Archives

Réindustrialisation : "Il faut aller vite dans l'équipement des villes moyennes en 5G"

La métropolisation est beaucoup plus marquée en France que dans le reste de l'OCDE, avec quinze métropoles qui polarisent le développement économique, alors que les "territoires épars", situés hors des grandes métropoles, ont plutôt tendance à stagner. Dans un rapport publié le 11 mars 2021, l'Institut Montaigne s'est penché sur cette spécificité française et sur les moyens de rééquilibrer le développement sur tout le territoire national, notamment par la formation spécialisée et le déploiement de la 5G.

Comment rééquilibrer le développement de nos territoires, alors qu'une grande partie de la création de valeur (81%) et des créations d'emplois (85%) se font surtout dans les métropoles ? C'est la question que s'est posée l'Institut Montaigne dans un rapport publié le 11 mars 2021, avançant une vingtaine de propositions. "La France a très bien réussi à développer des métropoles et c'est une richesse pour le pays d'avoir des pôles qui existent au niveau européen, mais l'intensité du déséquilibre que cela crée explique quelque part la désespérance des territoires", a posé Paul Hermelin, président de Capgemini, lors de la présentation à la presse du rapport, poursuivant : "Certaines zones hors métropoles ne reposent plus que sur la fonction publique, qui dépasse parfois 40% de la population active. Cela, conjugué avec la fermeture des services publics, explique la désespérance territoriale et la poussée des gilets jaunes." Le déséquilibre existe ailleurs en Europe, mais pas de manière aussi marquée. "L'intensité du déséquilibre est spécifique à la France", a ainsi affirmé Paul Hermelin, président du groupe de travail à l'origine du rapport, selon qui la concentration en treize régions sous François Hollande n'a fait qu'amplifier le phénomène.

Le processus de métropolisation - bien qu'englobant des situations très diverses (voir notre article du 11 mars 2021)) - s'est fait au détriment des "territoires épars", situés hors des métropoles, qui représentent pourtant 98% de la superficie et 70% de la population du pays.

La formation comme moyen d'actions

Pour les auteurs du rapport, les conditions du rééquilibrage passent par la formation, via notamment la mise en place dans le supérieur de filières spécialisées selon les particularités des territoires. Le rapport cite ainsi en exemple l'École supérieure des technologies industrielles avancées (Estia) qui a été créée en 1996 au Pays basque à l'initiative de la chambre de commerce et d'industrie de Bayonne Pays Basque avec le soutien des collectivités locales. L'école, qui forme chaque année environ 900 étudiants notamment dans le domaine des services numériques et de l'aérospatial, soit une partie des salariés du bassin d'emploi, fait l'objet de financements publics et privés. Son extension lancée fin 2018 était ainsi financée à 45% par le conseil régional, 30% par les fonds européens, 19% par l'école, en tant que filiale de la CCI, et à 7% par la communauté d'agglomération. Ce type d'offre de formation "permet de favoriser le maintien ou l'accroissement de l'emploi sur le territoire, détaille le rapport. Cette solution présente le double avantage d'offrir des débouchés de qualité aux jeunes du territoire, en matière de formation et d'emploi, et de renforcer l'attractivité du territoire". Autres exemples : l'université de Pau, avec l'aéronautique, ou l'université de Valenciennes spécialisée dans la robotique.

Pour l'Institut Montaigne l'idée est d'encourager ces offres de formation spécialisées dans les villes petites et moyennes plutôt que d'implanter de nouveaux établissements.

Les villes moyennes comme plateformes industrielles

Autre levier important de redynamisation : la 5G. Le rapport recommande ainsi de soutenir financièrement la couverture rapide du territoire national en 5G, en particulier dans les zones peu denses. "Il faut aller vite dans l'équipement des villes moyennes qui peuvent devenir des plateformes industrielles car elles offrent des conditions de trafic plus faciles, a signalé Paul Hermelin. Si on veut réindustrialiser la France, cela peut passer par les villes moyennes, mais il faut que ce soit couplé avec le développement de la 5G localement." L'idée de développer le télétravail, rendu plus fréquent avec la crise du Covid et les espaces de coworking, permettrait aussi de découpler lieu d'implantation des entreprises et lieu de travail des salariés. "L'appariement serait facilité, insiste le rapport, les entreprises dans les territoires pouvant recruter la main-d'œuvre manquante (en particulier qualifiée) et les personnes vivant dans les villes moyennes ayant un meilleur accès au marché de l'emploi des autres territoires." Dans le domaine du numérique, l'Institut Montaigne propose aussi de créer un crédit d'impôt d'investissement technologique (CIMT) visant à soutenir les efforts des ETI et PME présentes dans les milieux épars en matière de conversion numérique.

Le rapport identifie d'autres pistes, comme le fait de différencier l'action publique au profit des territoires épars, en premier lieu en termes de fiscalité. Il propose à court terme de supprimer totalement la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dans les villes moyennes et les territoires épars pour favoriser l'investissement des PME et ETI et, à plus long terme, d'alléger la fiscalité du patrimoine pour assurer la transmission du capital productif dans les territoires, les PME et ETI territoriales étant souvent familiales. Le rapport cite ainsi l'Allemagne en exemple et sa réforme du droit des successions qui a favorisé les héritiers directs et largement abaissé la fiscalité sur la transmission de parts d'entreprises.

Enfin, la question de la mobilité est aussi jugée primordiale. Le rapport recommande ainsi de développer dans le cadre du plan de relance des liaisons ferroviaires pendulaires, courtes et rapides (environ 200-250 km/h) entre les villes moyennes, via des appels d'offres. Une piste qui permettrait à la fois de rééquilibrer le développement des territoires mais aussi de décarboner l'économie, en réduisant les trajets en voiture.