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Un guide pour aider les collectivités à redonner ses droits à la nature en ville

Si l'aspiration à davantage de "nature en ville" – concept en pleine évolution – se fait particulièrement prégnante, sa traduction sur le terrain se fait encore attendre. Les implications d'un tel projet, aux multiples ramifications, ne sont pas encore pleinement appréhendées, à commencer par le citoyen citadin, aux exigences parfois contradictoires. Pour aider l'élu à mieux cerner le phénomène dans sa globalité et à éviter les écueils, CDC Biodiversité consacre le dernier numéro de ses Cahiers Biodiv'2050 au sujet.

"Donner les clefs pour décider, concevoir et mettre en œuvre un projet de territoire résilient fondé sur la nature en ville". Tel est l'objectif du – riche – dernier numéro des Cahiers Biodiv'2050 "Nature en ville : aménager aujourd'hui les communes de demain" que vient de publier CDC Biodiversité.

Changement de paradigme

"Nos concitoyens aspirent à une nouvelle forme de proximité avec la nature, besoin confirmé et renforcé par les confinements successifs durant la crise du covid-19", relève en introduction Caroline Cayeux, présidente de l'Agence nationale de la cohésion des territoires et maire de Beauvais, qui souligne que "la biodiversité en ville […] est une nécessité de santé publique et de bien-être collectif". Pour autant, pointe l'étude, "le développement de projets de nature en ville peine à se généraliser". Ses auteurs déplorent de même que "les villes manquent aujourd'hui d'une vision systémique dans l'appréhension de la nature en ville ; en résulte le développement de projets à petite échelle sans cohérence globale". "Un changement de paradigme est aujourd'hui nécessaire", plaident-ils. Il doit prendre en compte contexte et conditions environnementales locaux, "favoriser une approche conjointe biodiversité-climat" et "plus largement une approche systémique intégrant tout domaine lié à l'aménagement urbain (mobilité, construction, alimentation, développement économique, économie circulaire, etc.)". Il doit également tourner le dos à une nature "contrôlée", cantonnée, notamment "en brisant l'isolement insulaire des espaces verts" pour les connecter aux forêts périurbaines et campagnes environnantes, via l'intégration de corridors écologiques fonctionnels. Et le "rendu visuel" – "des massifs horticoles axés sur l'esthétisme et le foisonnement des couleurs" – doit désormais céder la place à "la richesse et [aux] fonctions écologiques". La victoire du jardin à l'anglaise, en quelque sorte.

Citoyens incohérents ?

L'étude fait toutefois ressortir que le "désir de nature […] n'est pas nécessairement accompagné d'un comportement ou d'actes allant en ce sens". Elle constate des "situations paradoxales où les citoyens souhaitent davantage d’espaces verts dans l’espace urbain, tout en étant hostiles à la végétation spontanée et aux espaces naturels denses". D'ailleurs, elle ne cache pas les difficultés que "pose le développement de la nature en ville" : prolifération d'espèces non désirées (rats, pigeons), recrudescence des pollens et donc des allergies, boue, feuilles glissantes… Aussi invite-t-elle les collectivités territoriales à "aider les citadins à prendre conscience de leur interdépendance avec les écosystèmes", via une "communication effective, accessible et compréhensible par tous", mais aussi des actions d'éducation et de sensibilisation : formations, fourniture de matériel (graines, bac à compost…), recherche de sites…

Une stratégie de long terme

L'étude insiste également sur la nécessité d'inscrire ces projets dans une "stratégie territoriale de long terme", qui va donc au-delà de la durée d'un mandat électoral. Des projets qui doivent encore être "multifonctionnels" –  offrant plusieurs services écosystémiques, qui doivent être mis en valeur – et "sans regret" (entendre que "si le projet n'atteint que partiellement le résultat escompté, le bilan sera tout de même positif"). L'étude concède toutefois que les évaluations socio-économiques des impacts des solutions fondées sur la nature "restent encore rares", qu'elles "peinent à refléter les nombreuses externalités qu'elles produisent", certains bénéfices étant en outre "difficilement quantifiables". Elle relève néanmoins que des outils commencent à se développer.

Sortir des "pensées en silo"

L'étude ne dissimule pas non plus le risque que ces solutions ne participent à une logique ségrégative, et invite en conséquence leurs promoteurs à s'assurer qu'elles sont bénéfiques à tous. Elle relaye notamment l'approche "just green enough" (juste assez de vert) – qui conseille de mettre en œuvre plusieurs projets simultanément plutôt qu'un grand projet d'aménagement à haute visibilité qui concentrerait l'attention et l'attrait – et milite encore pour sortir de "politiques publiques pensées en silo et sans les citoyens", pour passer d'une pensée "simplifiante" à une "pensée complexe" intégrant l'ensemble des aspects (environnementaux, paysagers, sociaux et économiques) et élargissant le type et le nombre des acteurs dans le processus décisionnel – singulièrement les citoyens. Sur ce point, il est souligné que si la dématérialisation permet d'atteindre davantage de personnes, des rencontres physiques – et un certain équilibre entre ces deux modes de fonctionnement – restent nécessaires.

Nécessaire cohérence

Outre de nombreux exemples et retours d'expérience, l'étude propose diverses présentations des outils (singulièrement de planification) existants, parfois sous la forme de tableaux ou schémas synthétiques. Un apport utile compte tenu du nombre et de la complexité – d'ailleurs récemment dénoncés par l'Autorité environnementale (voir notre article) – de ces derniers. L'étude insiste d'ailleurs sur la nécessaire cohérence de l'ensemble, chaque projet devant notamment tenir compte des "interactions avec les territoires à proximité, qui sont souvent oubliés", ou encore de "la gestion des espaces privés". Last, but not least, l'étude recense les "nombreux dispositifs de financement" existants, "qui ne demandent qu'à être mobilisés".

 

 

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