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Perdantes sur l’apprentissage, les régions veulent se relancer à travers le pilotage de Pôle emploi 

Perdantes sur l’apprentissage, contraintes de s’associer à l’État dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences, les régions espèrent saisir l’opportunité de l’expérimentation du pilotage régional de l’offre de formation de Pôle emploi pour reprendre la main sur ce sujet au niveau local.

Si leurs causes sont déjà connues, les tensions entre l’État et les régions sur la réforme de la formation professionnelle n’ont pas manqué de s’exprimer à nouveau, à l’occasion de l’Université d’hiver de la formation professionnelle qui s'est clôturée vendredi 31 janvier à Biarritz (voir aussi notre article du 31 janvier 2020).

Interrogée sur la réforme du gouvernement, Isabelle Gaudron, vice-présidente déléguée à la formation professionnelle de la région Centre-Val de Loire, n’a pas masqué son agacement à ce sujet, à l’occasion de la première table ronde de cette 17e édition de l’événement. "On ne va pas être dans un enthousiasme débordant par rapport à la question de l’apprentissage", a-t-elle déclaré, après avoir lancé un retentissant "bof" devant l’assistance.

"Les régions ont une compétence et une responsabilité sur le développement économique à la fois des entreprises mais aussi un dialogue permanent avec les branches professionnelles. On a cassé ça." Face à l’attaque, le directeur général de France compétences, Stéphane Lardy, s’est attaché à relativiser le constat dressé : "Les régions peuvent signer des COM (conventions d’objectifs et de moyens) avec les représentants des branches professionnelles et les Opco sur l’apprentissage", a-t-il déclaré.

CFA en difficulté : "Il va falloir faire des choix"

De quoi rappeler que la réforme mise en place par le gouvernement bouscule les régions en profondeur, s’agissant, déjà, de la régulation et du financement des centres de formation d’apprentis sur laquelle les régions ont perdu leurs compétences. "C’est une vraie rupture", convient auprès de Localtis André Martin, vice-président du conseil régional des Pays de la Loire.

La région, qui a relancé l’apprentissage à partir de 2016, se voit dépossédée d’une compétence pour laquelle elle avait engagé beaucoup de moyens et "relooké les CFA". Or les deux enveloppes prévues au titre du fonctionnement et de l’investissement dans ces structures risquent d’être insuffisantes pour soutenir les structures les plus en difficulté. "Il va nous falloir faire des choix dans leur attribution", a-t-il souligné.

Des retours plus positifs sur les Pric

Outre l’apprentissage, les régions signataires des pactes régionaux d’investissement dans les compétences (Pric) ont aussi dû contractualiser avec l’État pour obtenir d’importants abondements financiers. Sur ce sujet, les avis des régions sont plus positifs. "L’État a compris qu’on voulait conforter notre offre. Il ne nous fait pas faire différemment mais davantage", abonde aussi André Martin.

"Quand on nous a proposé le Pric, on n’a pas hésité", a souligné de son côté la vice-présidente de la formation en Bourgogne-Franche-Comté, Océane Charret-Godard . Dans son cas, le Pric a permis de casser les silos qui existaient jusqu’alors entre les différents acteurs dans la région. Mais aussi d’améliorer la prise en charge des personnes en formation et ainsi réduire les taux d’abandon durant les cursus. La région dédie ainsi 15 millions d’euros supplémentaires par an à ce type de dépenses, permettant ainsi de doubler la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, tripler les aides à la mobilité et verser un forfait de 200 euros pour prendre en charge des coûts tels que la garde d’enfants.

Pilotage de Pôle emploi en région : une expérimentation à élargir

Si elles sont davantage encadrées depuis la réforme, les régions pourront bénéficier d’une évolution en cours afin de regagner du terrain. Annoncée par le gouvernement en fin d’année dernière, l’expérimentation du pilotage régional de l’action de Pôle emploi en matière de formation professionnelle les a largement intéressées. Au final, six et non plus trois régions ont été retenues : Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Centre-Val de Loire, Pays de la Loire, Normandie, Auvergne-Rhône-Alpes. Pour l’heure, il s’agira dans le cadre de cette expérimentation de créer une nouvelle instance de gouvernance présidée par le président du conseil régional, à laquelle Pôle emploi viendrait rendre des comptes en matière d’achat de formations.

Plusieurs représentants en région appellent à reprendre davantage la main à travers cette expérimentation, portées aussi par le vent favorable du futur projet de loi "3D" (décentralisation, différenciation, déconcentration). "On a peut-être d’autres sujets que l’achat de formations, que ce soit sur sa qualité ou sa quantité. Il va falloir qu’on avance dans ce travail, cette co-construction", souligne André Martin (Pays de la Loire), appelant à être "ambitieux" sur cette expérimentation. Un avis que partage Pascal Levitte, conseiller régional délégué à l’orientation et au service public de l’emploi en région Nouvelle-Aquitaine.

"On travaille bien avec Pôle emploi, admet Pascal Levitte. (…) Les agents participent à toutes nos instances de dialogue, mais on voit bien qu’ils ont eux aussi des difficultés à aller dans la finesse, dans le suivi individuel des demandeurs d’emploi. Il faut qu’on les aide et qu’ils soient dans la co-construction", estime le conseiller régional, favorable à des politiques relatives à l’emploi à l’échelle des régions. Pour ce dernier, il faut par ailleurs relancer les politiques régionales sur ce sujet. "Là, c’est un peu flou. Chez nous, le service public de l’emploi est un peu gazeux, on a besoin de lui redonner du corps."