Archives

Enfance - Stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes : où en sont les groupes de travail ?

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a auditionné, le 24 janvier, Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Nommé le 15 novembre dernier (voir notre article ci-dessous du même jour), celui-ci a notamment pour mission de piloter la concertation destinée à élaborer la stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes (voir notre article ci-dessous du 5 décembre 2017). Devant les députés de la commission, le délégué a apporté plusieurs précisions sur l'avancement des travaux et les premières pistes de réflexion des groupes de travail, tout en prenant soin de préciser que rien n'était encore arbitré.

Pas de retour à une politique des publics, mais une "inflexion" sur les jeunes

La concertation pilotée par Olivier Noblecourt comprend quatre composantes : une consultation publique en ligne sur un site dédié qui a déjà recueilli près de 3.000 contributions (voir notre article ci-dessous du 16 janvier 2018), une concertation dans les territoires (dix journées de rencontres programmées de décembre 2017 à mars 2018), six groupes de travail thématiques chargés de formuler des propositions d'actions et, enfin, "la mobilisation d'experts", notamment le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, sollicité tout au long de la concertation.
Le délégué interministériel a souligné les délais serrés de la démarche : les groupes de travail doivent en effet rendre leurs préconisations au début du mois de mars. La stratégie devrait alors être annoncée "dans la foulée".
Face aux interrogations sur un possible recentrage des politiques de lutte contre la pauvreté sur le seul cas des enfants et des jeunes, Olivier Noblecourt a tenu à rassurer : il ne s'agit pas de revenir à une "politique de publics", ni de "créer un grand soir des politiques sociales" qui remettrait en cause les politiques de ces dernières années. Il s'agit en revanche d'apporter "une inflexion" sur le public des jeunes et des enfants, dans la mesure où "c'est aujourd'hui le public qui est le plus directement victime de la pauvreté",

Le modèle d'accueil de la petite enfance "manque d'universalité"

Le délégué a ensuite passé en revue l'état des réflexions, des différents groupes de travail. Sur la petite enfance, le modèle d'accueil "manque d'universalité", car il n'offre pas la même chance d'accès aux établissements d'accueil du jeune enfant (Eaje). Olivier Noblecourt a reconnu au passage l'échec, pour diverses raisons, du plan des 200.000 places supplémentaires piloté par la Cnaf, évoquant même "des résultats très faibles" par rapport aux objectifs de la convention d'objectifs et de gestion (COG) de la branche Famille. Il convient également de travailler l'articulation entre les Eaje et l'école maternelle. Il ne semble pas en revanche envisagé la mise en place d'un droit opposable en matière de modes de garde, comme l'a fait l'Allemagne pour rattraper son retard en la matière.
Sur l'accès à l'autonomie des jeunes, le premier objectif est d'élever le niveau de qualification et de mieux travailler à la lutte contre le décrochage et à l'amélioration du parcours d'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Sur ce point, le délégué a rappelé que la France comptait environ 800.000 jeunes "Neets" ("Neither in Employment Education or Training" ou "ni en emploi, ni en études, ni en formation"). Des réflexions sont menées au sein du groupe sur l'extension de la garantie jeunes, sur sa finalité et son impact, ainsi que sur l'accès au logement.

Des politiques de prévention à relancer

Sur les politiques de prévention, Olivier Noblecourt constate que "tout le monde est pour" mais que "ces politiques ont perdu progressivement une partie de leurs moyens d'intervention". Elles nécessitent donc aujourd'hui "des impulsions nouvelles", comme c'est le cas avec le plan Logement d'abord ou la stratégie nationale de santé. Il importe aussi de mieux mobiliser la médecine scolaire. Une autre idée est de travailler sur "la solvabilisation des biens essentiels et de remobiliser un certain nombre de politiques publiques le plus en amont possible des difficultés sociales".
Sur l'accès aux droits, thème du quatrième groupe de travail, il s'agit notamment de contrer l'idée, liée souvent à la méconnaissance des droits, que "notre modèle social ne bénéficierait pas à tous". Cela suppose de travailler sur les système d'information des caisses de sécurité sociale et sur le "data mining", mais aussi de favoriser une présence renforcée sur le terrain, au plus près des familles.

"Avoir une logique d'efficience dans les politique sociales"

Sur l'accompagnement renforcé - autrement dit la prise en charge des situations de grande exclusion -, le premier enjeu est celui de l'hébergement d'urgence (qui accueille ces dernières années de plus en plus de familles) et de l'accès au logement. L'objectif majeur est d'évoluer vers des solutions plus durables mais aussi, en attendant, de faire en sorte que ces situations d'hébergement d'urgence "soient le moins possible attentatoires au développement et à l'épanouissement des enfants". Au-delà des publics dits "traditionnels", le groupe de travail s'attache aussi à la question des "publics invisibles", en particulier dans les territoires de la politique de la ville ou dans le monde rural.
Enfin, sur la territorialisation des politiques sociales, l'idée directrice - "facile à énoncer, mais difficile à réaliser" - est de faire porter ces politiques par les acteurs eux-mêmes et donc de partir des réalités et des besoins des territoires. Ceci suppose notamment d'adapter les politiques, les outils et les dispositifs d'accompagnement. Tout l'enjeu est "de faire confiance aux acteurs et de leur laisser la main".
Olivier Noblecourt a cité d'autres sujets évoqués "de manière transversale", comme la question de l'isolement et des liens sociaux. Par ailleurs, la stratégie "ne pourra pas faire l'économie d'une très forte dimension évaluative. [...] Il faut faire aujourd'hui une grande place à l'éthique de responsabilité et donc accepter de faire la preuve [...] et d'avoir une logique d'efficience dans les politiques sociales".