Territoires - A Saint-Etienne, le désenclavement des banlieues passe par l'Europe
Un lotissement bordé de buissons fleuris, des immeubles de taille moyenne aux façades fraîches et des routes étroites qui embrassent les collines urbaines.
A première vue, rien ne laisse penser que les hauteurs de Chambon-Feugerolles, ville de 13.000 habitants en périphérie de Saint-Etienne, abritaient des corons jusqu'au début des années 1980. L'habitat s'est métamorphosé, même si le territoire reste marqué au fer rouge par le déclin du bassin houiller.
Ecrire une nouvelle page
Les activités tertiaires ont beau gagner du terrain, la démographie est en perte de vitesse, le chômage flirte avec les 13% et les ouvriers représentent encore 35% de la population active, contre 22% dans le reste de la France. "Nous disposons d'un tissu de PME très dense, mais la reconversion a fait des laissés-pour-compte", reconnaît Jean-François Barnier, le maire de la ville.
Sur place, les gens n'ont pas oublié les violences urbaines qui avaient miné la périphérie stéphanoise en 2009. Le calme est revenu, mais le trafic de drogue et la revente au noir de pièces détachées font toujours partie du paysage.
La municipalité tente pourtant d'écrire une nouvelle page, en s'appuyant notamment sur l'Europe pour y parvenir. Fait méconnu, l'UE intervient dans les quartiers en difficulté à travers la politique régionale, qui représente 14 milliards d'euros en France entre 2007 et 2013.
A l'image de dizaines d'autres collectivités françaises, l'agglomération de Saint-Etienne a déployé une série de projets urbains en lien avec les priorités européennes. Choix peu commun, elle a consacré un quart du fonds européen de développement économique régional à la culture, soit 1,35 million d'euros.
Ouverture du quartier
Par ce biais, Le Chambon, déjà sous contrat de cohésion sociale avec l'Etat (Cucs) a pu rénover un théâtre et créer une école des arts. L'emplacement choisi, qualifié de "difficile", n'emballait pas les foules, mais ce choix était délibéré : "Il fallait participer à l'ouverture du quartier", estime Jean-François Barnier.
L'UE tient à la dimension "intégrée" des projets, invitant ainsi les collectivités à opter pour une stratégie cohérente ancrée dans le territoire et qui réponde vraiment aux attentes des habitants. Au Chambon, les choix d'investissement ont été guidés par des enquêtes réalisées auprès de la population, puis des réunions de quartier ont été organisées afin de rendre les différents projets audibles.
Pour obtenir l'aide de l'UE, la mairie a dû s'engager, via un contrat avec le syndicat intercommunal, à donner aux publics défavorisés un accès prioritaire au centre. Le recrutement d'un animateur issu de la commune, et aujourd'hui en charge de projets musicaux avec les jeunes, faisait également partie des exigences européennes. Une tâche ardue pour la mairie, car "cela revenait à trouver un mouton à cinq pattes".
"Oeuvre d'imbéciles"
Mais le message semble passer : ouvert depuis deux ans, le centre culturel Albert-Camus accueille environ 500 personnes chaque semaine. Malgré les heurts économiques, l'Europe continue d'avoir bonne presse auprès des élus locaux. "L'aide européenne labellise l'établissement. Pour moi, c'est l'équivalent d'une médaille", poursuit Jean-François Barnier.
Certains sont à mille lieues de cette appréciation et il suffit de s'approcher des murs de l'école des arts pour voir qu'elle porte encore les stigmates d'un feu déclenché volontairement. La "médaille" du Feder, exhibée à l'entrée sous forme de plaque, est partie en fumée. "Cela fait deux fois que je la change", soupire Jean-François Barnier. Un acte délibéré contre Bruxelles ? "Non, l'œuvre d'imbéciles", conclut-il, même s'il en convient : "L'Europe a apporté énormément, ce n'est pas pour autant qu'il y a un sentiment d'appartenance."
Marie Herbet / EurActiv.fr
La complémentarité des outils français et européens
Pour lutter contre le chômage, la délinquance, le décrochage scolaire, ou pour réhabiliter les logements dégradés, les collectivités locales peuvent s'engager dans un contrat urbain de cohésion sociale (Cucs) signé avec l'Etat. Lancé en 2007, ce dispositif traverse une profonde période d'incertitude. Son maintien est garanti jusqu'en 2014 mais une refonte des quartiers éligibles, (principe de la "géographie prioritaire") est en cours. La tendance qui se dessine consisterait à resserrer l'action politique sur un nombre très restreint de territoires.
D'où la complémentarité avec les projets urbains intégrés, qui continueront de pouvoir être financés entre 2014 et 2020. Souvent portés par les communautés de communes, ils peuvent bénéficier à des territoires plus larges que ceux des Cucs et balayer des thématiques que ces derniers ne couvrent pas, comme la culture ou les technologies de l'information. Avec la logique européenne étalée sur sept ans, les collectivités ont le temps de penser voire de corriger en cours de route le contenu de leurs projets urbains. Un calendrier qui contraste avec le dispositif français, où le montage se fait sur un an. L'obtention de fonds européens (Feder pour les infrastructures et FSE pour l'emploi), reste en revanche beaucoup plus complexe.
M.H.