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Métropoles : tout ça pour ça ?

Économies d'échelle, gouvernance plus efficace, attractivité et compétitivité plus grandes… la création des métropoles (aujourd'hui au nombre de 22) devait produire de nombreux effets bénéfiques. Mais les résultats tardent à venir, selon "un premier bilan" de la Cour des comptes. 

Les métropoles devaient permettre d'"éviter la fragmentation des intérêts" sur leur territoire et d'améliorer sur celui-ci "la compétitivité et la cohésion". Mais leur premier bilan est "peu convaincant", jugent les magistrats de la Cour des comptes dans un fascicule – le troisième – de leur rapport annuel sur les finances publiques locales (le deuxième fascicule, consacré au panorama des finances locales pour 2020, a également été publié ce mardi - voir notre article de ce jour). Ils se sont penchés sur 21 des 22 métropoles : ils ont en effet écarté le Grand Paris.

Lorsqu'elles étaient auparavant des communautés urbaines, les métropoles n'ont pas vu leurs compétences être fondamentalement modifiées avec leur nouveau statut. Les transferts de compétences communales et départementales ont en effet été limités. En outre, les métropoles ont parfois confié par convention "l’exercice de pans entiers, voire la totalité de certaines de leurs compétences aux communes membres, et ce dans des conditions peu encadrées". Sur cette question de la répartition des compétences, la Cour observe par ailleurs qu'elle "souffre encore trop souvent d’un manque de clarté".

Place centrale des maires

Les projets métropolitains "sont plus l’expression d’une vision partagée du territoire, certes pas sans valeur, que de véritables documents de planification", observe encore la Cour. En outre, les démarches de pilotage et de contrôle sont "encore insuffisantes". En s'appuyant sur les rapports des chambres régionales des comptes sur 13 métropoles, les magistrats soulignent que celles-ci "ont rarement défini et mis en place une véritable stratégie" en matière immobilière et s'agissant de la politique d'achats. Ils relèvent aussi "l’insuffisance du contrôle interne et des entités liées". Autre élément de bilan peu en faveur des métropoles : la mutualisation des services, qui "n’a pas encore progressé significativement".

La mise en place des métropoles s’est accompagnée de la "réaffirmation du rôle central des communes dans le paysage local et de celui des maires dans la définition des politiques". La Cour estime que cette tendance est "paradoxale" et observe que la loi Engagement et proximité de décembre 2019 va dans ce sens.

Les objectifs de rayonnement des métropoles se sont "peu traduit" sur le terrain. Les coopérations des métropoles avec des villes moyennes montent en puissance, mais "elles sont le plus souvent exemptes d’engagements financiers, avec le risque de ne pas dépasser le stade de la lettre d’intention".

Que ce soit Orléans, Tours, Dijon, Metz, Nancy, ou Brest : ces métropoles n'ont "pas de véritable dimension européenne". Conférer un statut spécifique aux principales agglomérations ne suffit pas à entraîner la métropolisation de leurs territoires", critique encore la Cour.

"Concentration des fonctions métropolitaines"

Se penchant sur le "modèle lyonnais", elle le trouve "intéressant", mais elle juge qu'il "n'a pas tenu toutes ses promesses". Les synergies possibles entre les politiques héritées de la communauté urbaine et du département du Rhône étaient inévitablement limitées, "car les deux collectivités intervenaient sur des domaines distincts pour l’essentiel". La réduction de l’enchevêtrement des compétences est "en définitive faible et difficile à mesurer". Mais, l'élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains en juin dernier "devrait apporter une légitimité renforcée à ces élus et donner un élan nouveau à la construction et au développement d’un projet métropolitain".

Dans sa réponse à la Cour, la présidente de France urbaine, Johanna Roland, souligne que la mutualisation est au service tout autant des économies d'échelle que de la cohésion territoriale et de la montée en qualité du service public. Lorsqu'ont eu lieu les transferts de compétences des départements vers les métropoles, l’objectif de celles-ci "était d’amplifier la portée de leurs propres compétences (logement, politique de la ville)". Johanna Rolland souligne encore que la capacité de dialogue avec le département, la région et l'État et la participation à l'élaboration du contrat de plan État-région sont les deux caractéristiques qui distinguent vraiment les métropoles des autres intercommunalités. En outre, plus que "'la masse critique' (très relative à l’échelle européenne)", c’est d’abord "la concentration des fonctions métropolitaines au service d’un territoire élargi qui fait la métropole", indique la patronne de la métropole de Nantes.