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Terra Nova : comment concilier transition écologique et souveraineté alimentaire

Faire coïncider les objectifs de transition écologique de l'agriculture avec ceux de la souveraineté alimentaire. C'est l'objet de la note de Terra Nova "Souveraineté alimentaire et transition écologique : un projet pour l'agriculture française" publiée le 23 février. Le groupe de réflexion avance une vingtaine de propositions pour répondre à cet enjeu. Dont celle d'un "contrat social pour notre alimentation" à décliner sur les territoires.

Comment conduire la transition écologique de l'agriculture en garantissant la souveraineté alimentaire de la France ? Terra Nova avance plusieurs propositions dans une note publié le 23 février intitulée "Souveraineté alimentaire et transition écologique : un projet pour l'agriculture française".

Le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, l'a récemment fait valoir devant ses homologues européens : pour le secteur agricole, la transition écologique prend aujourd'hui la forme d'un ensemble de contraintes - notamment à travers la mise en œuvre des stratégies "Biodiversité" et "De la ferme à la table" - qui risquent de provoquer des concurrences déloyales et des conséquences lourdes en matière de baisse de la production agricole française, hausse des prix et augmentation des importations (voir notre article du 23 février).

"C'est le reste du monde qui contribue à nous nourrir plutôt que l'inverse"

La note de Terra Nova pose donc la question de la reconquête de notre souveraineté alimentaire, une problématique mise en exergue par la crise covid. "En réalité, aujourd'hui, malgré toutes nos exportations, c'est le reste du monde qui contribue à nous nourrir plutôt que l'inverse", déplore le think tank, chiffres à l'appui.

Face à ces problématiques, il propose d'ouvrir plusieurs chantiers, dont la construction d'un nouveau "contrat social pour notre alimentation". Un contrat qui viserait à réguler les problèmes de méthodes et de gouvernance à l'œuvre actuellement. "Le secteur agricole et agroalimentaire est en retard par rapport à d'autres secteurs économiques : il n'y a pas de vision partagée entre les acteurs sur ce qu'il faut faire avant même de parler de comment le faire", insiste la note. Qui propose de négocier un projet et une vision au niveau national, impliquant les grands acteurs et les filières, sous la forme d'assises et sur la base d'une feuille de route collective, et de construire des accords et compromis au niveau des bassins de production régionaux et des territoires sur une logique de contractualisation.

"La négociation doit se déployer à l'échelle des territoires autant qu'à l'échelle nationale"

"Il semble évident que la négociation doit se déployer à l'échelle des territoires autant qu'à l'échelle nationale, les enjeux ne sont pas partout les mêmes, les problématiques de l'élevage porcin en Bretagne, des céréaliers de la Beauce, des cultures fruitières du Sud-Est ou du maraîchage dans le voisinage des métropoles ont peu de points communs, détaille le document, en outre il est parfois plus facile au niveau local de donner la parole aux nouveaux entrants et aux nouveaux entrepreneurs agricoles et de mobiliser l'ensemble des corps sociaux et professionnels concernés". Les régions, qui ont les moyens et la capacité de faire entrer dans la discussion les acteurs concernés, seraient en charge de l'organisation du processus. "La région désignerait pour cela une équipe pilote autour d'une personne inclusive qui associerait, pour mener l'opération, des experts et des moins experts".

Autre chantier : décarboner la production agricole et enrayer le déclin de la biodiversité. Dans ce cadre, les quatre auteurs de la note * proposent de réorienter progressivement l'ensemble des soutiens publics à l'agriculture qui ne sont pas compatibles avec la préservation de l'environnement, y compris les aides de la PAC, de faciliter le portage du foncier et des exploitations par des fonds publics ou privés et de mettre en place des tableaux de bord par filière, avec des indicateurs de suivi des évolutions des pratiques.

Favoriser le consommer local

La transition alimentaire progressive et juste constitue un autre chantier. Il s'agirait notamment de négocier avec les distributeurs un engagement volontaire à proposer au moins 70% de produits "origine France" sur les produits agricoles non transformés d'ici 2027 pour favoriser le consommer local et de fournir aux consommateurs une information sur l'impact de leurs choix alimentaires sur le climat et la biodiversité. Le rapport recommande aussi de procéder à des "coups de pouce" au pouvoir d'achat, sous forme de chèques verts ou de bonification des chèques restaurants sous condition environnementale, pour soutenir l'accès à une alimentation saine et durable.

En matière d'adaptation au changement climatique de la production agricole, la note propose de saisir l'opportunité du plan France 2030 en dirigeant les financements disponibles pour, notamment, "améliorer la productivité de l'agroécologie" via "les solutions fondées sur la nature et non uniquement sur le progrès technique". Le dernier chantier, celui de la politique commerciale, imposerait la généralisation de l'application des clauses miroirs, les mêmes règles sanitaires s'appliquant à l'importation de produits agricoles également produits dans l'union européenne et la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux dans la négociation des accords de libre-échange par la Commission européenne.

* Mathias Ginet (haut-fonctionnaire), Faustine Gaymard (cadre dans le secteur de la transition écologique), Thierry Pech (directeur général de Terra Nova), Baptiste Perrissin Fabert (économiste).