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Tirs croisés contre la nouvelle mouture du plan loup

Présentées le 28 mai, les nouvelles mesures de mise en œuvre du plan national d'actions sur le loup et les activités d'élevage prévoient d'augmenter le nombre de loups pouvant être tués et de renforcer la protection des troupeaux. Mais elles ne satisfont ni les éleveurs, ni les défenseurs de cet animal protégé.

Lors d'une réunion qui s'est tenue à Lyon ce 28 mai, le préfet d'Auvergne-Rhône-Alpes, également préfet coordonnateur du dossier loup, a présenté de nouvelles mesures destinées à faire face à l'expansion de l'espèce en France. S'il faudra encore patienter jusqu'en juin pour connaître le nombre exact de loups adultes à la sortie de l'hiver, on sait déjà que le seuil de 500 adultes prévu par le plan national d'actions sur le loup et les activités d'élevage (PNA) en 2023, qui correspond au seuil de "viabilité démographique", devrait être atteint dès 2019.
La progression du "Canis lupus" classé vulnérable sur la liste rouge française de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), est plus rapide que prévue. Sa population a progressé d'environ 20% en 2018, alors que le niveau de tirs s'est élevé à plus de 12%, selon l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Ces carnivores, éradiqués dans les années 1930 et revenus naturellement par l'Italie dans les années 1990, se concentrent dans les Alpes, le Sud-Est et l'Est. En 2018, 3.674 attaques ont eu lieu contre plus de 12.500 animaux, principalement des ovins. Ces attaques se concentrent sur les Alpes-Maritimes, les Alpes-de-Haute-Provence et la Savoie où l'été, des centaines de milliers de bêtes vont dans les alpages.

Relèvement du plafond des prélèvements

Dans ce contexte, le groupe national loup a décidé le 28 mai de prendre de nouvelles mesures pour la mise en œuvre du PNA 2018-2023. La disposition la plus symbolique est le relèvement du plafond de loups pouvant être tués, comme annoncé en mars dernier par Emmanuel Macron : de 10% de la population en 2018, les prélèvements sont fixés à 17% en 2019, avec le maintien d'une possibilité de majoration de 2% en cas de "persistance de la pression de prédation" selon les termes du communiqué commun des ministres de la Transition écologique et de l'Agriculture. Un projet d'arrêté mis en consultation, qui a déjà suscité de très nombreux commentaires, prévoit aussi de revoir les conditions dérogatoires permettant d'effaroucher ou de tuer des loups, même si l'espèce est protégée au niveau français et européen.L'Etat finance actuellement des dispositifs de protection dans les zones de prédation (parcs électrifiés, chiens, gardiennage par des bergers). Il existe deux types de zones en fonction de la fréquence des attaques. Il est prévu d'en ajouter une troisième, un "cercle 0" pour les communes où 15 attaques ou plus ont eu lieu en moyenne sur la période 2016-2018. "Les communes ou parties de communes enclavées entre des communes ou parties de communes du "cercle 0" ou qui sont limitrophes de telles communes ou qui comprennent une entité pastorale en cohérence avec ces dernières peuvent être incluses dans le cercle 0 dès lors que le risque de prédation y est élevé", précise le projet d'arrêté qui indique aussi qu'il appartiendra au préfet coordonnateur du PNA de déterminer par arrêté la liste des communes qui constituent le "cercle 0". Dans ces foyers de prédation, les mesures de protection seront renforcées pour permettre un gardiennage 24h/24 des troupeaux par des bergers.
Les conditions dans lesquelles sont effectués les tirs dans certaines zones sont facilitées, pour les rendre plus efficaces et des tirs pourront avoir lieu dès le 1er juillet, contre septembre auparavant.
"Les montants d'indemnisation pour les animaux d'élevage attaqués par le loup seront revalorisés afin de correspondre au mieux à la réalité des pertes économiques subies par les éleveurs", ajoutent les ministères de la Transition écologique et de l'Agriculture.
Dans les zones de colonisation, les éleveurs auront une aide financière pour se doter de chiens de berger. Les démarches administratives pour le financement de mesures de protection (bergers, chiens, clôtures) et les indemnisations en cas d'attaques seront simplifiées.

Mécontentement des éleveurs et des associations de défense de l'environnement

En Aveyron, Tarn, Hérault et Lozère, départements de production du Roquefort, une "zone difficilement protégeable" a été définie. Les procédures d'autorisation de tirs y sont simplifiées, même en l'absence de mesures de protection des troupeaux, une "gestion différenciée" que la Fédération nationale ovine (FNO) rejette. Pour la FNO, la FNSEA ou encore la Fédération nationale bovine (FNB), "le compte n'y est toujours pas", selon un communiqué commun. Ils réclament la suppression du plafond de prélèvement, la possibilité pour les éleveurs de tirer "sans conditions", ainsi que "le prélèvement de meutes entières", pour aboutir à "zéro attaque".
Pour les associations environnementalistes, en revanche, multiplier les tirs n'est pas la bonne solution. "Tout ce qui concerne la protection des troupeaux n'avance pas", déplore Bertrand Sicard de l'association de protection des grands prédateurs Ferus. Il demande une évaluation de l'efficacité des tirs, pour savoir s'ils peuvent perturber la structure sociale des loups en meute et leur stratégie de chasse. "On rentre dans un processus de régulation de l'espèce", dénonce de son côté Marie-Paule Thiersant, de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), associée en tant qu'ONG aux consultations, à ses yeux incompatible avec le statut d'espèce protégée.

 

 

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