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Un décret lance la réforme des modes d'accueil de la petite enfance

Pris en application de l'ordonnance du 19 mai dernier relative aux services aux familles, un décret du 30 août porte l'essentiel de la réforme des modes d'accueil de la petite enfance, en préparation depuis près de deux ans. Ce texte particulièrement volumineux (18 pages) traite notamment des obligations des assistantes maternelles en matière de déclaration de leurs places disponibles, des traitements et soins médicaux des enfants pris en charge par des professionnels d'un mode d'accueil du jeune enfant, de la réglementation commune aux établissements d'accueil du jeune enfant et des crèches collectives.

Pris en application de l'ordonnance du 19 mai dernier relative aux services aux familles (voir notre article du 20 mai 2021), un décret du 30 août porte l'essentiel de la réforme des modes d'accueil de la petite enfance, en préparation depuis près de deux ans (voir nos articles ci-dessous). Ce décret de 18 pages est complété par deux autres décrets et arrêtés parus également au mois d'août et traitant principalement des relais petite enfance et des obligations déclaratives des assistantes maternelles et des établissements d'accueil du jeune enfant (Eaje) en matière de disponibilités des places (voir notre article du 1er septembre 2021).

Des clarifications attendues sur la délivrance des traitements et soins

Le premier titre du décret, qui en compte neuf, traite des obligations des assistantes maternelles en matière de déclaration de leurs places disponibles. Son contenu a été évoqué dans notre article du 1er septembre consacré à cette question. Le titre II est consacré aux traitements et soins médicaux des enfants pris en charge par des professionnels d'un mode d'accueil du jeune enfant. Il s'agit là d'une question très prégnante et récurrente dans les Eaje et chez les assistantes maternelles. L'article 2 du décret insère donc une disposition spécifique dans le Code de la santé publique. Celle-ci liste les professionnels autorisés, "à la demande du ou des titulaires de l'autorité parentale ou représentants légaux", à administrer des soins ou traitements, ainsi que les conditions préalables : maîtriser la langue française et se conformer aux modalités de délivrance de soins spécifiques, occasionnels ou réguliers, précisées dans le protocole écrit annexé au règlement de fonctionnement de l'Eaje et qui lui ont été expliquées par le référent "Santé et accueil inclusif".

Dans le cas d'une assistante maternelle ou d'une garde à domicile, ces précisions doivent figurer dans une annexe du contrat de travail, qui peut être élaborée avec le concours du service départemental de PMI. Le décret précise également les vérifications préalables avant d'administrer un traitement ou un soin (par exemple s'assurer que le médecin n'a pas expressément prescrit l'intervention d'un auxiliaire médical) et prévoit que "chaque geste fait l'objet d'une inscription immédiate dans un registre dédié", avec un certain nombre d'indications.

Des dispositions communes à tous les Eaje

Le titre III est au cœur de la réforme, puisqu'il est consacré à la réglementation commune aux établissements d'accueil du jeune enfant. Son article 3 aligne les obligations des établissements accueillant des enfants scolarisés de moins de 6 ans à l'occasion de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs sur celles des Eaje proposant un accueil saisonnier ou ponctuel. Il reprend, en l'adaptant, la liste des établissements et services d'accueil non permanent de jeunes enfants : crèches collectives (y compris haltes garderies), jardins d'enfants et crèches familiales. Disparaissent ainsi de l'énumération précédente, du moins nommément, les crèches parentales et les micro-crèches. Il est en revanche toujours prévu qu'un établissement puisse être multi-accueil. Autre nouveauté, dans le sens d'un accueil plus inclusif : il est précisé que ces établissements "offrent, avec le concours du référent 'Santé et Accueil inclusif', un accueil individualisé et inclusif de chacun des enfants, notamment de ceux présentant un handicap ou atteints d'une maladie chronique, grâce à un accompagnement spécifique dans le cadre de locaux adaptés. Ils favorisent la socialisation des enfants au sein de collectifs de taille adaptée aux activités proposées".

Procédures d'autorisation : la simplification se fait attendre

Pour sa part, le long article 5 modifie les procédures d'autorisation des Eaje. Malgré l'ambition affichée par la notice du décret ("le décret simplifie la réglementation relative aux établissements d'accueil du jeune enfant"), les différences apparaissent relativement limitées. Les documents demandés restent globalement les mêmes. En revanche, il est précisé que le refus d'ouverture par le président du conseil départemental doit être motivé. Le décret apporte également des précisions sur le mécanisme de l'autorisation délivrée à titre conditionnel (si certains éléments, comme le nom et la qualification du directeur, ne sont pas encore connus).

Par ailleurs, il n'est plus mentionné qu'à réception du dossier complet, le président du conseil départemental "sollicite l'avis du maire de la commune d'implantation", même si on imagine mal une absence d'échanges sur la question. Cette obligation de consultation n'avait au demeurant guère de sens pour les projets portés par la commune ou par l'intercommunalité. Ce même article détaille également les indications qui doivent figurer sur l'autorisation délivrée par le président du conseil départemental.

Une possibilité de dépassement de 115% de la capacité autorisée

L'article 6 détaille, de façon beaucoup plus poussée que la rédaction antérieure, le rôle du médecin responsable du service départemental de PMI dans le contrôle des établissements d'accueil (la liste des informations demandées fera l'objet d'un prochain arrêté) et précise les obligations d'information du gestionnaire de la structure vis-à-vis du département. Mais la disposition la plus attendue – et la plus contestée – de cet article concerne le taux d'occupation des Eaje. Il prévoit que le nombre maximal d'enfants accueillis simultanément peut atteindre 115% de la capacité d'accueil prévue par l'autorisation du président du conseil départemental dans les crèches collectives, haltes garderies et jardins d'enfants. Initialement, la réforme prévoyait de porter ce taux à 120%. Contrairement aux dispositions antérieures, il n'y a plus de seuils de dépassement différents selon la capacité d'accueil, mais cette possibilité de dépassement temporaire de la capacité autorisée reste toutefois encadrée par un certain nombre de limites temporelles.

L'article 6 se montre également beaucoup plus détaillé sur les locaux et leur aménagement. Les locaux doivent à la fois permettre la mise en œuvre du projet d'établissement ou de service, permettre l'accueil inclusif des enfants présentant un handicap ou atteints d'une maladie chronique, favoriser l'accueil des titulaires de l'autorité parentale ou représentants légaux et l'organisation de réunions pour le personnel... L'article précise aussi la notion d'unité d'accueil, définie comme "un espace aménagé pour offrir de façon autonome aux enfants qui y sont accueillis l'ensemble des prestations et des activités prévues par le projet d'établissement".

L'article 6 reprend également, sans les modifier sensiblement, les dispositions relatives au projet d'établissement ou de service, ainsi qu'au règlement de fonctionnement et leurs annexes. Ces documents doivent être transmis au président du conseil départemental après toute modification et être tenus à disposition des familles.

Le rôle du référent "Santé et accueil inclusif"

Pour sa part, le très long article 7 modifie pas moins de seize articles du Code de la santé publique sur les Eaje. Il précise ainsi les conditions de vérification d'éventuels antécédents judiciaires des personnes dont le recrutement est envisagé et les incompatibilités en la matière. Il prévoit également l'obligation,  pour les gestionnaires d'Eaje, de garantir leurs salariés et les bénévoles contre les conséquences de leur responsabilité civile à l'occasion des dommages qu'ils peuvent causer aux enfants ou que ces derniers peuvent causer à autrui. Ce même article reprend également les conditions requises pour exercer les fonctions de directeur d'un établissement ou service d'accueil de jeunes enfants, sans distinguer désormais selon la taille de la structure. Il donne aussi la – longue – liste des titres et fonctions permettant d'accéder au poste de directeur adjoint, avec pas moins de douze cas de figure. Par ailleurs, une nouvelle disposition limite à trois la capacité des établissements et services, chacun d'une capacité inférieure ou égale à 24 places, que peut assurer simultanément la même personne lorsque la capacité totale desdits établissements et services n'excède pas 59 places.

L'article 7 clarifie par ailleurs les conditions de remplacement en cas d'absence du directeur de la structure. Il précise les conditions d'organisation des temps d'analyse de pratiques professionnelles pour les membres de l'équipe de l'établissement chargés de l'encadrement des enfants. L'article détaille également le rôle du référent "Santé et accueil inclusif", en précisant notamment qu'il travaille avec le service de PMI. Cette fonction de référent peut être assurée par un médecin, une puéricultrice ou une infirmière (sous certaines conditions pour cette dernière). Le référent "Santé et accueil inclusif" intervient auprès de l'établissement ou du service autant que nécessaire et conformément au projet défini. Son concours respecte un nombre minimal annuel d'heures d'intervention dans l'établissement ou le service, selon le type et la catégorie de la structure. Il est également précisé que dans le cas d'un accueil saisonnier ou ponctuel et des établissements d'accueil régulier de 24 places au plus (et notamment dans les établissements à gestion parentale) un professionnel de santé du service départemental de PMI peut assurer, dans le cadre d'une convention ou d'une délégation, tout ou partie des missions de référent. Dans ce cas, ce professionnel ne peut pas être chargé du contrôle de l'établissement ou du service d'accueil.

Un effectif minimal de personnel encadrant

Une nouvelle disposition précise les obligations des responsables des structures en matière de documents à remettre par les parents, comme le certificat médical ou le document attestant le respect des obligations vaccinales (obligatoire pour l'entrée en collectivité). L'article confirme aussi que l'équipe pluridisciplinaire comporte un ou plusieurs professionnels titulaires d'un diplôme d'État de puéricultrice ou d'infirmier intervenant au sein de l'établissement selon des quotités minimales (voir ci-après). Ces professionnels peuvent être salariés de l'établissement ou de son gestionnaire, collaborateurs permanents ou occasionnels ou intervenants extérieurs.

Il est également précisé que les enfants et les assistantes maternelles qui les accompagnent, présents occasionnellement dans un établissement d'accueil collectif (notamment dans le cadre d'une structure multi-accueil), ne sont pas comptés dans les effectifs des enfants et des personnels retenus pour le calcul des taux d'encadrement. Autre disposition : pour des raisons de sécurité, l'effectif du personnel encadrant directement les enfants ne peut pas être inférieur à deux, dont, pour les établissements et services d'une capacité supérieure à 24 places (au lieu de 20 jusqu'à présent), au moins une puéricultrice, éducateur de jeunes enfants, auxiliaire de puériculture, IDE ou psychomotricien. Pour les micro-crèches, ces dispositions s'appliquent à partir de quatre enfants accueillis simultanément. Pendant les sorties (en dehors de l'éventuel espace extérieur privatif), la structure doit respecter les obligations ci-dessus et garantir un rapport d'un professionnel pour cinq enfants.

Norme d'encadrement : le choix entre deux décomptes

Le titre IV traite des crèches collectives. Son article 8 est consacré essentiellement au détail des quotités de personnels et des taux d'encadrement, selon cinq catégories de structures : micro-crèches (jusqu'à 12 places), petites crèches (13 à 24), crèches (25 à 39), grandes crèches (40 à 59) et très grandes crèches (60 places et plus). Dans les crèches collectives et haltes-garderies, la taille maximale des unités d'accueil est de 60 places. Au passage, cet article entérine le passage de 10 à 12 places de la capacité maximale des micro-crèches, très contesté par les professionnels.

L'article précise les quotités pour les fonctions de direction (de 0,2 temps plein pour une micro-crèche à 1 ETP et 0,75 ETP d'adjoint pour une très grande crèche), pour les heures de référent "Santé et accueil inclusif" et les éducateurs de jeunes enfants. Les micro-crèches sont dispensées de l'obligation de désigner un directeur. Dans ce cas, le gestionnaire de la structure doit désigner un "référent technique".

La disposition la plus importante, et la plus contestée, concerne toutefois le taux d'encadrement global de la structure. L'article prévoit en effet que "toute crèche collective ou halte-garderie assure la présence auprès des enfants effectivement accueillis d'un effectif de professionnels au sein de l'établissement [...] suffisant pour garantir : soit un rapport d'un professionnel pour cinq enfants qui ne marchent pas et d'un professionnel pour huit enfants qui marchent ; soit un rapport d'un professionnel pour six enfants". L'établissement doit mentionner son choix dans son règlement de fonctionnement, s'y tenir et en informer le président du conseil départemental.

Les titres suivants déclinent les dispositions relatives à l'encadrement et aux quotités de personnel aux cas des jardins d'enfants, des crèches familiales, des accueils saisonniers ou ponctuels et des établissements à gestion parentale. Pour les jardins d'enfants par exemple, le taux d'encadrement doit être au minimum d'un professionnel pour 6 enfants de moins de 3 ans en moyenne et d'un professionnel pour 15 enfants de plus de trois ans en moyenne.

Calendrier de la réforme : du 1er septembre 2021 au 31 août 2026

Enfin, le titre IX est consacré aux dispositions finales et transitoires. Son article 15 précise surtout le calendrier de mise en œuvre de la réforme. Celle-ci entre en vigueur à compter du 1er septembre 2021. Toutefois, les établissements ou services d'accueil du jeune enfant disposant d'une autorisation d'ouverture ou ayant fait l'objet d'un avis du président du conseil départemental antérieur au 1er septembre 2021 ont jusqu'au 1er septembre 2022 pour se conformer aux exigences résultant du décret. Pour les structures gérées dans le cadre d'une délégation de service public ou d'un marché public en cours à la date du 1er septembre 2021, le délai de mise en conformité est prorogé jusqu'à la date d'échéance de la délégation de service public ou du marché public, sans pouvoir excéder le 31 août 2026. Pour sa part, le référentiel fixant les exigences nationales en matière de locaux s'appliquera à tout établissement pour lequel la demande complète d'autorisation ou d'avis de création est déposée après le 31 août 2022. A l'inverse, le gestionnaire d'une structure disposant d'une autorisation ou d'un avis du président du conseil départemental avant le 1er septembre 2022 a jusqu'au 31 août 2026 pour se mettre en conformité avec les dispositions prévues par le référentiel. Il est toutefois précisé que cette mise en conformité ne peut entraîner une réduction de la capacité d'accueil de l'établissement telle qu'établie à la date du 31 août 2022. Précision importante : par dérogation aux dispositions du décret sur les conditions à remplir, toute personne exerçant les fonctions de directeur, de directeur adjoint ou de référent technique au 31 août 2021 peut continuer à les exercer après cette date au sein de l'établissement qui l'emploie ou dans un autre établissement. Enfin, l'article sur la mise en œuvre de la réforme confirme la disparition des jardins d'éveil au 1er septembre 2024.

Par ailleurs, au-delà du décret du 30 août, d'autres textes sont encore à venir, à commencer par le très attendu référentiel bâtimentaire national, l'arrêté fixant les modes de calcul du dépassement de capacité de 115% ou encore celui fixant la liste des documents à transmettre à la PMI à l'appui d'une demande de création ou lors d'un contrôle.

Références : décret n°2021-1131 du 30 août 2021 relatif aux assistants maternels et aux établissements d'accueil de jeunes enfants (Journal officiel du 31 août 2021).
 

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