Proposition de loi sur le ZAN : les députés apportent de premières révisions à la marge

Lors de la première journée d’examen en séance publique de la proposition de loi d'origine sénatoriale sur le zéro artificialisation nette (ZAN), les députés n’ont que très légèrement modifié le texte adopté en commission. Discutées, les dispositions sur les "grands projets" n’ont ainsi guère évolué.

Les discussions ont été nourries à l’Assemblée ce 22 juin, lors de la première journée d’examen en séance publique de la proposition de loi sénatoriale visant à "corriger" le ZAN (voir notre article du 22 juin). Nourries, mais guère productives.

Pas de suppression du ZAN, ni de dérogations…

Après de longs – et vains – débats sur la suppression du ZAN, proposée par Philippe Gosselin (LR), plusieurs députés, principalement LR et RN, ont tenté d’exempter de l’objectif certaines communes. Tantôt au regard du seul critère de leur population (entre 11.000 et 1.500 habitants, toutes les strates y sont passées, ou presque), tantôt au regard de leur dynamique démographique (parfois pour favoriser celles en déprise, parfois pour donner au contraire davantage de marges de manœuvre à celles en pleine expansion), de leur placement ou non en zone de revitalisation rurale, etc. Là encore, sans succès.

Si les uns vantaient la sobriété des communes rurales, d’autres – principalement le rapporteur Bastien Marchive (Renaissance) – ont au contraire souligné que les 31.000 communes peu denses ou très peu denses ont en 2021 "accueilli moins d’un tiers de l’évolution de la population, moins d’un cinquième des emplois …mais elles ont consommé les deux tiers de l’enveloppe foncière". Tentant de ne pas tomber dans le piège de l’opposition rural/urbain, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a donné dans le "en même temps" : "Les plus vertueux, ce sont à la fois les plus ruraux et les plus urbains. Si vous observez les données, il y a très peu d’urbanisation dans les grandes villes, qui ont généralement déjà consommé la totalité de leur espace municipal et ont donc tendance à se périurbaniser. De l’autre côté du spectre, les plus petites communes, en particulier les 10.000 qui ont été évoquées, n’ont quasiment pas consommé d’espace, notamment parce que beaucoup d’entre elles sont régies par le RNU [règlement national d’urbanisme]." À en croire Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine-Nupes), ce fut dans les deux cas dans la contrainte : "Si elles ont consommé moins de 1 hectare, c’est que l’ensemble des communes soumises au RNU se sont vu opposer des refus de permis de construire par les préfets", s’est-il insurgé.

Les députés ont également refusé de lâcher davantage de lest sur les délais. "Nous décalons la publication des SAR et des Sraddet de six mois supplémentaires, c’est-à-dire d’ici à août 2024, ce qui aura donc laissé trois ans aux régions pour le faire, et nous maintenons la publication des Scot et des PLU pour, respectivement, 2026 et 2027. La plupart des régions ont déjà commencé à intégrer les objectifs et certaines – vous pourrez le vérifier – les ont même déclinés", a argué Bastien Marchive. Non sans rappeler que "le calendrier adopté en commission a été partagé avec l’ensemble des associations d’élus : ceux-ci ne demandent pas à procrastiner, mais plutôt à avancer", a-t-il assuré.

… sauf pour l’outre-mer et la Corse

Les députés ont toutefois voté plusieurs dispositions spécifiques à l’outre-mer ou à la Corse, "qui ont fait l’objet de nombreux amendements", a souligné le ministre. 

Après avoir supprimé en commission l’automaticité de l’objectif de réduction de 50% du rythme de l’artificialisation qui s’appliquerait si les SAR (schémas d'aménagement régionaux) n’étaient pas adoptés dans les délais impartis dans ces territoires – "l’outre-mer pas soumis à l’objectif de réduction de 50% à horizon 2031. Il s’agit d’une dérogation notable", a souligné Bastien Marchive –, les députés ont fait de même avec la Corse, dans le cas où le Padduc (plan d’aménagement et de développement durable de Corse) serait modifié tardivement.

Déplorant par ailleurs "en Corse une application très partielle du principe d’urbanisation limitée sur le littoral", les parlementaires ont profité des débats pour disposer que les objectifs de réduction de la consommation d'espaces, définis au niveau insulaire dans le cadre du Padduc, "s’appliquent également aux communes soumises au RNU". De même, considérant que "l’absence de documents d’urbanisme en Corse est une problématique majeure qui donne lieu à des constructions anarchiques et sans cohérence", ils ont décidé qu’"à compter du 22 août 2027, l’extension de l’urbanisation est interdite pour toute commune ou établissement public de coopération intercommunale qui ne dispose pas de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale".

Une liste de "grands projets" modifié à la marge

Examiné en priorité, l’article 4 consacré aux "projets structurants de demain" a sans surprise donné lieu à de nombreux échanges, là encore sans grand résultat. Dans un retour à l’envoyeur, Christophe Béchu a fait valoir que "le gouvernement tiendra sa ligne […] face à des injonctions contradictoires". "Nous souhaitons que l’artificialisation des grands projets soit comptabilisée dans un forfait à part, mais qu’elle soit comptabilisée quand même", a-t-il indiqué, alors que le même jour, dans le cadre de son examen du projet de loi Industrie verte, le Sénat votait précisément l’exclusion de leur comptabilisation, par ailleurs souhaitée par le ministre de l’économie (voir notre article du 1er juin).

Le forfait de 15.000 hectares qui sera consacré à ces "projets structurants", constatés rétroactivement, a été conservé, en dépit des souhaits de certains de le supprimer, de le réduire ou encore de l’appliquer strictement, en excluant tout éventuel dépassement – ou à tout le moins en circonscrivant ce dernier. "Je plaide pour sortir d’une illusion à la Gérard Majax – hop, les grands projets ne sont pas de l’artificialisation –, sans tomber dans un autre extrême consistant à tout décompter, à l’hectare près", a indiqué Christophe Béchu. La remise en cause du principe de péréquation (chaque région devant prendre sa part) n’a également pas prospéré.

De même, la liste des projets éligibles n’a guère été bouleversée. D’un côté, les députés ont refusé d’en retirer les lignes ferroviaires à grande vitesse, les projets autoroutiers, les aéroports ou encore le nucléaire (ou les mégabassines, qui n’y figurent pas). De l’autre, ils ont refusé d’y ajouter les hôpitaux ou les infrastructures de gestion et de valorisation des déchets. Et ce, y compris pour les territoires "souffrant d’un retard de développement avéré en matière d’infrastructures de transport ou de traitement des ordures ménagères". Seule exception, les députés ont ajouté à la liste "la réalisation d’opérations de construction ou d’aménagement de postes électriques de tension supérieure ou égale à 220 kilovolts". Ils ont par ailleurs précisé que la liste de ces projets non comptabilisés comme de l’artificialisation "est rendue publique annuellement".

Ils ont enfin voté le fait que "les aménagements, équipements et logements directement liés à la réalisation d’un projet d’envergure nationale ou européenne qui présente un intérêt général majeur peuvent être considérés, en raison de leur importance, comme des projets d’envergure régionale ou d’intérêt intercommunal, auxquels cas l’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers qu’ils engendrent sont pris en compte selon les modalités propres à ces projets". Un pis-aller pour les élus souhaitant inclure ces aménagements "induits" dans l’enveloppe des grands projets elle-même.

Les députés ont poursuivi les discussions sur l’article 7, relatif à la "garantie rurale", sans parvenir à épuiser les débats ce 22 juin au soir. Ils les reprenaient – et doivent les conclure – ce 23 juin.