Finances / Commande publique - Recours aux PPP : les collectivités seront plus outillées
Le recours aux partenariats public-privé par des administrations centrales et des collectivités va devenir plus encadré. L'Assemblée nationale a adopté une disposition allant dans ce sens le 15 octobre au soir, en votant un amendement au projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2014 à 2019 sur proposition de trois députés socialistes membres de la commission des finances – Dominique Lefebvre, Alain Fauré et Jean-Louis Dumont.
"Sécuriser"... "dans le respect du principe de libre administration"
A partir du 1er janvier 2016, les collectivités souhaitant conclure un contrat de partenariat devront transmettre l'évaluation préalable du projet "aux services de l'Etat compétents". Elles bénéficieront alors systématiquement de deux avis : "un avis sur l'évaluation préalable du projet et une analyse de l'ensemble des conséquences de l'opération sur les finances de la collectivité concernée". La mission d'appui aux partenariats public-privé (Mappp) fournira son expertise sur l'évaluation préalable, alors que le fait de solliciter cet avis était auparavant facultatif pour les collectivités. Ce sont en revanche les services déconcentrés de la direction générale des finances publiques (DGFIP) qui seront chargés d'éclairer "les conséquences financières du projet pour la collectivité". "Ces avis seront non-liants", précise l'exposé de l'amendement, de façon à "sécuriser" les passations de contrats "dans le respect du principe de libre administration".
Quant aux administrations d'Etat, l'amendement interdit la passation directe de PPP par les "organismes divers d'administration centrale (Odac), les établissements publics de santé et les structures de coopération sanitaire dotées de la personnalité morale publique". Ces derniers devront désormais passer par leur ministère de tutelle, celui-ci étant chargé de l'instruction du projet.
Un amendement "de bonne gestion et de prudence"
Les députés espèrent ainsi accroître la maîtrise des "risques budgétaires, financiers et de gestion publique importants" que représentent les PPP. Les contrats de partenariat et autres formes de PPP présentent "dans la durée, pour les finances publiques, des risques extrêmement importants, financiers ou juridiques comme un certain nombre de cas l'ont montré ces dernières années", a appuyé Dominique Lefebvre, auteur de cet amendement "de bonne gestion et de prudence". "De 2005 à 2012, c'est pour un montant de 17 milliards d'euros que des partenariats public-privé ont été signés", a rappelé le vice-président de la commission des finances de l'Assemblée, "il y a eu 253 opérations, dont 179 pour les collectivités locales, 44 pour les établissements hospitaliers et 40 pour les Odac".
Les dispositions de l'amendement répondent en particulier au manque d'ingénierie de certaines administrations : "Les acheteurs publics qui ne recourent que très occasionnellement à ce type de contrat ne sont pas en mesure de développer une capacité d'expertise suffisante leur permettant de conduire efficacement une négociation avec des groupements privés particulièrement aguerris", selon l'exposé de l'amendement.
Les députés ont ainsi partiellement suivi les recommandations du rapport des sénateurs Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur de juillet dernier (voir notre article du 17 juillet), qui proposait de "rendre obligatoire", pour les collectivités, "l'avis de la Mappp ou de la DDFIP avant la conclusion d'un contrat de partenariat". Ce rapport allait toutefois plus loin en préconisant de "confier l'établissement de l'évaluation préalable, recentrée sur ses dimensions juridique et financière, à des organismes publics, indépendants et habilités". Les sénateurs avaient considéré que la Mappp dans son format actuel - comprenant pour eux un rôle de "promotion" des PPP - ne pouvait garantir d'éclairer les décideurs publics de façon suffisamment objective.
Caroline Megglé
Les députés précisent l'objectif d'évolution de la dépense locale
Parmi les autres amendements au PLPFP adoptés par les députés, l'amendement 45 précise l'objectif d'évolution de la dépense publique locale défini à l'article 11 du texte en y introduisant une "évolution indicative des dépenses de fonctionnement des collectivités locales pour la période 2014 2017". Ce taux d'évolution indicatif du fonctionnement est de 2,7% en 2014 (pour un objectif d'évolution globale de la dépense locale de 1,2%), de 1,8% en 2015 (sur 0,3% au total), de 2,2% en 2016 (sur 1,8%) et de 1,9% en 2017 (sur 1,9%). Cette déclinaison indicative des objectifs d'évolution de la dépense entend signifier aux collectivités – s'il en était besoin – que la priorité est bien la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement. Cet objectif "ne doit en effet pas constituer un signe négatif envers l'investissement public local", précise l'exposé de l'amendement.
Toujours pour compléter l'article 11, un autre amendement a été adopté pour associer le Comité des finances locales (CFL) à la fixation de cet objectif, puis à son suivi au cours de l'exercice. Le CFL disposerait ainsi "des mêmes pouvoirs que les organismes de sécurité sociale pour l'objectif national de dépenses d'assurance maladie". De cette façon, les collectivités seront "associées à l'élaboration du programme de stabilité", précise l'exposé de l'amendement.
Par ailleurs, l'article 28 du PLPFP prévoit que le gouvernement présente au CFL, à partir de 2016, un bilan de l'objectif d'évolution de la dépense publique locale, ainsi qu'une décomposition par type de collectivité et EPCI. Un amendement, adopté par les députés le 15 octobre, précise en outre qu'une annexe au projet de loi de finances de l'année rend compte du détail des "attributions individuelles versées aux collectivités territoriales au titre de l'année précédente", publiées sur internet "sous une forme susceptible d'être exploitée". "La présentation actuelle de ces données ne permet pas d'avoir une vision globale, par exemple par département, des dotations versées à l'ensemble des communes", selon l'exposé de l'amendement, d'où la nécessité d'agréger ces données en "un seul fichier consultable par tous".
C. Megglé