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Lutte contre l'exclusion - Un décret pérennise la présence de personnes en situation de précarité au sein du CNLE

Un décret du 17 décembre 2013 modifie la composition du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE), créé par la loi du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion (RMI) et qui est devenu la principale instance de concertation et de proposition en matière de lutte contre l'exclusion. Ce texte paraît à la veille de la conférence sur la citoyenneté des personnes pauvres "Sois pauvre et tais-toi", organisée le 19 décembre par la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion (voir encadré ci-dessous).
Le principal apport du décret est de pérenniser la présence, au sein du CNLE, de "huit personnes en situation de pauvreté ou de précarité, nommées par le Premier ministre sur proposition des associations qui agissent dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé des affaires sociales". Le décret tire ainsi la conclusion - positive - de l'expérimentation lancée en juin 2012, d'un "huitième collège".

L'expérimentation positive d'un "huitième collège"

A l'époque, le CNLE venait de produire un rapport sur les moyens de promouvoir la participation des personnes en situation de pauvreté ou de précarité à l'élaboration et au suivi des politiques publiques. Ce rapport se situait dans l'esprit de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active (RSA) et réformant les politiques d'insertion. Celle-ci prévoit en effet une association des bénéficiaires du RSA aux décisions les concernant. Dans ces conditions, il semblait difficile que le CNLE s'exonère d'une participation des bénéficiaires des dispositifs de lutte contre l'exclusion à ses réflexions et à des décisions. D'où la mise en place du "huitième collège" avec huit représentants des usagers et huit suppléants.
Cette expérimentation, de juin 2012 à décembre 2013, a fait l'objet d'une évaluation, menée par le cabinet Amnyos consultants. Présentée au CNLE le 18 octobre dernier, elle conclut à un bilan "globalement positif", même si "des confusions perdurent concernant la nature du mandat donné aux membres du huitième collège (représentant de l'organisme référent ? d'un collectif ? intuitu personae ?)". L'évaluation conclut également que la mise en place de ce huitième collège a contribué à l'enrichissement des débats et travaux du CNLE. L'expérience a, par ailleurs, été bien vécue par les personnes concernées. Les évaluateurs proposent donc de "maintenir le principe d'un collège composé de personnes en situation de pauvreté ou de précarité". Ce jugement est assorti d'un certain nombre de préconisations portant notamment sur la clarification du statut des personnes en situation de pauvreté ou de précarité amenées à siéger au CNLE et les conditions de maintien de leur mandat, ainsi que sur l'adaptation des modalités de travail du CNLE afin de favoriser la participation pleine et entière des personnes en situation de pauvreté et de précarité.

Les collectivités seules à voir leur présence réduite au sein du CNLE

Le décret du 17 décembre 2013 entérine cette proposition, en intégrant définitivement le "huitième collège" à la composition du CNLE. Il procède également à quelques autres ajustements. Si le Conseil compte toujours huit membres du gouvernement, le nombre d'élus et de représentants de l'action sociale territoriale est ramené de huit à sept : un maire et un conseiller régional au lieu de deux, tandis que le décret ajoute la présence du président de l'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (Unccas) et que les départements conservent leurs deux représentants. En revanche, les "représentants des personnes morales de droit public ou privé, autres que l'Etat et les collectivités territoriales, concourant à l'insertion et à la lutte contre les exclusions" voient leur nombre passer de huit à douze.
Enfin, le décret proroge les membres actuels du CNLE jusqu'à l'installation du conseil dans sa nouvelle configuration, au plus tard le 1er mai 2014. Au final, le nombre de membres du CNLE passe de 53 à 64 et les représentants des collectivités territoriales sont les seuls à voir leur place au sein de l'organisme - légèrement - diminuée...

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : décret 2013-1161 du 17 décembre 2013 modifiant la composition du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (Journal officiel du18 décembre 2013).

"Sois pauvre et tais-toi !" : la parole à Marie-Arlette Carlotti

"Alors que le Conseil national de lutte contre l'exclusion va être renouvelé, le principe d'un collège réunissant des personnes démunies sera pérennisé", a redit ce 19 décembre la ministre déléguée chargée de la lutte contre l'exclusion, Marie-Arlette Carlotti, dans le cadre de la Conférence sur la citoyenneté des personnes pauvres organisée à Paris sous l'intitulé "Sois pauvre et tais-toi !".
Elle a, plus largement, assuré vouloir associer "les personnes démunies à toutes les expérimentations, à toutes les évaluations et à toutes les évolutions de politiques publiques qui les concernent."
Rappelant le lancement récent d'une campagne pour l'inscription des personnes démunies sur les listes électorales (voir notre article du 27 novembre), Marie-Arlette Carlotti a aussi profité de son intervention pour évoquer plusieurs questions connexes à celle de la participation de ces personnes aux politiques qui les concernent et à la vie publique en général. Elle a ainsi indiqué qu'elle compte "procéder à une simplification et à une unification" du dispositif actuel de domiciliation, "qui est aujourd'hui assez complexe, avec trois procédures différentes selon le demandeur", afin que "tous ceux qui en besoin puissent y accéder sans difficulté" (en sachant que le projet de loi Alur comprend une disposition sur le droit à la domiciliation des personnes sans domicile fixe).
Elle est aussi revenue sur la question de la discrimination liée à la précarité (voir ci-contre notre article du 1er octobre et les articles précédents qui y sont rattachés). "Faut-il reconnaître légalement la discrimination pour condition sociale ? La question a été posée aujourd'hui. Sur le principe, j'y suis favorable (…). Je vais donc vérifier le caractère opérationnel de cette proposition et si elle semble efficace, si l'on sait, en situation, déterminer ce qu'est une discrimination pour condition sociale, alors oui, je la porterai avec force", a-t-elle déclaré.
De façon plus large, elle a naturellement fait référence au plan de lutte contre la pauvreté, précisant que ce plan, "il faut le compléter, l'ajuster, veiller à sa mise en œuvre". A ce titre, la ministre déléguée est entre autres revenue sur la nécessité de "relégitimer" l'action des intervenants sociaux, rappelant la tenue l'an prochain des états généraux du travail social, et a comme souvent mis l'accent sur la lutte contre le non-recours et donc sur la fameuse nécessité de "simplifier nos dispositifs, alléger les procédures, automatiser ce qui peut l'être".
C. Mallet
 

 

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