune raison impérieuse liée à des circonstances locales. Pour ce faire, il relève que "les urgences hospitalières dans la commune, à la date de l’arrêté, ne sont plus sous tension liée au coronavirus et que depuis le 11 mai 2020, toute personne présentant des symptômes évocateurs de cette infection dans le Grand Est peut être testée" et que "les voies et places de la Grande-Ile, les ponts et voies et adjacents, même s’ils concentrent une part importante des commerces de la commune, sont des zones situées à l’air libre alors que la plupart des études démontrent que la contamination par la covid-19 se fait essentiellement en lieu clos".

Plus intéressant, il juge en outre que l’obligation du port du masque "existe déjà sur des zones où la distanciation physique est difficile à respecter, telles que les marchés installés sur la Grande-Ile ou les arrêts du tramway, et la plupart des commerces du centre-ville l’imposent pour pénétrer dans leurs magasins" – retenant ici le caractère superfétatoire de la mesure quand le tribunal de Cergy y voyait au contraire la preuve de sa cohérence avec les mesures prises par ailleurs.

De manière plus originale encore, il considère enfin que "les choix faits quant à l'apparence que l'on souhaite avoir, dans l'espace public comme en privé, relèvent de l'expression de la personnalité de chacun et donc de la vie privée", et que l’obligation du port du masque est "donc une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée" qui n'est "justifiée par aucune raison impérieuse".
 

Références : - Décret n° 2020-645, 28 mai 2020 complétant le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire , TA Cergy-Pontoise, ord. réf. 28 mai 2020, n° 2004706, TA Strasbourg, ord. réf. 25 mai 2020, n° 2003058