Un "effort" de 43,8 milliards en 2026, dont 5,3 milliards pour les collectivités

"Tout le monde devra participer" à la réduction de la dépense publique. Pour les collectivités, cela impliquera notamment une reconduction du Dilico, un "écrêtement de la dynamique de la TVA" et une baisse des dotations d'investissement (hors DETR et DPV). Les annonces de François Bayrou de ce 15 juillet, ce sont aussi des économies du côté de l'État et de ses agents, ainsi que nombre de mesures concernant le travail et les dépenses de santé qui augurent d'âpres débats.

"Stop à la dette" et "En avant la production". C'est sous ces slogans que François Bayrou a présenté ce mardi 15 juillet après-midi ses deux "plans d'action" visant à redresser les finances et l'économie du pays. Ceux qui s'attendaient à l'annonce d'une cure budgétaire draconienne n'auront pas été déçus. Que ce soit du côté des dépenses de l'État, des collectivités locales ou de la sécurité sociale et du travail, "tout le monde devra participer à l'effort", a convenu le Premier ministre, qui s'exprimait en conférence de presse en présence de son gouvernement et de parlementaires.

Ses annonces seraient le fruit de "contributions nombreuses" recueillies au fil de ses consultations ("parlementaires, associations d'élus locaux, partenaires sociaux, société civile"). Mais "c'est moi qui ai tranché", a-t-il précisé. Ceci après avoir très longuement brossé un tableau noir de la situation de la France, marqué par une dette qui augmente "de plus de 150 milliards par an", soit de "5.000 euros à chaque seconde". "Nous avons jusqu'ici considéré comme normal que l'État paye tout, nous sommes devenus accros à la dépense publique", tout en étant "toujours plus insatisfaits de nos services publics", a-t-il dépeint, ajoutant : "Et nous avons perdu de vue que pour distribuer, il fallait produire."

Réduction d'effectifs pour l'État et ses opérateurs

Le gouvernement envisage donc en premier lieu un "plan pluriannuel" devant permettre d'"arrêter l'augmentation de la dette en quatre ans", soit d'ici 2029, qui passera principalement par "une stabilisation de la dépense publique". La "première étape", celle de l'année 2026 : limiter le déficit à 4,6% du PIB. On avait jusqu'ici évoqué un "effort" de 40 milliards d'euros. Ce sera finalement 43,8 milliards.

Au niveau de l'État, "tous les ministères" devront prendre leur part, a prévenu le chef du gouvernement. Avec, à la clef, une "maîtrise de la masse salariale" qui se traduira par "3.000 postes" en moins dès 2026. "Cet effort sera inscrit dans la durée", a-t-il précisé, et se fera via "une règle que nous fixons pour les années qui viennent", celle du "non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois partant à la retraite".

Autres leviers envisagés pour l'État : "la maîtrise de son patrimoine immobilier" (avec la création d'une société foncière pour le gérer"), la diminution de ses participations dans certaines entreprises… et la désormais fameuse question des "opérateurs" ou agences. Se référant aux propositions récentes de la commission d'enquête du Sénat sur le sujet (voir notre article du 4 juillet), François Bayrou a déclaré : "Nous allons en supprimer" et mener des "réorganisations", qu'il s'agisse de "réinternalisations" ou de "fusions". Ce qui se traduirait par une économie de "1.000 à 1.500 emplois".

Le Dilico reconduit et renforcé

Au même titre que l'État, les collectivités "devront prendre leur part" : "Pour les années à venir, leurs dépenses ne doivent pas progresser plus vite que les ressources de la nation", a déclaré le Premier ministre. "La contribution qui sera demandée aux collectivités sera de 5,3 milliards d'euros. C'est 13% de l'effort global, soit moins que la part des collectivités dans la dépense publique, qui s'élève à 17%", a précisé dans la foulée le ministre François Rebsamen. Mais c'est plus de deux fois plus que ce qui leur avait été demandé pour cette année (2,2 milliards), avec les protestations que l'on sait.

Quelle forme cette "contribution" prendra-t-elle ? Le "dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités" (Dilico) instauré sur 2025 "sera reconduit". Et ce, "à un niveau plus élevé" que cette année, "avec des modalités de retour dont nous pourrons discuter", a indiqué le ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation. En précisant au passage que le Dilico prélevé en 2025 sera bien comme prévu "remboursé à hauteur de 30%".

Baisse des dotations d'investissement

En outre, "les financements de l'État seront régulés", a laconiquement résumé François Bayrou. François Rebsamen en a dit plus. Mettant en avant le fait que "les dépenses d'investissement des collectivités vont naturellement baisser en 2026" en lien avec le cycle électoral, "les mécanismes de soutien à l'investissement seront réduits". Toutefois, "la part concernant les territoires ruraux et les quartiers politique de la ville seront préservés" (autrement dit la DETR, comme il s'y était plusieurs fois engagé, et la DPV). Les dotations d'investissement pourront ensuite "être progressivement réhaussées après l'année électorale de 2026". La dotation globale de fonctionnement (DGF), en revanche, "ne sera pas abaissée". S'il n'y aura en outre "pas de gel des bases fiscales", "l'écrêtement de la dynamique de la TVA sera poursuivi en 2026, mais pas de manière intégrale comme en 2025". 

Parallèlement, "plus aucune norme coûteuse" ne sera décidée "sans discussion préalable", a assuré le ministre, se disant toutefois "conscient de la dureté" de ce qui va être imposé aux collectivités l'an prochain, même si tout cela "va être concerté" avec elles dans le cadre d'une deuxième conférence financière des territoires et même si leur demande de "visibilité" devrait être satisfaite par le fait qu'"une trajectoire détaillée figurera en annexe du projet de loi de finances".

Les réactions des associations d'élus n'ont pas tardé ce mardi soir (Localtis y reviendra dans sa prochaine édition). Y compris du côté de Départements de France, même si François Bayrou a promis "300 millions d'euros en faveur des départements les plus en difficulté". "Le fonds de sauvegarde sera réabondé, avec des critères plus justes à construire ensemble", a détaillé François Rebsamen. Lequel a également souligné que "l'année blanche" que venait d'évoquer le Premier ministre aura un impact positif sur les dépenses sociales des départements.

Santé : chasse aux dépenses jugées inutiles

Cette année blanche, qui faisait depuis quelques semaines partie des pistes probables d'économies, a donc été confirmée parmi les nombreuses mesures relatives aux "dépenses sociales" du pays. "Si nous ne faisons rien, ces dépenses augmenteront de 10 milliards d'euros", a prévenu François Bayrou, qui entend diviser cette hausse par deux et donc la limiter à 5 milliards.

Ce sont en fait d'abord les dépenses de santé qu'il entend freiner dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). En sachant que l'Assurance maladie avait déjà proposé de son côté le 24 juin un plan de 3,9 milliards d'euros d'économies. D'une manière générale, "nous devons responsabiliser les patients", a déclaré François Bayrou, en prenant l'exemple de la franchise sur les médicaments payée par les assurés sociaux, avec un plafond qui passerait de 50 à 100 euros par an. Également au programme, une révision du statut des affections longue durée (ALD), avec la "sortie du statut" dans certains cas. Il a par ailleurs indiqué qu'il souhaitait "mettre fin à une dérive" des arrêts maladie et souhaité qu'un salarié puisse reprendre le travail après plus de 30 jours d'arrêt sans voir le médecin du travail. Également évoquée : "une plus grande efficacité de l'hôpital", notamment en termes d'achats. Sans oublier "la mise au point définitive du dossier médical partagé et sa tenue obligatoire" qui "fera faire des pas de géant" (pour limiter, notamment, les doubles consultations).

Gel de toutes les prestations

Ces "efforts" sur le sanitaire devraient représenter 21 milliards d'euros d'économies… mais "ne suffiront pas". D'où la nécessité "d'autres stratégies"… dont cette "année blanche". À traduire par : "L'ensemble des prestations sociales seront maintenues en 2026 à leur niveau de 2025 et il n'y aura pas d'exception." Les prestations sociales (que le Premier ministre n'a pas nommées), mais aussi les retraites. Cela concernera également "la masse salariale publique", ce qui "signifie un gel de la valeur du point d'indice" des fonctionnaires.

En outre, "le barème de l'impôt sur le revenu sera maintenu". Sur le plan fiscal, François Bayrou a mis l'accent sur la lutte contre la fraude. Contre toutes les fraudes – "fraude fiscale, fraudes aux aides publiques, aux dépenses de santé"… Une mission sur le sujet va être confiée à trois parlementaires et un projet de loi sera présenté "à l'automne".

Fiscalité toujours, le Premier ministre a évoqué une "chasse aux niches fiscales et sociales", une "contribution de solidarité pour les plus fortunés" et le remplacement de l'abattement de 10% dont bénéficient les retraités pour l'impôt sur le revenu par un "forfait annuel" jugé plus avantageux pour les "petites retraites".

Travailler plus

Le second volet des annonces de ce mardi, consacré au "renforcement de notre capacité de production", met tout d'abord l'accent sur le "travail". Le message est simple : "travailler plus". D'où la mesure qui a d'emblée évidemment fait grand bruit, celle de supprimer deux jours fériés. "Par exemple le lundi de Pâques et le 8 mai." "Ce sont des propositions, je suis prêt à en examiner d'autres", a dit François Bayrou, convaincu que "cela rapportera plusieurs milliards". 

Les travailleurs doivent travailler plus… et "nous ne sommes pas assez nombreux à travailler". Notamment du côté des jeunes et des seniors. D'où l'ouverture prochaine d'une nouvelle négociation sur l'assurance chômage "pour inciter au retour à l'emploi" et "pour que le travail soit toujours un choix gagnant". La ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a précisé les sujets en jeu : l'égibilité, la durée et les conditions d'indemnisation. Et a notamment évoqué "les abus sur les ruptures conventionnelles".

Autre négociation en vue "avant la fin de l'année" avec les partenaires sociaux : "le droit du travail". Y seront entre autres abordés de possibles assouplissements dans le recours aux CDD, des incitations à l'augmentation du temps de travail (par exemple par la monétisation de la cinquième semaine de congés payés), la lutte contre le temps partiel subi, la santé au travail…

Enfin, François Bayrou va proposer avant la fin de l'année un projet de loi pour créer "une allocation sociale unifiée". Ce versement social unique, qui fusionnerait plusieurs prestations sociales (RSA, prime d'activité...), est on le sait une ancienne promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Et vient d'ailleurs de faire l'objet de faire l'objet d'un rapport parlementaire (voir notre article de ce jour).

Un deal pour les entreprises

Se tournant ensuite vers les entreprises, François Bayrou a fait part de sa volonté de "simplifier toutes les procédures bureaucratiques" pesant notamment sur les plus petites d'entre elles. Et leur propose "un échange", du "donnant-donnant" : "moins de subventions contre plus de simplicité". "Je propose de mettre au point dès cet été une liste des allègements nécessaires ou souhaitables", qui déboucherait sur des ordonnances à l'automne, a-t-il déclaré, estimant que sur les 200 milliards actuels d'aides aux entreprises, "on peut ainsi gagner plusieurs milliards".

Au-delà de cela, le Premier ministre a abordé une série d'enjeux relatifs à la "compétitivité" des entreprises. Pêle-mêle : les questions énergétiques, l'accès des entreprises aux financements européens (en se référant au rapport de Mario Draghi), le problème des délais de paiement (un renforcement des sanctions est envisagé), "le redressement du commerce extérieur", la mise en place de "stratégies de filières" ("avec les pouvoirs locaux"), une "taxe sur les petits colis" pour favoriser le commerce de proximité, la "réorientation" de France 2030 vers les projets liés à l'IA… ou bien encore la commande publique, avec une réforme de l'Ugap et un assouplissement du cadre national et européen pour pouvoir "introduire des critères locaux".

Tout cela vise à "économiser"... mais "pas seulement", a souligné François Bayrou, faisant valoir que cette prise de parole anticipée par rapport à la présentation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale permettait d'avoir "deux mois de réflexion et de travail". Si les choses sont "perfectibles", pas question de "reculer". Et, a-t-il prévenu, "ce plan pour 2026 n'est qu'un préambule".

 

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