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Projet de loi 3DS : social, santé, éducation, culture... le Sénat fait feu de tout bois

Le titre IV du projet de loi 3DS (ou 4D) regroupe les dispositions relatives à la santé, la cohésion sociale, l'éducation et la culture et compte 25 articles après son passage au Sénat. Il y est notamment question de gouvernance des ARS, de centres de santé, de gestion du RSA, de Cias, d'évaluation de la minorité pour les MNA, de gestionnaires des collèges et lycées, de subventions aux cinémas... Sur ce titre aussi, les sénateurs ont sensiblement modifié le texte du gouvernement.

Le Sénat a achevé d'adopter, le 15 juillet, les dispositions du projet de loi 3DS (projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale - ou 4D) relatives à la santé, la cohésion sociale, l'éducation et la culture. Celles-ci figurent au titre IV du texte et regroupent, après les ajouts en commissions et en séance publique, pas moins de 25 articles. A nouveau, le Sénat n'a pas bouleversé l'économie générale du texte, mais n'a pas hésité à faire entendre sa différence, allant jusqu'à supprimer purement et simplement deux articles du texte initial... et d'en rétablir un autre après l'avoir supprimé en commission.

Gouvernance des ARS : porte entrebâillée pour les collectivités

Sur la santé, le texte retranscrit notamment l'engagement de donner davantage de place aux collectivités territoriales dans la gouvernance du secteur, sans pour autant remettre en cause son pilotage par l'Etat, en particulier en période de crise sanitaire. Ainsi, l'article 31 modifie la gouvernance des ARS (agences régionales de santé). Pour cela, il transforme leur conseil de surveillance en conseil d'administration et ouvre ce dernier aux élus locaux en prévoyant trois vice-présidents, dont deux désignés parmi les représentants des collectivités. Mais en commission, les sénateurs sont allés plus loin que le texte du gouvernement en prévoyant une co-présidence du conseil d'administration de l'ARS par le président du conseil régional, au côté du préfet de région. Il est cependant peu probable que cette disposition subsiste dans le texte final.

En outre, les missions du conseil d'administration sont étendues, puisqu'il lui revient de fixer les grandes orientations de la politique contractuelle de l'ARS, sur proposition de son directeur général. Contre l'avis du gouvernement, les sénateurs ont adopté en séance publique un amendement prévoyant une représentation à part égales, au sein du conseil, des représentants de l'Etat, des organismes d'assurance maladie et des usagers. En commission, les sénateurs ont également prévu que les missions des délégations départementales des ARS, qui doivent être  renforcées, "sont déterminées par décret, après consultation des associations représentatives d'élus locaux".

Un article additionnel (31 bis A) renforce la place des usagers – et "notamment celle des personnes en situation de pauvreté, de précarité ou de handicap" – dans les conseils territoriaux de santé. Pour sa part, l'article 32 donne une base légale au financement – volontaire – par les collectivités des investissements des établissements de santé. Cette possibilité est ouverte pour tous les niveaux de collectivités et concerne les investissements de tous les établissements de santé, quel que soit leur statut. Une condition toutefois : que les investissement financés  respectent les objectifs du schéma régional ou interrégional de santé.

Centres de santé, sécurité sanitaire, soins de proximité

L'article 33 précise les dispositions applicables aux collectivités territoriales gérant des centres de santé, lorsqu'il s'agit de recruter des professionnels médicaux, auxiliaires médicaux et administratifs. Il précise que "les professionnels qui exercent au sein des centres de santé sont salariés. Lorsque les centres de santé sont gérés par les collectivités territoriales ou leurs groupements [...], ils peuvent être des agents de ces collectivités ou groupements". Pour sa part, l'article 34 ouvre – timidement – aux départements la possibilité de contribuer à la politique publique de sécurité sanitaire. Il leur permet notamment d'intervenir à nouveau en faveur des organismes à vocation sanitaire et de lutte contre les zoonoses (possibilité qui avait disparu avec la suppression de la clause générale de compétence). De façon quelque peu proclamatoire, il explique que "les départements participent à la politique publique de sécurité sanitaire par l'intermédiaire des laboratoires d'analyse départementaux, de l'organisme à vocation sanitaire et de l'organisation vétérinaire à vocation technique mentionnés à l'article L.201‑9 [services vétérinaires et associations agréées, ndlr] et de leurs sections départementales". Il leur permet aussi d'intervenir plus directement en faveur de l'accès aux soins de proximité. De même, l'article renforce les compétences des départements et des communes pour créer et gérer un centre de santé.

Un article additionnel (34 bis), issu d'un amendement en séance de sénateurs parisiens, autorise la ville et le département de Paris à expérimenter une organisation plus souple en matière de petite enfance, notamment en distinguant les missions PMI relevant de la santé (département) de celles relatives à l'accueil de la petite enfance (commune) et en structurant une équipe dédiée à l'agrément des modes d'accueils.

Expérimentation de la recentralisation du RSA : supprimée en commission, rétablie en séance

Le second chapitre du titre IV est consacré à l'action sociale. L'article 35, qui officialise l'expérimentation de la recentralisation de la gestion et du financement du RSA, a connu un sort singulier. Supprimé en commission, il a finalement été rétabli en séance publique par un amendement du gouvernement. L'expérimentation – sur une base volontaire et pour les départements rencontrant des difficultés chroniques avec le RSA – est prévue pour une durée de cinq ans. L'article prévoit le transfert à l'Etat de l'instruction administrative, de la décision d'attribution et du financement du RSA et du revenu de solidarité, "tout en préservant la compétence en matière d'insertion que détiennent les départements".

Un article 35 bis, introduit en commission, renforce les pouvoirs du président du conseil départemental en matière de contrôle du RSA. Il prévoit en effet que le président "peut, pour l'exercice de ses compétences de contrôle du revenu de solidarité active, [ ] demander à tout bénéficiaire les documents et informations nécessaires afin de vérifier la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites [ ] dans le cadre de l'octroi et du versement de cette prestation". Une formulation très large qui pourrait poser problème devant le Conseil constitutionnel.

L'article 36 précise la compétence du département en matière d'habitat inclusif. Il confie notamment au département une compétence de coordination du développement de l'habitat inclusif et, plus largement, de l'adaptation du logement au vieillissement de la population. En commission, les sénateurs ont introduit quelques assouplissements donnant davantage de latitude au président du conseil départemental.

Pupilles de l'Etat et mineurs non accompagnés

L'article 37 donne aux métropoles et aux communautés urbaines la possibilité d'exercer une compétence d'action sociale et, à cette fin, de créer un centre intercommunal d'action sociale (Cias).

En commission, les sénateurs ont supprimé l'article 38, qui transfère aux départements la tutelle des pupilles de l'État, exercée aujourd'hui par le préfet. Si cet article bouleverse un ordre juridique séculaire, il répond toutefois à une vraie logique, dans la mesure où l'évaluation des situations, le suivi et la garde des enfants concernés – mais aussi les procédures d'adoption – sont confiés aux services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) des départements. On notera aussi que, dans le contexte actuel de reprise en main de la protection de l'enfance par l'Etat, cet article constitue un exemple inattendu de décentralisation dans ce secteur.

L'article 39 – qui pourrait être l'un des plus polémiques du texte et pourrait faire l'objet d'un recours de l'opposition de gauche devant le Conseil constitutionnel – prévoit le recours obligatoire au traitement automatisé d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM) pour l'évaluation de la minorité et de l'isolement des personnes se déclarant mineurs non accompagnés (MNA). Il prévoit aussi que "sauf lorsque sa minorité est manifeste, le président du conseil départemental, en lien avec le représentant de l'État dans le département, organise la présentation de la personne auprès des services de l'État, afin qu'elle communique toute information utile à son identification et au renseignement, par les agents spécialement habilités à cet effet, du traitement automatisé de données à caractère personnel [...]". A l'exception d'un amendement de pure forme, cet article a été adopté en l'état en commission comme en séance publique.

Enfin, l'article 40 règle une question statutaire très discutée dans le secteur depuis des mois. Il prévoit en effet le rattachement des directeurs des instituts départementaux de l'enfance et de la famille (Idef) – appelés aussi maisons départementales de l'enfance – à la fonction publique territoriale. Une décision logique dans la mesure où les Idef relèvent de la compétence et du financement des départements. Elle a en outre le mérite de permettre le détachement des directeurs d'Idef au sein de la fonction publique territoriale.

Éducation : les sénateurs ne veulent pas d'un pouvoir d'instruction des collectivités sur les "économes"

Le chapitre III du titre IV est consacré à l'éducation et au sport. En commission, les sénateurs ont commencé par supprimer l'article 41, le seul de ce chapitre dans la version du gouvernement. Cet article prévoit de donner, pour une expérimentation de trois ans, un pouvoir d'instruction du président du conseil régional, du conseil départemental ou de toute collectivité territoriale de rattachement des établissements publics locaux d'enseignement vis-à-vis de l'adjoint du chef d'établissement chargé des fonctions de gestion matérielle, financière et administrative, au titre des missions relevant de la compétence de la collectivité concernée. En revanche, les sénateurs ont ajouté, en commission, un article 41A, prévoyant la remise au Parlement d'un rapport sur les perspectives de transfert de la médecine scolaire aux départements.

Un autre article additionnel (41 bis) confie aux régions et à l'autorité académique la responsabilité d'effectuer le travail d'identification pluriannuelle des besoins, afin d'améliorer la programmation stratégique des capacités d'accueil dans l'enseignement supérieur. Dans le domaine sportif, un article additionnel adopté en séance publique (41 quinquies), contre l'avis du gouvernement et de la commission, prévoit que le diagnostic préalable à l'élaboration ou à la modification du PLU (plan local d'urbanisme) doit prendre en compte les besoins répertoriés en matière d'infrastructures sportives.

Un peu de culture pour finir...

Enfin, le chapitre IV consacré à la culture comprend deux articles. L'article 42 permet enfin, vingt ans après la loi Sueur et diverses péripéties juridiques, l'attribution de subventions aux entreprises existantes ayant pour objet l'exploitation de salles de cinéma, en vue de la création de nouveaux établissements conçus pour réaliser moins de 7.500 entrées hebdomadaires ou labellisés art et essai. Jusqu'à présent, ces subventions n'étaient possibles que pour soutenir l'exploitation des salles de cinéma.

Pour sa part, l'article 42, ajouté en commission, n'a qu'un rapport très partiel avec la culture. Il prévoit en effet que le département élabore un "schéma départemental de la solidarité territoriale", soumis pour avis au conseil régional, ainsi qu'aux organes délibérant des communes et des EPCI. Ce schéma, adopté pour une durée de six ans, définit notamment "un programme d'actions destinées à permettre un développement équilibré du territoire départemental et une répartition des équipements de proximité".

Références : projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (examiné en première lecture au Sénat du 8 au 21 juillet 2021).

 

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