"RER métropolitains" : recettes pour un succès

Des débats conduits lors du colloque organisé le 13 mars par le Gart, il ressort que les Serm, fruits d’une volonté territoriale, seront nécessairement divers. Ils répondent pour autant à des objectifs identiques, et seront confrontés à des difficultés similaires. Les solutions pour y répondre semblent faire l’objet d’un grand consensus. Mais tout l'art est dans l'exécution.

"Unité dans la diversité". La devise de l’Union européenne pourrait fort bien être reprise par les services express régionaux métropolitains (Serm), auxquels le Gart consacrait un colloque ce 13 mars à Bordeaux. Président de cette "association des collectivités au service de la mobilité", Louis Nègre a mis en avant en conclusion des échanges la "très grande diversité" de ces Serm, et la nécessité de traiter cette innovation territoriale – comme l’a souligné le président de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset (voir notre article du 13 mars) – "au cas par cas, sous le même chapeau de Serm". "Certains sont partis avant Margo* [Bordeaux, Strasbourg, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur], d’autres partent maintenant, d’autres partiront demain", relève-t-il. Certains seront labellisés, d’autres non, a prévenu le ministre Patrice Vergriete. Pour autant, tous partagent une même philosophie et seront confrontés à des difficultés similaires, auxquelles quelques recettes partagées pourraient apporter réponse, comme l’ont souligné des débats plutôt très consensuels. 

Maîtriser la métropolisation. Pour le ministre Patrice Vergriete, tous les Serm doivent d’abord répondre à un même double objectif : "Lutter contre le changement climatique, une évidence", mais aussi "mieux maîtriser la dynamique de métropolisation" de ces dernières décennies, laquelle "a produit du mauvais : le dépeuplement des villes moyennes, un sentiment de déclin" d’un côté, "le manque de foncier, de logements, des prix de l’immobilier qui s’envolent" de l’autre. "13 villes représentent 42% des offres d’emplois en France. 31 grandes aires urbaines accueillent la moitié de la population", souligne Louis Nègre, qui dénonce à son tour "l’étalement urbain, la congestion, la pollution" que cette métropolisation engendre, et à laquelle les Serm doivent apporter réponse.

Un projet de territoire. "La question prioritaire, c’est de définir sa vision politique du rééquilibrage de la région métropolitaine. Le Serm n’est que le volet mobilités de cette vision", enseigne ainsi Patrice Vergriete. C’est donc selon lui au territoire, "et pas à l’État, de dire ce qu’elle doit être". "Les Serm, ce sont des stratégies inscrites dans des volontés politiques, pas dans des lois", surenchérit Jean-Pierre Serrus, vice-président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, non sans montrer ainsi combien la loi est tombée de son piédestal. 

Se défaire du fer ? "Le Serm doit d’abord être un projet de services", martèle Louis Nègre, sans peur d’être contredit. Un service dont on a rappelé à l’envi qu’il devait être d’abord intermodal avant d’être ferroviaire. "Un service qui peut s’exercer pas seulement de manière ferroviaire", admet ainsi Matthieu Chabanel lui-même, PDG de SNCF Réseau, assurant par ailleurs que "le ferroviaire ne revendique pas l’exclusivité des Serm". "Pourquoi faire du fer quand ce n’est pas efficace ?" interroge d’ailleurs le ministre. "Il faut sortir du ferroviaire sinon rien", appuie à son tour Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole de Strasbourg, en soulignant la nécessité de "prendre en compte le car express, le fonctionnement cyclable" et en agitant à défaut la menace d’une rupture entre "territoires privilégiés et territoires laissés pour compte". Et d’avertir : "On sait les conséquences de ce sentiment d’abandon sur la cohérence de notre République". 

Le retour en grâce du car ? Un car express qui échappa, lui, à la contradiction. Il fut à tel point vanté pendant les débats que le président du conseil départemental de l’Essonne, François Durovray – l’un de ses plus fervents promoteurs (voir notre article du 20 avril 2023) – avoua "boire du petit lait". Il observe néanmoins que "quelques freins doivent encore être levés" pour que cette solution puisse réellement se déployer : "des voies réservées, parfois" ; la possibilité "d’utiliser les bandes d’arrêt d’urgence" ; plus encore la création de gares routières attrayantes et, surtout, une gouvernance renouvelée – le "sujet majeur". En l’espèce, "il faut réconcilier régions, métropoles et intercommunalités et dépasser les crispations sur la question du versement mobilités", plaide-t-il, vantant le "modèle du syndicat loi SRU pour créer ce service" (voir notre article du 28 septembre 2023). Mais "avant de bâtir le service, il faut d’abord comprendre les besoins", prévient Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la métropole de Lyon.

Qui va piano va sano. Le consensus est également de mise sur l’approche à retenir : "Pragmatisme et empirisme", résume Gérard Chausset, président de la commission Transports de Bordeaux Métropole. En commençant par "l’amélioration de l’existant et en avançant pas-à-pas. On crante !". Non sans faire ainsi écho à Alain Jund, pour lequel "il ne faut pas attendre le grand soir". Matthieu Chabanel insiste pour sa part sur la nécessité "d’avoir des jalons, des étapes intermédiaires. Il ne faut pas attendre dix ans" pour que le projet commence à se concrétiser aux yeux des citoyens. Une logique d’optimisation dont il souligne qu’elle constitue "une transformation culturelle importante, qui sort de la fascination des grands projets". 

Un pour tous… Pour Alain Jund, ce même pragmatisme doit se retrouver dans le travail entre collectivités : "On commence, et on verra ce que ça donne. La clé de la réussite, c’est la complicité, la coopération active entre la métropole et la région", vante-t-il. Louis Nègre appelle de même à une "nécessaire solidarité des collectivités", considérant que la question de la gouvernance fait partie "des cailloux dans la chaussure" des Serm. À contre-courant, Jean-François Monteils, président du directoire de la Société des grands projets (SGP), considère que "la complexité de la gouvernance peut aussi être un atout". Partant du principe qu’il "faut faire avec", il juge en effet que de cette confrontation des points de vue émergera un compromis d’autant plus efficace, non sans rappeler par ailleurs que "c’est la démocratie". 

Quand plutôt que qui. Il insiste surtout sur le fait que "la gouvernance, c’est un agenda, pas un organigramme. Tout le monde doit parler, mais la véritable question, c’est quand". Fort de l’expérience du Grand Paris Express, il souligne que "les erreurs viennent moins de la composition des groupes que du moment où on laisse les différentes personnes s’exprimer". Une gouvernance qui doit par ailleurs être selon lui "évolutive" – les membres doivent varier au fil du temps – et surtout "transparente". Et de mettre en avant la "question cruciale de la transparence des données, en entrée et en sortie. Il faut savoir rendre compte". 

En quête d’une expertise… Jean-François Monteils observe enfin qu’il existe "plusieurs sujets de gouvernance : celle des AOM – et plus largement toutes les collectivités intéressées –, celle des financeurs, mais aussi celle de la MOA. Un Serm est d’abord multimodal et fait donc intervenir des maîtrises d’ouvrage différentes. Leur coordination est essentielle", instruit-il. Un domaine dans laquelle la SGP a, opportunément, quelques lettres de noblesse à faire valoir (voir notre article du 12 mars). "Il faut écouter les gens qui savent", plaide également pro domo Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), évoquant "les agents et les usagers". 

… contradictoire. Pour Gérard Chausset, la difficulté tient toutefois au fait que, en matière ferroviaire, "les sachants sont tous dans la même société", "un peu opaque". Ce qui a d’ailleurs conduit Bordeaux Métropole à se "doter d’une expertise ferroviaire interne". "Il faut que la SNCF comprenne que sa parole n’est pas les tables de la loi. Les projets de Serm, que ce soit à Strasbourg ou Bordeaux, viennent du bas, du local, et ne rejoignent pas nécessairement la vision de la SNCF, avec ses contraintes techniques et sociales. Diamétraliser n’est pas nécessairement dans la culture locale du cheminot", argue-t-il. "On a vu ce que la Société des grands projets a fait, et l’avoir à nos côtés, avec la SNCF, nous aidera énormément. Il n’en reste pas moins que j’attends que l’État s’engage encore plus à nous aider, à nous accompagner, nous, collectivités", lance pour sa part Louis Nègre. Un accompagnement –notamment financier – qui tarde à se dessiner.

Un tien vaut mieux que deux tu l’auras. Pour le PDF de SNCF Réseau, "l’enjeu de la visibilité" est pourtant déterminant "pour réussir la montée en charge des Serm, singulièrement auprès des industriels". "Il vaut mieux 70 avec de la visibilité que 100 avec de l’incertitude", prévient-t-il, en faisant sans doute allusion ici aux 100 milliards d’euros d’ici 2040 annoncés l’an passé par Élisabeth Borne dans le cadre d’une "nouvelle donne ferroviaire" (voir notre article du 24 février 2023), mais qui peinent toujours à se concrétiser. 

 

Jeune fille à qui le président de la République, "petit-fils de cheminot", dévoila sur YouTube son ambition de développer "un réseau de RER dans dix métropoles" (voir notre article du 28 novembre 2022).