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Procurations : de nouvelles simplifications à trois mois de la présidentielle

Depuis le début de cette année, un électeur peut donner procuration à un autre électeur même si celui-ci n'est pas inscrit dans la même commune. Cette simplification, qui doit contribuer à soutenir la participation électorale, s'accompagne de la mise en service d'une nouvelle version de la téléprocédure de demande de procuration en ligne. De quoi simplifier la vie des électeurs… et des communes, qui voient traditionnellement affluer les procurations à l'approche de l'élection présidentielle.

À trois mois du premier tour de l'élection présidentielle, le vote par procuration devient plus simple, tant pour les électeurs que pour les communes qui sont chargées de le mettre en œuvre. En effet, au 1er janvier dernier, la condition selon laquelle la personne établissant une procuration (le mandant) et celle à qui il la confie (le mandataire) devaient être inscrits sur les listes électorales de la même commune, a purement et simplement disparu. L'obligation pour le mandataire de se rendre dans le bureau de vote du mandant, pour voter à sa place le jour du scrutin, subsiste quant à elle évidemment.

Cet assouplissement "demandé depuis longtemps par de nombreux électeurs, (…) devrait améliorer la participation électorale", estimait le gouvernement dans l'étude d'impact de la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019, texte qui l'a rendu possible. Un avis partagé par de nombreux sénateurs. Lors des débats au printemps 2020 sur la loi "tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires", ainsi que début 2021, au moment de la discussion de la loi reportant les élections départementales et régionales, ils avaient plaidé pour une accélération de l'entrée en vigueur de la mesure. Côté associations d'élus locaux, la proposition était soutenue notamment par l'Association des petites villes de France (APVF). En pleine épidémie de Covid-19, l'objectif était bien sûr de faciliter la participation électorale lors des scrutins locaux.

Répertoire électoral unique

Au cours des débats, les sénateurs avaient obtenu un assouplissement sur le vote par procuration : la possibilité, à titre exceptionnel, pour un mandataire d'être porteur de deux procurations établies en France* (contre une seule habituellement). Il faut se souvenir aussi que la nécessité pour les électeurs de justifier le recours au vote par procuration a disparu quelques jours avant le second tour des élections municipales, et ce en application de la loi Engagement et proximité. En revanche, sur la demande de mise en œuvre avancée de ce que les experts appellent la "déterritorialisation" des procurations, le gouvernement avait été inflexible, mettant en avant le temps incompressible nécessaire à la préparation des évolutions réglementaires et informatiques liées à cette réforme. Il fallait perfectionner le répertoire électoral unique (REU) géré par l'Insee, autrement dit l'innovation qui rend possible la simplification en matière de vote par procuration s'appliquant aujourd'hui. C'est en effet le REU, cet outil de gestion centralisée des listes électorales, qui permet de mettre en oeuvre des contrôles à l'échelle nationale, à la fois de la qualité d'électeur du mandant et du mandataire et du nombre de procurations confiées à chaque mandataire. Des contrôles qui sont automatisés.

Le REU remplit effectivement cette fonction depuis le début de l'année. En conséquence, les maires sont dorénavant entièrement déchargés de la mission de contrôle des procurations qui leur échoyait. Toutefois, pour les procurations établies sur un formulaire CERFA papier, ils doivent encore saisir les données correspondantes dans le REU. Sans quoi les contrôles automatisés n'ont pas lieu. La montée en puissance du REU s'accompagne d'autres allègements pour les communes en ce début d'année. Ainsi, la gestion des listes d'émargement est simplifiée. Il en est de même de celle du registre des procurations, puisque celui-ci est mis à jour automatiquement.

Phase 2 de "Maprocuration"

Ces réformes sont accompagnées de la mise en œuvre de la phase 2 de la téléprocédure "Maprocuration". La "V1" qui avait été lancée le 6 avril dernier cède donc sa place. Mais c'est avec un bilan plus que flatteur. Selon le ministère de l'Intérieur, plus de 289.000 procurations ont été réalisées par ce moyen jusqu'au second tour des élections départementales et régionales, le 27 juin. Cela représente plus de 42% des procurations établies entre le début de l'année 2021 et l'organisation du second tour du scrutin régional et départemental. En outre, les usagers qui se sont servis de l'application lui ont attribué une note moyenne de 9,4 sur 10.

Avec la nouvelle version, la téléprocédure est directement raccordée au REU, ce qui rend possible techniquement le contrôle automatisé de la validité des procurations. Le portail "Mairie" de l'application, grâce auquel les communes recueillaient les procurations dématérialisées qui les concernaient, et pouvaient assurer les contrôles leur incombant, est par conséquent supprimée.

Pour permettre l'entrée en vigueur de ce nouveau système de gestion, les communes ont eu pour obligation, entre le 2 décembre 2021 et le 3 janvier 2022, d'enregistrer dans le REU les procurations (papier et dématérialisées) ayant une date de fin de validité postérieure au 3 janvier 2022. Cette "opération de reprise de stock" a été détaillée par une instruction du ministère de l'Intérieur, datée du 25 novembre dernier.

Numéro national d'électeur

La nouvelle version de "Maprocuration" présente d'autres améliorations : l'ouverture du service aux électeurs inscrits sur une liste électorale consulaire et la possibilité de résilier une procuration en ligne. Mais elle ne permet toujours pas une dématérialisation complète de la procédure, puisque le mandant doit toujours se présenter au commissariat ou à la gendarmerie pour la vérification de son identité.

Un décret publié deux jours avant Noël a permis ces avancées, tout en adaptant les dispositions réglementaires relatives à la téléprocédure, afin de tirer les conséquences de l'automatisation du contrôle des procurations.

Il faut aussi noter que la réforme a rendu nécessaire l'attribution à chaque électeur d'un numéro national unique et permanent. Ce numéro composé de huit ou neuf chiffres dans la majorité des cas, qui peut d'ores et déjà être obtenu au moyen du téléservice "Interroger sa situation électorale" (ISE), apparaîtra sur les prochaines cartes d'électeurs. Lorsqu'il remplit le formulaire de procuration (papier ou dématérialisé), le mandant doit renseigner son numéro et celui de son mandataire.

Au milieu du gué

Le ministère de l'Intérieur a détaillé toutes les nouvelles modalités de demande et de gestion des procurations, et en particulier l'utilisation de "Maprocuration", dans une instruction datée du jour de la Saint-Sylvestre. Le document de dix-huit pages abroge la précédente circulaire, qui datait du 6 avril 2021.

Dans un bilan du REU remis mi-2020, des inspections de l'Etat estimaient que la procédure d'établissement des procurations "est archaïque, inefficiente et insatisfaisante tant pour les services que pour les usagers". Cette procédure "pèse lourdement sur les services de police et de gendarmerie (...) sollicite aussi fortement les mairies et de manière plus ponctuelle les tribunaux judiciaires", écrivaient-elles. Un diagnostic sévère qu'elles seraient sans doute amenées à revoir aujourd'hui du fait de la réforme venant d'entrer en application. Une réforme qui reste toutefois au milieu du gué. Et le restera tant que la dématérialisation complète de la procédure d'établissement des procurations n'aura pas été réalisée. Mais les perspectives de déploiement de l'identité numérique font naître un espoir en la matière.

* Cette dérogation n'a pas été reconduite pour l'élection présidentielle d'avril prochain.  

Références : instruction du ministère de l'Intérieur du 25 novembre 2021 relative à la reprise du stock des procurations de vote ; décret n° 2021-1740 du 22 décembre 2021 modifiant les dispositions du code électoral relatives au vote par procuration et portant diverses modifications du code électoral ; instruction du ministère de l'Intérieur relative au vote par procuration.
  • Diverses évolutions du droit électoral

Le décret du 22 décembre 2021 modifie des dispositions réglementaires du code électoral sur l'établissement des procurations, notamment au moyen de la téléprocédure "Maprocuration". Mais pas seulement. Le texte procède également à un toilettage de dispositions relatives à bien d'autres sujets.

Ainsi, il prévoit que pour les élections générales (donc notamment pour la présidentielle qui aura lieu au mois d'avril prochain), les demandes d'inscription en ligne sur les listes électorales devront être déposées au plus tard le mercredi 2 mars à minuit. Soit deux jours avant la date-limite (vendredi 4 mars) fixée pour le dépôt des demandes effectuées en mairie, ou par courrier.

Le texte fixe également l'obligation pour "chaque candidat, binôme de candidats ou liste de candidats" de remettre une version électronique de sa circulaire électorale auprès de la commission de propagande. À l'ouverture de la campagne, les circulaires sont mises en ligne sur un site internet dédié.

Il institue également l'obligation pour les candidats aux élections régionales et législatives de déposer une profession de foi en langage de type "facile à lire et à comprendre" (Falc) – c'est-à-dire accessible aux personnes en situation de handicap, ou maîtrisant mal la langue française.

Par ailleurs, le texte autorise la mutualisation partielle des membres des bureaux de vote dérogatoire institués pour le vote par correspondance des personnes détenues. On retiendra aussi qu'il autorise les candidats à désigner les assesseurs et les délégués de bureau de vote par courrier électronique.