Vers la fin progressive des grands projets commerciaux ?

L'immobilier commercial pourrait arriver à la fin d'un cycle, avec la fin progressive des grands projets. Une tendance que la crise sanitaire a accélérée, comme le confirme le bilan Procos pour l'année 2021, publié le 2 février 2022, qui montre un niveau "historiquement bas", aussi bien pour les autorisations en commissions d'aménagement commercial que pour les permis de construire, stock des projets à cinq ans ou la taille des projets.

La crise covid va-t-elle durablement modifier le paysage du secteur du commerce ? Le bilan 2021 de Procos, présenté le 2 février 2022, peut le laisser penser. La fédération pour la promotion du commerce spécialisé observe ainsi "une stabilisation des indicateurs à des niveaux historiquement bas : permis de construire, activité des commissions d’aménagement commercial, taille des projets, stock des projets à cinq ans". Les évolutions au sein des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) sont frappantes. "En 2021, 550.000 mètres carrés ont été autorisés en CDAC, c'est 80% de moins qu'en 2011", a souligné Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos. Si cette baisse a commencé il y a dix ans, elle s'est accentuée avec l'épidémie. Les commissions ont examiné 525 dossiers en 2021, contre 813 en 2019. "Après la chute brutale de 2020, le volume des surfaces examinées a connu en 2021 une nouvelle baisse de 19%", indique le bilan. Il s'établit à 621.286 m2 examinés, soit 60% de moins qu'en 2019. Et le volume des surfaces autorisées diminue aussi, de 12% par rapport à 2020, avec 547.266 m2, et de près de 60% par rapport à 2019. Le taux d'autorisation remonte quant à lui (88% en 2021 contre 82% en 2020).

Côté secteurs représentés, c'est le secteur alimentaire qui prend la main. Il représente 26% des surfaces autorisées en CDAC en 2021 avec notamment le développement des supermarchés (Leclerc, Intermarché, Système U). Le bricolage vient ensuite (21% des demandes). Procos met aussi en avant la montée en puissance du discount, conséquence de la crise sanitaire : l'enseigne Lidl représente à elle seule 9% du total des surfaces autorisées.

Des projets de plus en plus petits

Les dossiers concernent surtout des extensions de surfaces existantes. "Les projets sont plus compliqués, plus longs et surtout plus incertains, signale Procos, ils sont également plus coûteux à démarrer". Le bilan note aussi un phénomène particulier : en CDAC et CNAC, l'existence, à proximité d'un projet commercial, d'un plan Action cœur de ville, ou d'une des 441 Opérations de revitalisation du territoire (ORT) "constituent désormais un motif récurrent de refus".

Autre difficulté pour ces dossiers : l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), qui fait son entrée dans les critères des CDAC, bien que le décret ne soit toujours pas paru. "Par aversion au risque, les porteurs de projets ne déposent les dossiers que lorsqu'ils estiment qu'ils ont une bonne chance de les voir autorisés, indique Procos, ce qui suppose notamment une meilleure concertation avec les élus, mais aussi la société civile".

Par ailleurs, les projets présentés en CDAC sont de plus en plus petits. En 2021 et en 2020, aucun n'atteignait les 20.000 m2 (il y en avait sept en 2019) et seuls deux dépassaient les 10.000 m2 contre 21 en 2019. "Couplé à un contexte de panique sanitaire, l'ensemble des mesures d'encadrement politique du développement commercial semble avoir un effet dissuasif sur les projets de grande envergure", estime Procos.

La fédération note aussi un accroissement constant de la pression juridique sur les projets examinés, ce qui mécaniquement augmente l'activité de la commission nationale d'aménagement commercial. Celle-ci se montre d'ailleurs de plus en plus sévère. En 2021, moins de la moitié des projets examinés a connu une issue favorable.

Une activité très en retrait par rapport à 2019

Au-delà de ces données, Procos fait le bilan pour le commerce spécialisé d'une année 2021 meilleure que 2020 avec une augmentation de 11,4% de l'activité pour les magasins, mais "très en retrait" par rapport à 2019 (-8,7% en moyenne) surtout pour les secteurs de l'équipement de la personne. Le commerce en ligne continue son ascension avec une augmentation moyenne de 14,8% en 2021 par rapport à 2020.  Une question que les assises du commerce, lancées le 1er décembre mais dont les conclusions ne sont pas encore publiées, ont permis d'aborder. "On va aller vers une croissance de 30% du web en 2030, a insisté Emmanuel Le Roch, est-ce que les assises du commerce constituent un électrochoc suffisant du niveau de transformation qu'il faut mettre en place ?" 

Procos note aussi la baisse de fréquentation des magasins, une "tendance lourde depuis de nombreuses années", que la crise covid a accélérée. Elle se situe à -19,4% sur l'année 2022 par rapport à 2019. Et les baisses ont lieu dans tous les lieux de commerce, centres-villes et centres commerciaux. Parmi les facteurs aggravants : le développement du télétravail et de la livraison à domicile.