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Plateforme, accompagnement, prise en charge des frais… la justice économique veut aider les entrepreneurs à anticiper les défaillances

Pour amener les petites entreprises, commerçants, artisans, indépendants, agriculteurs et associations à recourir davantage aux procédures amiables d'anticipation et de prévention permettant d'éviter des défaillances, la mission "justice économique", lancée en septembre 2020, propose de créer une plateforme nationale dédiée, de rapprocher la start-up d'État Signaux faibles des greffes des tribunaux de commerce et de renforcer l'offre de prévention judiciaire.

Trop peu de petites entreprises, commerçants, artisans, indépendants, agriculteurs ou associations ont recours aux procédures amiables d'anticipation et de prévention pour éviter les défaillances. Un enjeu de taille face à la crise sanitaire actuelle et ses répercussions économiques. Les dispositifs de prévention sont pourtant nombreux (une vingtaine est recensée). Mais, émanant de plusieurs catégories d'acteurs (services de l'État, collectivités, chambres consulaires, ordres professionnels, associations…), ils ne convergent pas et leur lisibilité par les publics cibles n'est pas optimale.

Partant de ces constats, la mission "justice économique" avance plusieurs recommandations dans son rapport remis au gouvernement ce vendredi 19 février 2021. Cette mission avait été mise en place en septembre 2020 à la demande du ministre de la Justice, qui souhaitait voir engagée une "réflexion plus globale sur le rôle de l'institution judiciaire à l'égard des entreprises en difficulté, et, en particulier, sur la question de l'accompagnement des personnes physiques, entrepreneurs individuels, exploitants agricoles et dirigeants d'entreprises", comme le précisait la lettre de mission.

Une plateforme nationale dédiée

Parmi les propositions : réserver dans les tribunaux des espaces d'accueil et d'information pour les associations agréées et reconnues, permettant à l'entrepreneur de trouver une assistance sur place ; instituer dans chaque tribunal de commerce une cellule de prévention ; favoriser une information directe des entrepreneurs, hors des tribunaux, en installant des points d'information dédiés. "Outre le recours aux avocats, on pourrait organiser un recours à des juges consulaires honoraires", signale le rapport : "Ces anciens magistrats expérimentés interviendraient au sein des maisons de justice et du droit, des points d'accès au droit, dans les maisons France Service en cours de nouvelle dénomination et labellisation points Justice".

L'idée de centraliser toutes les informations sur un portail dédié est aussi avancée, incluant des liens vers les dispositifs existants avec leurs spécificités. "La création de cette plateforme nationale serait aussi l'occasion d'engager une réflexion sur les compétences respectives des différents acteurs qui interviennent dans l'accompagnement des entreprises en difficulté", souligne le document, les régions ayant notamment mis en avant, lors de leur audition par la mission, leur rôle de chefs de file du développement économique sur leurs territoires.

Rapprocher Signaux faibles des greffes des tribunaux de commerce

La mission propose aussi de se servir davantage du dispositif "Signaux faibles". Depuis 2019, cette start-up d'État détecte le risque de défaillance des entreprises à 18 mois à partir du traitement, par le biais d'algorithmes, des données relatives aux entreprises dont disposent les différents services publics (voir notre article). L'idée serait de rapprocher ce dispositif des greffes des tribunaux de commerce. "Les greffiers pourraient transmettre l'information dont ils disposent pour enrichir ces données. En retour les tribunaux auraient accès aux signaux venus des organismes publics beaucoup plus rapidement que par la voie des inscriptions et déclarations au greffe", détaille le rapport. Dans cette optique, la mission propose que Signaux faibles obtienne les données concernant les entités de moins de dix salariés car "sinon, l'essentiel des entrepreneurs qui aujourd'hui n'ont pas recours aux mesures de prévention ne sera toujours pas appréhendé".

La mission estime aussi qu'il faut faciliter l'accès aux procédures amiables en agissant sur les frais financiers. Des dispositifs, tels que le fonds de premier secours créé dans les Hauts-de-France, prennent en charge financièrement les frais de ces procédures. Il s'agit d'en informer les entrepreneurs.
Enfin, la mission préconise de renforcer l'offre de prévention judiciaire pour les agriculteurs, les associations et les professions libérales, "ce qui implique de développer ces dispositifs au sein des tribunaux judiciaires en favorisant la mise en place de juges spécialisés au sein de ces juridictions", insiste le rapport, estimant que la mise en œuvre de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice devrait permettre d'adapter la répartition des compétences territoriales. "Une répartition du contentieux des procédures collectives auprès d'un nombre plus restreint de tribunaux serait un facteur d'efficacité notamment pour les petites juridictions", précise ainsi le rapport, qui propose aussi de désigner un juge de la prévention par département.