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Energie - Projet de loi transition énergétique : la commission spéciale achève l'examen des volets bâtiment et transport

Les députés ont poursuivi en commission spéciale le 25 septembre dans l'après-midi et achevé le 26 septembre au matin l'examen du titre II du projet de loi sur la transition énergétique consacré au bâtiment avant d'embrayer sur le volet transport du texte. Ils ont tout d'abord adopté l'article 5 du projet de loi qui prévoit d’imposer des exigences de performance énergétique pour certains travaux, sur certains bâtiments, qui seront précisés par décret - isolation de paroi lors d’un ravalement de façade, de toiture ou des combles lors de leur réfection, travaux d’isolation lors de l’aménagement de nouvelles pièces… Ils ont voté un sous-amendement de la rapporteure Sabine Buis (PS, Ardèche) à l'amendement de Christophe Bouillon (PS, Seine-Maritime), prévoyant de définir, par le même décret, des critères de rénovation acoustique.

Un fonds de garantie pour la rénovation énergétique

Plusieurs amendements pour que le décret mentionné par l’article 5 soit "pris dans un délai d’un an suivant la promulgation de la présente loi" ont été présentés afin d'éviter une publication tardive, voire l'absence de publication. "On attend toujours certains décrets du Grenelle", a rappelé François Brottes (PS, Isère), président de la commission spéciale. C’est finalement celui de la rapporteure qui a été adopté. Par ailleurs, "les aides publiques dédiées aux travaux d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants sont maintenues lorsqu’il y a obligation de travaux", prévoit un amendement de la rapporteure. Un amendement gouvernemental, voté à l’unanimité des députés présents, crée en outre un "fonds de garantie pour la rénovation énergétique", pour faciliter ces travaux dans les logements. Géré par la Caisse des Dépôts, et alimenté par celle-ci et les CEE, ce fonds de garantie serait destiné aux "personnes disposant de ressources modestes" et "propriétaires de logement régis par une copropriété". Un groupe de travail devrait bientôt remettre un rapport sur les conditions de fonctionnement de ce fonds, dans le cadre de la conférence bancaire et financière pour la transition énergétique. Par ailleurs, un amendement de Cécile Duflot (EELV, Paris) prolonge "par périodes de dix ans à partir de 2020 jusqu’en 2050" l’obligation de rénovation de l’immobilier du secteur tertiaire, "avec un niveau de performance à atteindre renforcé chaque décennie, de telle sorte que le parc global concerné vise à réduire ses consommations d’énergie finale d’au moins 60% en 2050 par rapport à 2010, mesurées en valeur absolue de consommation pour l’ensemble du secteur". De plus, "le décret en Conseil d’État applicable pour la décennie à venir est publié au moins cinq années avant son entrée en application". Ces deux dispositions visent à compenser l’absence de publication du décret d’application de cette obligation, inscrite dans la loi Grenelle II depuis plus de quatre ans, qui aurait dû entrer en vigueur en 2012 avec une échéance à 2020. Le secrétaire d’État Alain Vidalies s'est engagé devant la commission à une publication du texte avant la fin de l’année. "Le service public de la performance énergétique de l’habitat s’appuie sur un réseau suffisant de plateformes territoriales de la rénovation énergétique", prévoit en outre un amendement de la rapporteure. Créé par la loi Brottes du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, ce service public "reste pour l’heure une coquille vide, à défaut de rapport du gouvernement précisant son contenu et ses modalités de mise en œuvre". "Portées par des EPCI, ces structures ont vocation à réunir différents aspects de l’accompagnement des ménages aujourd’hui très fragmentés. […] Les régions et l’Ademe accompagnent actuellement la création d’une cinquantaine de ces plateformes en 2014 et d’une cinquantaine supplémentaire en 2015. À terme, une couverture satisfaisante du territoire implique la création d’environ 400 plateformes", stipule l'amendement.

Débat tendu sur le tiers financement

Les députés ont adopté l’article 6 sur le tiers-financement à l’issue d’un débat tendu. Réagissant à la présentation d’un amendement de la rapporteure, Cécile Duflot a estimé que sa rédaction "tu[ait] le tiers-financement". L’amendement en question prévoit qu'"un décret en Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles [les sociétés de tiers-financement] sont autorisées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à exercer des activités de crédit, ainsi que les règles de contrôle interne qui leur sont applicables à ce titre". La députée écologiste y a vu "une volonté de stériliser toute alternative par le secteur bancaire". Le secrétaire d’État Alain Vidalies a répondu que la rédaction de cet amendement est le fruit d’une négociation entre le gouvernement et l'Association des régions de France (ARF). "Cet amendement répond aux inquiétudes des élus", affirme-t-il. "Sans contrôle, on sait où peuvent aboutir des activités de crédit et de remboursement. Ils se sont rapprochés de Bercy." Le secrétaire d’État se dit "prêt à rendre publics les échanges de mails avec l’ARF" pour prouver sa bonne foi, ainsi que le projet de décret avant l’examen en séance publique. Ségolène Royal a finalement tranché dans un tweet : "Les sociétés de tiers financement auront la dérogation au monopole bancaire pour les travaux de rénovation comme je m'y étais engagée".

Systèmes d'alerte sur la consommation d'électricité et de gaz

Les députés ont également voté un amendement du gouvernement instituant l'"obligation, pour les gestionnaires de réseau d'électricité et de gaz, de mettre à disposition des consommateurs, gratuitement, leurs données de comptage ainsi que des systèmes d'alerte liés au niveau de leur consommation". Un sous-amendement de François Brottes prévoit que les consommateurs bénéficiant du tarif social, puissent obtenir "gratuitement des données de consommation, exprimées en euro, au moyen d'un dispositif d'affichage à l'intérieur de l'habitation". Le gouvernement, représenté par Alain Vidalies, s'est opposé au principe d'une "généralisation de dispositifs d'affichage en temps réel" de la consommation, dont le coût s'élèverait à 500 millions d'euros, qui seraient répercutés sur la facture du consommateur. Cependant, la commission s'est prononcée pour que le dispositif à l'intérieur des habitations soit proposé progressivement à l'ensemble des utilisateurs.

Harmonisation des trêves hivernales

En votant un amendement identique de la rapporteure Sabine Buis (PS) et des radicaux de gauche, les députés ont aussi décidé de prolonger jusqu'au 31 mars la trêve hivernale en matière de coupures d'électricité et de gaz, harmonisant la mesure avec celle s'appliquant aux expulsions. En effet, la loi "Brottes" sur l'énergie, entrée en vigueur en avril 2013, a mis en place une trêve hivernale généralisée entre le 1er novembre et le 15 mars pour les coupures d'énergie, semblable à celle en vigueur pour les expulsions de logements. Mais la loi pour l'Accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) de mars 2014 a depuis repoussé du 15 au 31 mars la trêve hivernale locative, qui interdit l'expulsion même si le propriétaire a entamé une procédure judiciaire. Les députés ont donc harmonisé les deux trêves. "Les chiffres des coupures et des résiliations de puissance communiqués au médiateur national de l'énergie" ont montré que la trêve hivernale de l'énergie "n'a pas entraîné d'explosion du nombre d'impayés, même si les difficultés de paiement des consommateurs subsistent", a justifié Sabine Buis.

CEE et précarité énergétique

Enfin, la rapporteure Sabine Buis a fait voter un amendement réclamant que, en matière de CEE, un arrêté du ministre de l'Énergie "pris et notifié aux intéressés avant le 31 mars 2017 fixe pour la période comprise entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020 le montant de l'obligation d'économies d’énergie". Une mesure qui vise à pallier "le manque de visibilité" de ce dispositif. "Une part de ces économies d’énergie, qui sera déterminée par un arrêté, doit être réalisée au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique", prévoit un autre amendement de Cécile Duflot. Pour l'ancienne ministre du Logement, cela permettrait "de sécuriser le financement du programme 'Habiter mieux' conduit par l’Anah, dont le financement est d’ores et déjà insuffisant et en péril à compter de 2015". Pour clore le volet bâtiment du texte, la rapporteure a encore défendu un amendement demandant au gouvernement de présenter au Parlement, douze mois après la promulgation de la loi, "un rapport sur le statut des colonnes montantes dans les immeubles d’habitation". "Les colonnes montantes qui acheminent l’électricité du réseau aux appartements sont souvent vétustes et ne supportent pas la pose d’un nouveau compteur ou une augmentation de puissance, ou ont besoin d’être rénovées pour des raisons de sécurité", a précisé la députée. "Or se pose la question du coût de cette mise aux normes qui pourrait représenter six milliards d’euros. Selon le gestionnaire de réseaux, environ 300.000 colonnes montantes, hors concession, ne seraient en effet pas aux normes." Elle réclame la résolution de ce problème "dans un délai raisonnable de six ans".

Renforcement des mesures sur les véhicules propres

La commission spéciale a aussi achevé ce 26 septembre l'examen du titre III, sur les transports. Ils ont voté un amendement porté entre autres par Christophe Bouillon réclamant qu'"afin de réduire les impacts environnementaux de l’approvisionnement des villes et de leurs commerces, les expérimentations relatives à la problématique des 'derniers kilomètres' [soient] soutenues et valorisées". "Cela devrait être accompagné d’une intégration des problématiques des derniers kilomètres dans les documents d’urbanisme." L’article 9 du texte prévoit que l’État et ses établissements publics respectent une part minimale de 50% de véhicules "propres" lors du renouvellement de leur flotte, cette part étant de 20% pour les collectivités, leurs groupements ainsi que les entreprises nationales, lorsqu’ils gèrent un parc de plus de 20 véhicules automobiles. Un amendement porté par Jacques Krabal (PS, Aisne) prévoit qu'"à compter du 1er janvier 2016, si l’obligation de renouvellement du parc à hauteur de 50% n’est pas respectée, l’État ou ses établissements publics pourraient se voir refuser l’acquisition de quelque véhicule que ce soit qui ne soit pas propre". Cette obligation est étendue, par un amendement de Philippe Plisson (PS, Gironde), rapporteur de ce titre, aux loueurs de voitures "dans la proportion minimale de 10% avant 2020", ainsi qu'aux exploitants de taxi.
Un amendement du gouvernement définit en outre les véhicules "propres" "comme étant électriques à batterie ou à pile à combustible à hydrogène, hybrides électriques", "fonctionnant au gaz de pétrole liquéfié ou au gaz naturel, au biométhane, y compris tout mélange hydrogène gaz naturel, ou au gaz naturel liquéfié", ou "fonctionnant avec des carburants à haute teneur en biocarburants et définis par voie réglementaire". Un autre amendement du rapporteur prévoit que l'Etat définisse "par voie réglementaire" une stratégie pour le développement des véhicules propres et des infrastructures d’avitaillement correspondantes". Elle devra comporter un calendrier et des objectifs de développement de ces véhicules et leurs infrastructures "aux horizons de la programmation pluriannuelle de l'énergie", instaurée par l'article 49 du projet de loi.

Déploiement "massif' de voies de circulation douce

Un autre amendement du rapporteur prévoit, sans plus de précisions, que "la France se fixe un objectif de déploiement massif d'ici 2030 de voies de circulation douce et de stationnement dédié aux mobilités douces, en particulier de stationnement sécurisé pour les vélos". Un amendement de Jean-Paul Chanteguet (PS, Indre) étend en outre l'obligation, inscrite dans le texte, de doter certains bâtiments d'infrastructures permettant le stationnement sécurisé des vélos aux bâtiments "accueillant un service public équipé de places de stationnement destinées aux salariés ou aux usagers du service public" et à ceux "constituant un ensemble commercial" de type cinémas...
Les aéroports devront pour leur part établir au plus tard le 31 décembre 2016 un programme d'actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre résultant des activités directes et au sol de la plateforme aéroportuaire, en matière de roulage des avions et de circulation de véhicules sur la plateforme notamment, selon un amendement de Gérard Sebaoun (PS, Val-d'Oise). "L'objectif de réduction de l'intensité en gaz à effet de serre, qui est constitué par le rapport entre le volume de ces émissions et le nombre de mouvements aériens sur la plateforme concernée la même année, est, par rapport à 2015, d'au moins 10% en 2020 et d'au moins 20% en 2025." L'Ademe devra en établir un bilan national au plus tard fin 2017. "Le champ des entreprises soumises à cette obligation et les modalités d'application du présent article sont précisés par décret."
Selon un amendement du rapporteur, la possibilité de créer des zones de circulation réduite (ZCR) est désormais ouverte à toutes les communes volontaires, et plus seulement aux communes de plus de 100.000 habitants comme le prévoyait initialement le projet de loi.

Vers des plans de mobilité rurale

Un autre amendement du rapporteur Plisson prévoit que le schéma régional de l'intermodalité puisse "être complété par des plans de mobilité rurale qui en détaillent et en précisent le contenu afin de prendre en compte les spécificités des territoires à faible densité démographique et d'y améliorer la mise en œuvre du droit au transport (...) en veillant à la complémentarité entre les transports collectifs, les usages partagés des véhicules terrestres à moteur et les modes de déplacement terrestres non motorisés". Il "prend en compte les plans de mobilité des entreprises, des collectivités publiques et des établissements scolaires mis en place sur le territoire qu'il couvre". Philippe Plisson réclame aussi au gouvernement, dans un délai d'un an après la promulgation du projet de loi, "un rapport évaluant l'opportunité de réserver, sur les autoroutes et routes nationales comportant au moins trois voies et traversant ou menant vers une métropole, une de ces voies aux transports en commun, aux taxis, à l'autopartage, et au covoiturage lorsque le véhicule est occupé par au moins trois personnes. Le rapport évaluera notamment l'impact qu'une telle mesure est susceptible de produire en termes de décongestion de ces routes selon les heures de la journée". 

 

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