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Cour des comptes - Un bilan jugé "mitigé" pour l'opération Campus, 10 ans après son lancement

Dans son rapport annuel publié le 7 février 2018, la Cour des comptes tire un bilan en demi-teinte de l’opération Campus. L'opération se terminera en 2023, soit six ans après la date de fin prévue initialement. Elle devrait avoir un impact sur environ 15% des surfaces totales des universités concernées. Ce bilan intervient alors qu’on ne sait pas encore comment le gouvernement actuel entend poursuivre la réforme sur la dévolution du patrimoine universitaire, qui vise à confier aux universités la gestion de leur patrimoine immobilier et foncier.

Dans le cadre de l’opération Campus (ou plan Campus) lancée en février 2008, 21 sites universitaires avaient été retenus après des appels à projets nationaux (dix sites principaux choisis en 2008, et onze nouveaux sites retenus par la suite). Objectifs : rénover le patrimoine universitaire, constituer des sites d'envergure internationale, accompagner le mouvement de réforme de l'enseignement supérieur tel qu'engagé par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) du 10 août 2007, favoriser les regroupements d'établissements et améliorer la vie de campus. Mais "dix ans après son annonce, l'opération est loin d'être terminée", signale la Cour des comptes dans son rapport annuel publié le 7 février 2018.
Au total, un quart des opérations principales seulement ont été livrées en 2017. Le projet prévoyait le lancement de 58 chantiers dès la fin 2010. L'opération Campus devrait prendre fin en 2023, alors que l'achèvement était prévu en 2017. Au cœur de ces retards : l'impréparation des universités à faire face à des projets de cette ampleur, des tergiversations sur les modalités de réalisation et le manque de précision des dossiers présentés. L'opération est financée par les intérêts générés par la dotation de base, qui s'élève à 5 milliards d'euros, soit 201 millions d'euros par an.

Des objectifs stratégiques oubliés en chemin

Au-delà du retard, la cour entend aussi démontrer que les objectifs stratégiques, et notamment l'idée de créer des sites d'envergure internationale et de favoriser les regroupements, auraient été oubliés en chemin… Parmi les onze projets de campus innovants ou prometteurs retenus par la suite, "six concernaient des universités isolées n'ayant pas de projet de regroupement ou dont on peut s'interroger sur la visibilité internationale : Cercy-Pontoise, Dijon, Le Havre, Nantes, Nice et Valenciennes", indique le rapport.
D'autres projets, comme les universités du centre de Paris, ne répondaient pas aux critères, mais ont été retenus en raison de l'importance de leur patrimoine immobilier ou de leur situation particulière dans la capitale. "Cette opération s’est ainsi banalisée dès la fin du processus de sélection", assure la Cour des comptes. L'idée d'organiser la dévolution du patrimoine de l'Etat aux universités, comme une nouvelle étape de leur autonomie, prévue dans le projet initial, aurait elle aussi été abandonnée.

Un partenariat public-privé pas toujours adapté

Par ailleurs, l'objectif initial du plan Campus était de compléter l'effort budgétaire déjà consenti par l'Etat au titre des contrats de plan Etat-région (CPER). Mais finalement ces financements se sont substitués en partie aux crédits budgétaires de l'Etat et le caractère exceptionnel du financement que représentait l'opération Campus n'a pas été maintenu dans la durée, l'Etat réduisant sa participation dans les CPER.
Autre problème signalé par la cour : la nécessité imposée aux projets de recourir au partenariat public-privé qui finalement n'était pas adapté à tous les sites. "En faisant a priori du contrat de partenariat le mode obligé de réalisation de projets qui n’étaient pas encore formulés, les pouvoirs publics ont abusivement présumé du respect des critères permettant d’y recourir", détaille la cour, mettant en avant le risque de surcoût que représente ce mode de financement, qui engage financièrement les établissements sur 25 ans avec le même partenaire, et le manque de compétences spécifiques nécessaires pour gérer ces contrats.

Un impact sur environ 15% des surfaces

La Cour des comptes identifie toutefois quelques éléments positifs. Globalement, et une fois que toutes les opérations seront livrées, l'opération Campus aura eu un impact sur environ 15% des surfaces totales des universités concernées, dont 40,8% étaient en état moyen ou dégradé. Le bénéfice sera même très important pour certaines universités comme celle de Lyon pour qui les opérations menées ou à venir vont améliorer plus de 40% de la surface totale.
Mais même sur ce point positif, la cour relativise : "Les 21 sites retenus ne représentent que les deux tiers des surfaces de l'immobilier universitaire et la totalité de leur patrimoine n'a pas été concernée par l'opération Campus", indique ainsi le rapport. Les améliorations de la vie de campus qui avaient été ciblées "n'ont pas été aussi prioritaires qu'annoncé", souligne-t-il. En revanche, elles "ont en réalité bénéficié du retard des opérations principales", les intérêts financiers produits et non utilisés leur étant affectés.

Une stratégie patrimoniale universitaire déclinée par site ?

Pour la Cour des comptes, "l'Etat doit s'organiser pour répondre à l'enjeu de l'entretien des bâtiments nouveaux ou rénovés, afin de ne pas perdre le bénéfice de cet investissement massif". La cour recommande à l'Etat de définir une stratégie patrimoniale universitaire déclinée par site, inscrite dans le contrat pluriannuel conclu avec les établissements d'enseignement supérieur. Charge au ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation d'articuler la politique de dévolution du patrimoine avec la mise en œuvre du plan Campus, et aux établissements de définir la stratégie immobilière, d'en faire un volet du contrat pluriannuel conclu avec l'Etat.
En réponse à ces recommandations, le ministère a signalé que la dévolution était un "acte de volonté" des établissements qui ne peut être imposé à des sites Campus qui ne le souhaiteraient pas. L'ancien gouvernement avait lancé en décembre 2015 une réforme visant à confier aux universités la gestion de leur patrimoine immobilier et foncier, mais difficile de savoir pour le moment si le gouvernement actuel compte poursuivre dans cette voie.
En outre, le ministère partage l'idée développée par la cour du maintien d'un financement récurrent, comme celui mis en place à travers l'opération Campus, "qui permet aux porteurs de projets de disposer d'une visibilité sur leurs ressources et de les programmer de façon pluriannuelle".

 

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