Politique de l'habitat - Jérôme Baloge : "Tout ne peut se décider à Paris !"

Dans une interview accordée à Localtis, Jérôme Baloge, vice-président d’Intercommunalités de France, revient sur le statut d’Autorité organisatrice de l’habitat (AOH) devant favoriser la territorialisation des politiques de l’habitat. Le président de la communauté d’agglomération du Niortais salue ainsi les récentes annonces du gouvernement en la matière.

Dans ses récentes propositions sur la décentralisation des politiques de l’habitat [à télécharger ci-dessous], Intercommunalités de France a notamment insisté sur le statut d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH). En quoi celui-ci permet-il d’amplifier le mouvement de territorialisation ? De quels moyens d’actions disposent les intercommunalités reconnues comme AOH ?

Avec la création du statut d’AOH en 2021, nous sommes restés au milieu du gué. L’idée était de permettre aux intercommunalités volontaires qui justifiaient d’une forte mobilisation dans le domaine du logement, par exemple avec un PLH, d’avoir la main sur les nombreux dispositifs de la politique du logement, qui sont encore très centralisés : aides à la rénovation, zonages HLM et ABC… Le statut aurait aussi pu s’assortir de possibilités d’expérimentation en matière de contrôle des loyers ou de délégation des aides de l’Anru par exemple. L’objectif : créer les conditions d’une véritable régulation de l’action publique dans le domaine du logement par les territoires.

Le législateur n’a pas souhaité aller aussi loin : il a prévu des conditions très restrictives pour accéder à ce statut (PLUi et PLH exécutoires, convention intercommunale d’attribution, délégation des aides à la pierre) et en a limité les responsabilités (consultations sur certains zonages, conventions d’utilité sociale…).

Le projet de décentralisation de la politique de l’habitat rebat les cartes : il nous permettrait d’aller au bout du projet que nous portions en 2021, en permettant à plus d’intercommunalités de prétendre au statut et en étendant leurs prérogatives.

Quel regard posez-vous sur la confirmation par Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, d’un acte de décentralisation en matière de logement au premier semestre 2024 ?

Nous avons réagi de manière très positive à cette volonté décentralisatrice. Si la politique de l’habitat porte en elle des enjeux nationaux majeurs et des objectifs essentiels en matière de cohésion sociale et territoriale dont l’Etat doit demeurer le garant, le "pilotage à distance" de la politique du logement, marqué par des processus de décision et des outils très verticaux, a montré ses limites. Tout ne peut se décider à Paris.

A ce stade, le scénario qui nous a été présenté reposerait sur une extension du statut d’AOH à toutes les métropoles, communautés urbaines et d’agglomération, ainsi qu’à certaines communautés de communes au-delà d’un certain seuil et disposant d’un PLH. Pour le reste du territoire, le département serait responsable.

Cela nous convient bien, même s’il faut encore discuter du "seuil" envisagé et de la situation des communautés. Il faut surtout s’accorder sur ce que l’État conservera comme responsabilités : il est garant de l’égalité républicaine et de la solidarité et ne peut pas se désengager entièrement. Il nous semble que le ministre est sur la même ligne.

En tout état de cause, Intercommunalités de France souhaite une décentralisation de la gestion de l’ensemble des aides à la rénovation énergétique, y compris Ma Prime Rénov’. Les intercommunalités AOH pourraient ainsi jouer un rôle de "guichet unique" pour leurs habitants.

L’accord d’engagements communs signé en clôture du congrès de l’Union sociale pour l’habitat par Patrice Vergriete, ministre du Logement, et les membres de l’USH visant à relever le double défi de la rénovation énergétique et de la production vous semble-t-il satisfaisant ?

Les différentes fédérations de l’USH se sont exprimées sur cet accord. Il est clair que la crise du logement que traverse notre pays est profonde, les émeutes urbaines du début de l’été en témoignent : crise de la construction, recul de l’offre de logements très sociaux, blocage des parcours résidentiels, persistance du mal logement, inadaptation de plus en plus marquée du parc existant…

Il est urgent de trouver des solutions nouvelles pour avancer, comme ce que nous proposons avec l’AOH, mais aussi de débloquer des moyens. L’accord d’engagements porte sur des premières sommes pour la rénovation thermique, pour la construction de PLAI… C’est sans doute insuffisant au regard des enjeux, mais c’est un début !