Plus d'une cinquantaine de mairies hissent le drapeau palestinien malgré l'opposition du gouvernement

Plus d'une cinquantaine de mairies dirigées par la gauche ont hissé le drapeau palestinien au fronton de leur mairie ce lundi 22 septembre, jour choisi par Emmanuel Macron pour reconnaître officiellement l'État de Palestine, un pavoisement auquel est opposé le ministre démissionnaire de l'Intérieur.

Le ministère de l'Intérieur, qui avait donné instruction aux préfets de faire cesser tout pavoisement en vertu du principe de neutralité du service public, de non ingérence dans la politique internationale de la France et du risque de "troubles graves" à l'ordre public, avait recensé ce lundi à la mi-journée 52 communes réfractaires.

À Saint-Denis, le maire PS, Mathieu Hanotin, a ainsi hissé à 9H40 la bannière rouge, noire, blanche et verte aux côtés des drapeaux français et européen. "Nous souhaitons marquer le coup de cette journée historique (...). Depuis des années je me bats pour l'émergence d'une solution à deux États comme seule solution durable pour espérer une paix au Proche-Orient", a-t-il déclaré devant la presse, évoquant aussi un "témoignage de solidarité internationale vis-à-vis des massacres en cours". A ses côtés, le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, à l'origine de l'idée de pavoiser les mairies, a dit "regretter que le ministre de l'Intérieur n'ait rien trouvé de mieux que de chercher à condamner des maires qui font leur devoir de solidarité".

Rennes et Nantes l'ont également suivi. "Loin des instrumentalisations, loin des propos outranciers, notre responsabilité est de refuser le silence et de faire tout ce qui est en notre pouvoir, ici et maintenant, pour que cesse l'horreur", a estimé la maire socialiste de Rennes Nathalie Appéré.

À Malakoff, la maire communiste avait apposé un drapeau palestinien dès vendredi, resté sur le fronton de l'hôtel de ville, malgré une injonction du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Lundi, le juge des référés a ordonné son retrait sous peine d'une astreinte de 150 euros par jour de retard.

À Tarnos (Landes), le maire PCF, Marc Mabillet, laissera aussi son drapeau flotter malgré un coup de fil du préfet. "C'est plus humain que politique", a-t-il ironisé auprès de l'AFP.

Certaines villes ont érigé le drapeau palestinien et israélien, comme Saint-Ouen. Paris a également projeté dimanche soir les deux drapeaux sur la tour Eiffel avec le drapeau de la Paix. De plus petites villes comme Chenôves et Quétigny, en banlieue de Dijon, ont emboîté le pas aux grandes.

À Carhaix, commune de 7.300 habitants dans le Finistère, le maire régionaliste (DVG), Christian Troadec, a expliqué à l'AFP avoir hissé le drapeau palestinien en réaction aux propos de Bruno Retailleau de n'avoir que le drapeau français. "D'abord, il y a aussi le drapeau européen, le drapeau breton, il n'y aura certainement pas que le drapeau français sur la mairie de Carhaix !", a-t-il déclaré.

À Corbeil-Essonnes, ville jumelée avec Jérusalem-Est, le maire DVG, Bruno Piriou, fera lui distribuer 1.000 drapeaux palestiniens.

Le drapeau palestinien a également été hissé au fronton de l'hôtel de ville de Lyon lundi, a constaté l'AFP, "un geste (qui) accompagne la décision historique" de la France de reconnaître l'État de Palestine, selon le maire écologiste Grégory Doucet. Le drapeau est hissé "pour la durée de l'Assemblée générale des Nations unies" a précisé l'édile lyonnais, assurant que ce geste n'est pas "une offense faite à Israël", dont la sécurité "n'est pas négociable". La préfète du Rhône va saisir le tribunal administratif pour faire retirer le drapeau, a-t-on indiqué à la préfecture.

Ce n'est pas la première fois que le pavoisement des mairies fait polémique. Au décès du pape François, la demande du gouvernement de mettre en berne le drapeau français avait fait été jugée contraire au principe de laïcité par certains maires.

Interrogé par l'AFP, Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l'Université Paris-Saclay estime qu'"il n'y a pas aujourd'hui de mot d'ordre du gouvernement pour pavoiser". "À chaque fois que les tribunaux ont validé les drapeaux, c'était parce qu'il y avait un mouvement national de solidarité. C'était le cas pour le drapeau israélien au moment du massacre du 7 octobre et pour le drapeau ukrainien", observe-t-il.

Mais selon Serge Slama, professeur de droit public à l'Université de Grenoble-Alpes, "il n'est pas prohibé d'ériger des drapeaux en soi". "Un maire ne peut pas, à travers un drapeau, exprimer une opinion politique, religieuse ou philosophique mais ériger un drapeau parce que le chef de l'État reconnaît la Palestine comme État ne me semble pas manquer au devoir de neutralité parce que c'est la position officielle de la France ce jour-là", argumente-t-il.

Interrogés la semaine dernière en marge de leur conférence de presse, David Lisnard et André Laignel, respectivement président et premier vice-président de l'Association des maires de France (AMF), avaient déclaré que la question ne relevait pas du rôle de l'AMF. Qu'il n'y avait pas véritablement de "règles" et que les jurisprudences restaient "contradictoires".

 

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