Tri à la source des biodéchets : des associations réclament des objectifs contraignants pour les collectivités

Déplorant que seul un quart des Français disposera d’une solution de tri à la source des biodéchets le 1er janvier prochain, date à laquelle celui-ci deviendra obligatoire, trois associations environnementales appellent le gouvernement à fixer aux collectivités des objectifs contraignants de diminution de ces déchets dans les ordures ménagères résiduelles, et des sanctions "dès 2024" pour celles n’ayant mis en place aucun plan d’action.

"Au 1er janvier, seul un quart des Français auront à leur disposition une solution de tri à la source grâce à leur collectivité", s’alarment les associations France Nature Environnement (FNE), Réseau compost citoyen (RCC) et Zero Waste France (ZWF), à 100 jours de l’entrée en vigueur de l’obligation de tri à la source des biodéchets. "De trop nombreuses collectivités affichent un retard préoccupant", alerte le trio, en soulignant que "seules une centaine de collectivités proposent actuellement une collecte séparée des biodéchets aux ménages, couvrant seulement 6,2% de la population française". Il relève encore que "si davantage de collectivités soutiennent des actions de compostage de proximité, ces actions desservent rarement plus de 38% de la population, même dans les collectivités les plus ambitieuses".

Ces données sont quelque peu datées – les premières sont issues d’une étude de l’Ademe portant sur l’année 2019, les secondes d’une enquête de l’Ademe conduite auprès d’un échantillon de 110 collectivités entre fin octobre 2020 et mi-février 2021. Des efforts ont depuis été mis en œuvre, comme en témoigne une autre étude publiée cet été (voir notre article du 1er septembre), dans laquelle l’Ademe relève que "près de 7 collectivités sur 10 soutiennent le compostage domestique" et qu’environ 300.000 composteurs ont été distribués par les collectivités en 2021. L’effort reste toutefois insuffisant.

Des collectivités procrastinatrices ?

Les associations ne sont guère amènes à l’endroit des collectivités. "Cela fait huit ans que les collectivités savent qu'elles doivent mettre [le dispositif] en place. L'heure n'est plus à la procrastination, il faut que l’État et les collectivités redoublent d'efforts, et vite !", s’insurge Juliette Franquet, directrice de ZWF. "Les collectivités ont eu huit ans pour se préparer et tester différents dispositifs. L’heure n’est plus à l’expérimentation. Les solutions existent", lui fait écho sa collègue Pauline Debrabandere. Et les associations de rappeler que "la généralisation du tri à la source des biodéchets est inscrite dans la loi depuis 2015, et l’échéance pour sa mise en œuvre est connue depuis la transposition de la réglementation européenne dans la loi Agec en février 2020". Les associations mettent toutefois en avant quelques bons élèves : Lorient Agglomération (qui valoriserait 38kg de biodéchets par an et habitant), Grenoble Alpes Métropole (pas de résultat communiqué), Besançon et sa région (idem) ou encore le syndicat mixte de Thann-Cernay, dans le Haut-Rhin (qui collecterait annuellement entre 57 et 60kg de biodéchets par habitant). D’après une étude de l’Ademe publiée cet été, la collecte séparée des biodéchets atteignait en 2021 en moyenne en France 19 kg/habitant (17 en 2019). 

Obligation de résultat, voire sanctions financières

D’aucuns pourraient considérer que les collectivités ne sont pas seules en cause dans cet échec. Évoquant le compostage de proximité, les associations elles-mêmes constatent qu’"y compris dans les communes les plus ambitieuses, la participation des habitants reste limitée". Mais la faute en incombe selon elles non à ces derniers, mais d’abord aux pouvoirs publics, "qui doivent tout mettre en œuvre pour que ce tri à la source fonctionne et que les citoyens y participent".

ZWF invite ainsi le gouvernement à prendre par un décret et/ou un arrêté précisant "comment ce tri doit être assuré par les collectivités, avec des objectifs quantitatifs clairs de détournement des biodéchets de la poubelle d’ordures ménagères résiduelles (OMR)". Elle propose concrètement, soit de "fixer des seuils quantitatifs pour baisse progressive de la quantité de biodéchets dans les OMR" – au maximum 25 kg/habitant/ an d’ici 2030 et 15/kg/habitant/an d’ici 2035 –, soit de "fixer des objectifs contraignants de réduction des quantités de biodéchets présents dans les OMR au niveau local" (75% de réduction d’ici 2030 par rapport à la quantité présente avant mise en place du tri à la source). L’association "insiste pour que ce décret ou arrêté d’application soit contraignant à l’égard des collectivités, et leur fixe une obligation de moyens et de résultat". Elle réclame encore l’application de sanctions financières dès 2024 pour les collectivités n’ayant mis en place aucun plan d’action en la matière.

Problèmes économiques mais aussi défaut d'acceptabilité des citoyens

La situation est connue. La Commission européenne a déjà tiré le signal d’alarme au début de l’été (voir notre article du 8 juin). L’association Amorce soulignait elle-même il y a peu que l’objectif ne pourrait être atteint (voir notre article du 28 juin). Pourtant, déployer le tri à la source, les collectivités n’y sont nullement hostiles. Une enquête conduite par l’Association des petites villes de France (APVF) avait montré il y a deux ans que près de 90% des communes interrogées y étaient même favorables (voir notre article du 29 novembre 2021). Mais les freins au déploiement du dispositif ne manquent pas. Ladite étude souligne que le principal ne tient pas à un manque de volonté des élus, mais d’abord à des raisons économiques (pour 35% des sondés) – largement exposées par Amorce – et à un défaut d’acceptabilité/adhésion des citoyens (33%). Dans une réponse à un rapport de la Cour des comptes de l’an passé (voir notre article du 28 septembre 2022), l’Association des maires de France (AMF) jugeait pour sa part que cette situation tenait "essentiellement à la faiblesse des débouchés. Depuis presque un an, les collectivités attendent une modernisation des normes ‘‘compost’’ qui serait de nature à sécuriser les utilisateurs et les producteurs de compost. En fait les différents ministères concernés (en particulier ceux de l'environnement et de l'agriculture) ne semblent pas arriver à trouver un accord sur les normes nécessaires". Un an après, le constat reste toujours valable. L’AMF mettait également en avant "l'impossibilité d'implanter des installations de méthanisation. Alors que l'économie circulaire commence à intéresser le public, il est encore plus difficile de faire accepter les installations nécessaires aux riverains", relevait-elle.