Zéro artificialisation nette : les députés adoptent à leur tour en séance la garantie rurale

Les députés ont achevé ce 23 juin l’examen de la proposition de loi révisant la mise en œuvre de l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN). Ils ont adopté la "garantie rurale" sans grande retouche, modifié la composition de la conférence régionale de gouvernance de l’artificialisation des sols et quelques modalités de son intervention ou encore décidé de la remise d’un rapport du gouvernement dans les six mois sur la fiscalité comme outil de lutte contre l’artificialisation des sols. Le texte doit être solennellement voté ce 27 juin.

621 amendements examinés (sur 814 déposés) en 15h45 de débats, 39 amendements adoptés dont 13 issus d’élus du groupe Renaissance, 2 du Modem, 9 d’élus socialistes, 6 d’élus communistes, 5 du groupe Liot, 3 d’élus écologistes et 1 du groupe LR. Tel est le bilan statistique que tire le ministère de la Transition écologique des deux jours de débats de la fin de la semaine dernière tenus à l’Assemblée nationale, en séance publique, sur la proposition de loi sénatoriale de révision du ZAN (voir notre article du 22 juin). 

Garantie rurale

Après les dispositions relatives aux "grands projets", très légèrement revues le 22 juin (voir notre article), les députés ont principalement discuté vendredi 23 juin de la "garantie rurale", ce dispositif visant à "rassurer" des maires ruraux qui redoutent la glaciation de leur territoire. Sans grand changement par rapport au texte adopté en commission (lire l'encadré de notre article). Pour mémoire, cette garantie de pouvoir artificialiser 1 hectare d’ici 2031 est destinée aux seules communes peu denses et très peu denses, à condition qu’elles soient couvertes "par un plan local d’urbanisme, un document en tenant lieu ou une carte communale prescrit, arrêté ou approuvé avant le 22 août 2026" ("Une carte communale, ça coûte 14.000 euros !", s’insurgeait en séance le député communiste Sébastien Jumel). À la demande des maires, les communes disposant de cette surface minimale pourront choisir de les mutualiser, mais désormais (conséquence d’un amendement Modem) seulement "après avis de la conférence des maires", qui pour mémoire est obligatoire dans les EPCI à fiscalité propre, sauf lorsque le bureau de l’établissement comprend déjà l’ensemble des maires des communes membres. 

Sur amendement des députés socialistes, les députés ont également précisé que cette garantie ne libère pas les communes soumises au règlement national d’urbanisme (RNU) du respect de ce dernier, la garantie rurale ne pouvant ainsi être opposée à la mise en œuvre du principe de constructibilité limitée. "Il serait pour le moins étonnant que l’adaptation du ZAN aux communes rurales par la garantie rurale se traduise par une forte dérégulation des conditions de construction dans ces communes alors même qu’elles ne possèdent pas de documents d’urbanisme et de planification", estiment les auteurs de l’amendement.

La conférence régionale de gouvernance de l’artificialisation revue

Les députés ont par ailleurs revu la composition de la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols, introduite par le Sénat, en y ajoutant "un représentant de chaque département du périmètre régional" (amendement du groupe Liot travaillé avec Départements de France) ainsi qu’"au moins cinq représentants d’organismes compétents en matière de gestion ou de protection des espaces naturels sur le territoire concerné et au moins cinq représentants d’associations de protection de l’environnement agréées" (amendement écologiste/Nupes). Ils ont également revu la composition "par défaut" de cette conférence, prévue dans le cas où le président du conseil régional ne ferait pas son œuvre. Dans ce cas, y siègeraient, en sus des membres déjà arrêtés précédemment, "cinq représentants des communes bénéficiant du classement en zone de revitalisation rurale" (amendement gauche démocrate/Nupes), au moins deux députés et deux sénateurs de chaque département du périmètre régional (amendement LR), un représentant par département des associations départementales d’élus (amendement gauche démocrate/Nupes), un représentant de l’établissement public foncier et un représentant de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (amendements PS/Nupes). Cette conférence sera par ailleurs dorénavant co-présidée par le représentant de l’État dans la région (amendement gauche démocrate/Nupes).

Afin de "garantir une représentation équilibrée des territoires", il est en outre précisé que parmi les quinze représentants d’EPCI compétents en matière d’urbanisme, doit figurer "un représentant au moins par département". Il en va de même s’agissant des sept représentants des communes compétentes en matière d’urbanisme (amendements gauche démocrate/Nupes). Les députés ont également décidé que la majorité des membres de cette conférence – et non plus son seul président – peut décider de réunir une conférence départementale pour tout sujet lié à la mise en œuvre communale ou intercommunale des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols (amendement Modem).

Sur amendements PS/Nupes, les députés ont par ailleurs étendu le champ du bilan de la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols que ces conférences régionales doivent établir. Il devra désormais comprendre, en plus de ce qui était déjà prévu, des éléments relatifs à la nature et à la typologie des projets réalisés sur les espaces artificialisés depuis 2021 et à l’adéquation entre ceux-ci et les orientations fixées dans les documents de planification et d’urbanisme régionaux et locaux ainsi que des éléments relatifs à l’ensemble des biens, bâtis ou non bâtis, inutilisés et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables définis à l’article L.111-26 du code de l’urbanisme permettant d’éviter l’artificialisation de nouvelles zones au regard des objectifs de réduction de la consommation foncière au niveau régional.

De même, les parlementaires ont revu le contenu du rapport que doivent remettre ces conférences au Parlement entre le 1er juillet et le 31 décembre 2027. Ce rapport ne devra plus faire état "de la nécessité de modifier, le cas échéant, le dispositif", mais "du niveau de consommation foncière et des résultats obtenus […]" (amendement PS/Nupes).

Enfin, le texte dispose dorénavant qu’en outre-mer et en Corse, cette conférence "intègre les conclusions des plans d’aménagement et de développement durable en ce qu’ils constituent des projets d’intérêt général […] et comporte le cas échéant les dispositions nécessaires à leur réalisation. Elle prend aussi en compte les risques naturels, sanitaires et technologiques" (amendement gauche démocrate/Nupes).

Communes littorales ultra-marines, ressource en eau et fiscalité

Les députés ont également décidé :

- que la trajectoire permettant d’aboutir à l’absence de toute artificialisation nette des sols fixée par le schéma d’aménagement régional des régions de Guadeloupe et La Réunion, des collectivités de Guyane et de Martinique, et du département de Mayotte, tient notamment compte des contraintes propres des communes littorales soumises aux prescriptions particulières d’un schéma de mise en valeur de la mer, "notamment en termes d’aménagement du territoire, de renouvellement urbain et d’insularité, des besoins en termes de développement économique et de revitalisation des centres urbains" (amendement socialiste/Nupes) ;

- que lors du bilan d’étape introduit tous les cinq ans, le rapport du gouvernement au Parlement "formule des recommandations sur la prise en compte des incidences de la disponibilité locale de la ressource en eau dans la déclinaison territoriale des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols" (amendement Renaissance) ;

- la remise, dans les six mois de la promulgation de la loi, d’un rapport du gouvernement au Parlement "relatif à la fiscalité comme outil de lutte contre l’artificialisation des sols", qui ne manquera pas d’être attendu (voir nos articles du 30 juin, 18 octobre et 27 octobre 2022 et du 30 janvier 2023). Ce rapport devra présenter "l’ensemble des outils fiscaux qui incitent à l’artificialisation des sols" ainsi que "les outils fiscaux, locaux et nationaux, pouvant être mobilisés pour inciter à ne pas artificialiser les sols ou à renaturer des espaces artificialisés". Il devra chiffrer les pertes de recettes ou les dépenses supplémentaires induites par les propositions formulées (amendement écologiste/Nupes).

Le vote solennel sur le texte devrait intervenir ce 27 juin, avant la réunion d’une commission mixte paritaire que le gouvernement espère conclusive avant le 14 juillet.

 

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