Sobriété aquatique : Amorce veut aider les collectivités à montrer l’exemple

L’association Amorce vient de publier un "plan d’urgence sobriété" sur l’eau à destination des collectivités territoriales, qui propose à la fois dix mesures d’urgence pour anticiper la sécheresse estivale qui s’annonce et dix mesures de moyen terme pour atteindre, de manière anticipée, l’objectif de réduction de 10% des prélèvements fixé par le plan Eau. L’association s’est en outre attelée à la rédaction d’une proposition de loi sur l’eau. Elle lance également un label "Territoire d’eau en transition écologique" pour encourager et valoriser l’engagement des collectivités en faveur de l’eau.

Forte du succès emporté cet hiver par son "plan d'urgence sobriété" énergétique dédié aux collectivités territoriales (voir notre article du 10 octobre 2022), l'association Amorce vient de publier ce 10 mai, toujours à l'attention de ces dernières, un "plan sobriété eau". Il est calqué sur le même modèle, avec dix mesures immédiates pour limiter la pression sur les ressources sur l'ensemble des usages : identifier les consommateurs et prélèvements principaux du territoire, établir un bilan des consommations des usages publics, engager une campagne de recherche de fuites, distribuer des kits d'économie d'eau et des cuves de récupération d'eau de pluie, etc. Autant de mesures déjà mises en œuvre par 70 collectivités adhérentes, réunies par l'association cet automne, après "l'été meurtrier", afin de bâtir ce recueil de bonnes pratiques pour "anticiper les conséquences dévastatrices d'une nouvelle sécheresse annoncée".

Ce plan comporte toutefois une nouveauté par rapport à son pendant énergétique : il propose également dix mesures de moyen terme, "essentielles" pour atteindre l'objectif minimum d'une réduction de 10% des prélèvements en eau d'ici 2030 (par rapport à 2019) affiché par le plan Eau présenté par Emmanuel Macron (voir notre article du 30 mars). "En l'état, cet objectif nous laisse un peu dubitatif, sa mise en œuvre, sa déclinaison, restant floues. Il fait l'objet d'un consensus mou, mais on a le sentiment qu'il n'y a plus personne dès que l'on rentre dans le concret. Personne ne n'en sent responsable, tout le monde s'en remettant aux autres. Nous avons de notre côté décidé de faire le job. Les collectivités territoriales doivent montrer l'exemple, sur le champ qu'elle maîtrise", explique Nicolas Garnier, délégué de l'association. Ce dernier se dit même convaincu que l'objectif est atteignable "dans les deux ans, voire moins". 

Une proposition de loi en préparation

Amorce n'entend pas en rester là. Faute d'un projet de loi que l'association appelle de ses vœux de longue date (voir notre article du 7 juillet 2021), elle a décidé de prendre les devants. "Nous travaillons à la rédaction d'une proposition de loi sur l'eau", prévient Benoît Jourdain, vice-président de l'association et vice-président du conseil départemental des Vosges. 
Évoquant les différentes missions parlementaires en cours sur le sujet, Nicolas Garnier relève en effet le paradoxe d'un "sujet dont tout le monde s'empare, mais que personne ne veut traduire en loi". À dire vrai, les choses devraient évoluer, plusieurs mesures du plan Eau nécessitant un véhicule législatif. Lors du colloque organisé ce 10 mai par l'association, en partenariat avec la Banque des Territoires, le député Thomas Cazeneuve aurait d'ailleurs repris l'idée d'un tel texte. "Outre la traduction législative de certaines mesures du plan — en incluant l'objectif de réduction de 10% des prélèvements, qui doit être contraignant —, il devra apporter beaucoup de pièces encore manquantes au puzzle", avertit Nicolas Garnier. 

Qualité, sobriété, tarification, gouvernance…

L'association suggère d'ores et déjà quelques pistes. "Nous croyons beaucoup dans la tarification incitative, différente de la tarification sociale. On parle beaucoup de premiers m3 pas chers. C'est important, mais il faut surtout rendre les derniers m3 très chers", explique Nicolas Garnier, en arguant "qu'avec la crise de l'énergie, on a vu que le signal prix fonctionnait, à la condition qu'il vise le bon maillon". Le délégué général préconise également de faire en sorte que "l'eau paye vraiment l'eau. Aujourd'hui, c'est un mirage. L'eau domestique paye l'eau. Le seul qui paye l'eau, c'est le citoyen !", insiste-t-il. Et de prendre l'exemple "de la redevance de prélèvement : 3 centimes par m3 pour les ménages, 0,06 centimes pour une centrale nucléaire". Une différence de traitement qui l'irrite d'autant plus que "les ressources financières des agences de l'eau sont fléchées vers le non-domestique à hauteur de 70%". "Si l'on alignait toutes les redevances sur les redevances domestiques, on estime qu'on générerait 1 milliard d'euros supplémentaires, dont on a par ailleurs grandement besoin", assure-t-il. Déplorant par ailleurs "le manque de courage à l'égard des pesticides, et autres micropolluants, microplastiques…", Nicolas Garnier plaide une nouvelle fois pour une véritable responsabilité élargie des producteurs (voir notre article du 22 octobre 2022).

L'association met encore en avant le besoin d'une nouvelle gouvernance. "Le modèle français compte de nombreux trous dans la raquette et doit être adapté", juge Benoît Jourdain. Nicolas Garnier se fait plus incisif : "On compte beaucoup de lieux où l'on se parle (voir notre article du 4 mai), mais où ne prend pas de décisions. In fine, le seul qui en prend, c'est le préfet avec les arrêtés sécheresse, dont l'administration elle-même convient que ce sont uniquement des mesures de sensibilisation."

L'association compte également défendre la mise en place d'un "pack eau" pour les Français dans le prochain projet de loi de finances, "comprenant récupérateur d'eau, mousseur…" — idée par ailleurs défendue par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu (voir notre article précité). "Quand on sait que la nouvelle réglementation des bâtiments ignore totalement ces outils, on se rend compte du chemin qu'il reste à parcourir", souligne-t-on.
 
 

  • Création d'un label "Territoire d'eau en transition écologique"

Afin d'encourager et de valoriser l'action des collectivités territoriales en faveur de l'eau, l'association Amorce a décidé la création d'un nouveau label, "Territoire d'eau en transition écologique". "Contrairement à l'État, beaucoup de collectivités agissent en faveur de l'eau. Mais leurs actions sont insuffisamment valorisées. Or il est important de leur donner de la visibilité, notamment auprès des citoyens", assure Frédéric Pronchéry, vice-président d'Amorce et également vice-président de la communauté de communes Saône-Beaujolais. Ce label, qui comportera deux niveaux, sera attribué en fonction de quatre critères : la réduction des tensions quantitatives sur la ressource en eau ; la protection de cette dernière des pollutions émergentes ; l'engagement des services publics de l'eau dans l'économie circulaire d'une part, dans la transition énergétique d'autre part. Les candidatures devront être déposées en juillet-août prochain, avec une première labellisation prévue lors du congrès d'Amorce en octobre. Les collectivités volontaires peuvent d'ores et déjà faire part de leur intérêt à l'association.