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Projet de loi 3DS : une petite pierre de plus sur l'édifice de la décentralisation ?

Après l'Assemblée nationale la veille, le Sénat a donné son feu vert ce 9 février à l'adoption du projet de loi "3DS". Un texte de 270 articles qui comprend quelques transferts de compétences aux collectivités, augmente leur pouvoir réglementaire, renforce le rôle des préfets et apporte des simplifications. Le double vote marque la fin d'un parcours parlementaire qui avait débuté au printemps dernier. Consensuelle, la réforme s'apparente à une boîte à outils pour les élus locaux. Mais elle ne répond pas à la nécessité d'une plus grande décentralisation, critiquent les associations d'élus locaux et le Sénat.

Après l'Assemblée nationale la veille, le Sénat a donné son feu vert ce 9 février à l'adoption du projet de loi "3DS", marquant la fin d'un parcours parlementaire qui avait débuté au printemps dernier.

Le projet de loi devait répondre à la volonté exprimée par le président de la République, à l'issue du Grand Débat, d'"ouvrir un nouvel acte de décentralisation". Une ambition qui a été finalement abandonnée. En janvier 2021, le Premier ministre balayait les espoirs des élus les plus girondins : la réforme - dite alors "4 D" - ne sera ni "une révolution", ni "un nouvel acte de décentralisation", avouait Jean Castex. En avançant qu'il n'est pas approprié, en pleine période de crise, de "modifier les règles du jeu". Un argument pratique pour expliquer notamment le refus de décentraliser les services de médecine scolaire aux départements, la compétence de l'emploi aux régions, ou encore le pilotage des politiques de santé aux mêmes régions. Le gouvernement avançait par ailleurs que les quelque 2.000 élus locaux rencontrés par la ministre de la Cohésion des territoires lors de ses déplacements sur le terrain, n'ont pas revendiqué de nouvelle étape de la décentralisation. Après les réformes territoriales du quinquennat Hollande, ces derniers aspireraient plutôt à une pause.

"Mettre de l'huile dans les rouages"

Jacqueline Gourault l'a répété mardi à l'Assemblée nationale. Avec ce projet de loi, l'objectif n'est pas de "bouleverser" le paysage institutionnel. Il s'agit plutôt de "mettre de l'huile dans les rouages", d'apporter "des réponses pragmatiques aux blocages", de "faciliter le quotidien des collectivités" ou encore "d'offrir aux élus des outils concrets". Sur la même ligne, les rapporteurs LREM, Bruno Questel et Elodie Jacquier-Laforge ont évoqué un "texte utile".

Loin de l'ambition initiale, ce "texte-balai de fin de mandat" n'est "qu'une succession de mesures techniques", a critiqué l'opposition LR, qui a cependant voté pour. La réforme "reste très en deçà de ce que nous aurions pu attendre pour réactiver une démocratie qui s’essouffle, un processus décentralisateur en panne", a de même déploré le groupe socialiste. Mais la grande majorité de ses membres se sont eux aussi finalement prononcés pour le texte. Le groupe Libertés et Territoires a partagé ce constat. "D’une portée on ne peut plus limitée", le projet de loi "va maintenir la France dans la catégorie des dinosaures institutionnels, dotés d’un centralisme exacerbé, nullement remis en question", a regretté son orateur, Paul Molac. La majorité des députés de ce groupe se sont abstenus. Opposés au projet de loi, les groupes de la France insoumise et de la Gauche démocrate et républicaine ont pointé les menaces d'un "détricotage de l'indivisibilité de la République" et d'une aggravation des inégalités territoriales.

"Dans ce texte, il y a quelques gros sujets qui étaient bloqués depuis très longtemps et qui sont loin d'être des mesures techniques", a répondu le cabinet de la ministre de la Cohésion des territoires, lors d'une conférence en ligne avec des journalistes, mercredi matin. Et celui-ci de citer pêle-mêle : la décentralisation de 10.000 kilomètres de routes nationales non concédées, la réforme du fonctionnement de la métropole d'Aix-Marseille-Provence - "qui était bloquée depuis 2016"-, la pérennisation de la loi SRU, la recentralisation du financement du RSA, le renforcement de la place des élus locaux dans le pilotage des politiques de santé, le renforcement du rôle des préfets et la clarification des règles de transparence de la vie publique locale. "Tous ces sujets sont éminemment politiques et non pas techniques", a soutenu l'entourage de Jacqueline Gourault.

Décrets attendus d'ici juillet

Lors de son intervention dans l'hémicycle du Sénat, mercredi après-midi, la ministre a souligné notamment "le pragmatisme" dont le gouvernement a fait preuve selon elle, et le consensus auquel donne lieu le texte adopté par le Parlement. La ministre s'est réjouie de "la bonne réception de ce texte par les maires eux-mêmes", qui "disent attendre son entrée en vigueur". Ce projet de loi "a été nourri par la contribution des 50 propositions du Sénat", a-t-elle aussi souligné. La Haute Assemblée avait présenté au début de l'été 2020 ces propositions pour "une nouvelle étape de la décentralisation" et, quelques jours après, les associations regroupées dans Territoires unis (AMF, ADF et Régions de France) les avaient saluées. "Nous nous sommes mis autour de la table, nous nous sommes écoutés et avons trouvé des compromis utiles et efficaces", a encore déclaré Jacqueline Gourault en s'adressant aux sénateurs.

Le texte de 270 articles au total contient "des avancées très concrètes" et des dispositions qui vont "dans le bons sens", s'est félicité pour sa part le rapporteur LR, Mathieu Darnaud. Avant d'ajouter que ce gouvernement, qui "a bien du mal à décentraliser" a eu "la main tremblante", ou a fait preuve de "timidité" sur le volet différenciation. "Il est grand temps de passer à une étape supérieure", a-t-il conclu, en exprimant un sentiment partagé par de nombreuses associations d'élus locaux.

"On va établir la liste des [décrets] qui doivent sortir avant mai", a indiqué à la presse le cabinet de Jacqueline Gourault. Parmi ceux-ci figurera le décret qui précisera la liste des routes nationales qui seront "transférables" aux collectivités ou aux métropoles qui le souhaiteront. Le gouvernement s'est en effet engagé à le publier dans les deux mois suivant l'entrée en vigueur de la loi. Les autres textes d'application seront publiés "avant juillet".