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Vers une macrorégion atlantique ?

Le Comité européen des régions vient une nouvelle fois d'adopter un avis proposant la création d'une macrorégion atlantique. Repoussée jusqu'ici, le contexte – Brexit, Covid, changement climatique… – pourrait cette fois se révéler favorable.

Une cinquième* macrorégion européenne – non pas une strate administrative supplémentaire, mais un cadre de coopération territoriale renforcée entre plusieurs régions et États, membres de l'UE ou non, pour faire face à des défis partagés, limitativement définis – verra-t-elle prochainement le jour sur la côte Atlantique ? C'est en tout cas l'une des propositions de l'avis "visant une nouvelle approche de la stratégie maritime pour la région Atlantique" qu'a adopté, à l'unanimité, le 19 mars dernier, le Comité européen des régions, à partir d'un rapport rédigé par Paula Fernández Viaña (Renew Europe, Espagne). Le comité considère en effet que la macrorégion "est la formule appropriée pour approfondir la coopération, relever les défis maritimes parallèlement aux défis territoriaux, améliorer la coordination entre les régions et les États membres et rationaliser l’utilisation des fonds".

Brexit et Covid

Si la proposition n'est pas nouvelle – le Comité a par exemple déjà adopté en 2012 une même recommandation –, elle a jusqu'ici toujours été repoussée. Mais selon l'élue de Cantabrie, le Brexit et le Covid lui redonnent force. Paula Fernández Viaña, qui déplore que l'Union européenne n'ait pas tenu compte des régions lorsqu'elle a négocié l'accord de sortie – "une grande erreur", alors que "nous sommes les acteurs qui sont les mieux au fait des réalités du terrain et des besoins spécifiques de nos collectivités" –, avoue ses inquiétudes à l'égard de la répartition des fonds de la réserve d'ajustement, "attribués et gérés sur un mode centralisé". Elle relève également que face au Covid, "les pouvoirs publics locaux et régionaux sont ceux qui ont accompli la majeure partie du travail, et c’est à eux qu’il conviendra de nous en remettre si nous devons affronter à nouveau une de ces crises". Autant d'éléments qui plaident selon elle pour que cette macrorégion voit enfin le jour. Dans son dernier rapport, du 23 septembre 2020, sur la mise en œuvre des stratégies macrorégionales (SMR), la Commission européenne convient d'ailleurs que "dans les circonstances exceptionnelles actuelles […], les SMR ont un rôle significatif à jouer pour aider les pays et les régions participants à faire face à la crise économique".

Changement climatique, "plan d'action pour l'Atlantique" insuffisant, "problème de gouvernance"

Les promoteurs de la macrorégion avancent encore pour arguments :
- le fait que les régions maritimes concernées "sont en première ligne face aux effets du changement climatique", constituant à n'en point douter un "défi commun" auxquelles ces différentes régions doivent faire face ;
- les insuffisances, pointées une nouvelle fois (v. l'avis du 27 janvier dernier) par le Comité des régions, du plan d'action pour l'Atlantique (PAA) que la Commission a actualisé en juillet dernier : un document qui ne prend "pas en considération des activités essentielles relevant du domaine de l'économie bleue, telles que les industries de construction navale et de transport maritime, le sport nautique, les services correspondants et son industrie connexe, ainsi que les activités touristiques durables liées au milieu marin, y compris les activités sportives aquatiques, le tourisme de croisière et les transbordeurs, et qu’il ne réserve pas un volet propre à la pêche, à la pêche aux coquillages et à l’aquaculture" et dont "aucun des piliers ne concerne le tourisme et le patrimoine culturel" ;
- le signal donné par le Conseil dans des conclusions du 2 décembre dernier – dans lesquelles il indique être "disposé à examiner des initiatives […] qui vise[nt] à mettre en place de nouvelles stratégies macrorégionales" – que le Comité des régions prend au mot : "il est temps de créer et de développer une telle stratégie macrorégionale pour le bassin atlantique, dotée d’un cadre budgétaire et de mise en œuvre spécifique adapté à sa réalité et à son potentiel".

Le Comité des régions souligne en outre "la nécessité d’harmoniser les calendriers et les objectifs des multiples processus et politiques de l’Union, car souvent, ce qui n’est plus une priorité dans un programme se terminant à une date donnée devient une priorité sur l’échéancier d’un autre processus dont la date de fin est différente". Un "problème de gouvernance" qui dépasse toutefois le seul cas des régions atlantiques.

Un périmètre encore flou

Reste que le projet semble encore assez flou. Sur le fond, d'abord. Le Comité des régions propose que la macrorégion "se concentre sur un certain nombre de secteurs qui présentent une véritable capacité transnationale, tels que l’énergie maritime, la pêche, la protection de l’environnement, le changement climatique, les transports et la recherche scientifique et technologique".

Sur les contours géographiques ensuite. Contacté par Localtis, le Comité des régions indique "qu'il n'y a pas eu de consultation officielle". L'ensemble des régions espagnoles concernées (Navarre, Pays basque, Cantabrie, Asturies, Galice, Andalousie et Canaries) se seraient toutefois exprimées en faveur de cette création lors de la dernière plénière du comité. L'ensemble des régions NUTS2 de l'Irlande – qui ne font pas toutes parties de l'Arc atlantique – et du Portugal seraient également du voyage, mais ne se sont pas toutes prononcées. Le doute subsiste également sur l'inclusion de la Cornouailles et du Pays-de-Galles, qui sont membres de l'Arc atlantique mais ne sont plus représentés au Comité… (le Brexit n'empêchant nullement leur inclusion). Quant à France, on indique que la Bretagne "n'a pas souhaité s'exprimer à ce stade" et que la position de la Normandie est inconnue, "faute de membre au comité". En revanche, la Nouvelle-Aquitaine et les Pays-de-la-Loire y semblent plutôt favorables.

Isabelle Boudineau, vice-présidente de la région Nouvelle-Aquitaine et présidente de la commission COTER du CdR, avoue ainsi que c'est une "évolution possible". Si "la Nouvelle-Aquitaine a toujours été très attachée à la Stratégie maritime atlantique qu'elle juge prioritaire", l'élue estime en effet que "cette stratégie montre des limites en termes de gouvernance, pilotée jusqu'à ce jour par les États, et de financements, car elle n’a pas de budget dédié".

Vanessa Charbonneau, vice-présidente du conseil régional des Pays de la Loire, estime pour sa part que "la macrorégion apparaît comme un levier pertinent pour mener des actions concertées avec les régions voisines de l’arc atlantique, sur la thématique maritime bien sûr mais également des thématiques essentielles pour nos régions comme les transports, le tourisme, ou l’innovation, à la condition que les régions soient impliquées dans la gouvernance, pour une articulation optimale entre les besoins des acteurs territoriaux et les dispositifs européens gérés par nos collectivités tel que les programmes Interreg ainsi que les fonds européens structurels et d'investissement".

Contacté par Localtis, le cabinet de Clément Beaune indique que le gouvernement n'a pas de position à ce stade – très embryonnaire – du projet, mais que la France n'est pas hostile par principe à ces macrorégions. Pour preuve, elle préside depuis 2020 – et encore en 2021, pour cause de Covid – la macrorégion alpine.

 

* Les quatre existantes concernent la région de la mer Baltique (2009), la région du Danube (2010), la région de l'Adriatique et de la mer Ionienne (2014), et la région alpine (2015)

 

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