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Sports de nature : de nombreux départements se perdent en chemin

Obligation légale pour les départements depuis plus de vingt ans, le développement des sports de nature n'est toujours pas une compétence mise en œuvre sur tout le territoire. Des obstacles humains, financiers et juridiques subsistent encore. 

Le Pôle ressources national sports de nature (PRNSN) du ministère des Sports vient de publier la synthèse de son enquête sur la compétence sports de nature dans les départements lancée il y a tout juste un an. Ce travail rare – il n'avait plus été réalisé depuis 2013 – devait permettre d'établir un tableau complet et actualisé de l'action des départements en termes de développement des sports de nature. Or le travail du PRNSN réserve bien des surprises. Alors qu'aux termes de l'article L. 311-3 du Code du sport "le département favorise le développement maîtrisé des sports de nature" et à cette fin "élabore un plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature", dans la réalité, cette action prévue par la loi du 6 juillet 2000 est très loin d'être mise en œuvre partout sur le territoire national.

Nord contre sud

Première surprise en effet : seuls 85 départements déclarent mener des actions en matière de développement maîtrisé des sports de nature. Tandis que 12 départements indiquent ne pas en mener. Raison la plus souvent invoquée dans ce dernier cas : "l’absence de volonté politique" [sic]. Autre étrangeté de l'enquête : en métropole, les départements qui ne déclarent aucune action sont tous situés dans le tiers nord, du Morbihan au Haut-Rhin, en passant par l'Eure les Ardennes ou encore les Hauts-de-Seine.

Autre surprise : seuls 63 départements ont mis en place une commission départementale des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (CDESI)… également inscrite dans la loi du 6 juillet 2000. Ici, les raisons avancées pour expliquer la carence sont variées. Si l’absence de volonté politique est encore citée, il est aussi question de manque de moyens humains – un département consacre en moyenne 2,3 équivalents temps plein (ETP) aux sports de nature – ou du fait que le territoire n’identifie pas de besoins particuliers en la matière.

Parmi les CDESI existantes sur le papier, seules 52 sont dites "installées", c’est-à-dire qu’elles se sont réunies au moins une fois depuis leur création. Et six d'entre elles ont été créées il y a plus de dix ans sans jamais avoir été installées. En termes géographiques, c'est encore une France coupée en deux qui se dessine, avec au sud une proportion bien plus importante qu'au nord de CDESI créées et installées. Au même chapitre, on note un nouvel élément baroque : cinq départements déclarent n’avoir aucun élu du conseil départemental au sein de la commission. 

Pas plus rassurant : 52% des conseils départementaux qui ont installé une CDESI rencontrent des difficultés dans l'animation ou la mise en place de leur commission. Ici, les principaux freins identifiés sont avant tout la difficulté à mobiliser les élus, mais aussi la mobilisation des acteurs institutionnels hors pratiquants ou encore le manque de ressources humaines.

Risques juridiques

Quant au plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (PDESI), il pose également des problèmes. 68% des départements l'ayant mis en œuvre ou ayant lancé sa réalisation éprouvent des difficultés à le faire vivre. Au premier rang desquelles la pérennisation foncière et les finances – 43% des départements engagent un budget annuel inférieur à 50.000 euros en faveur des sports de nature. L'enquête pointe par ailleurs que, par rapport à 2013, le nombre de départements déclarant rencontrer des problèmes dans la mise en place du PDESI a augmenté de 12%.

Pourquoi cette frilosité des départements à mettre en œuvre une compétence pourtant obligatoire ? Si les aspects financiers et humains ont été mis en avant, reste la question épineuse de la responsabilité sans faute des propriétaires. Pour de nombreux départements, ce point est "le verrou qui empêche le développement structuré et durable des sports de nature". Le Parlement s'en était emparé en votant dans la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) un article qui prévoyait d'exonérer de leur responsabilité civile les propriétaires et gestionnaires de sites naturels pour les dommages causés dans le cadre de la pratique des sports de nature. Article censuré le 3 décembre 2020 par le Conseil constitutionnel qui a considéré que le sujet traité ne présentait pas de lien avec le projet de loi initial. Les promoteurs de cette exonération devront reprendre leur bâton de pèlerin…