Zones à faibles émissions : le gouvernement assouplit les règles, sauf pour Paris et Lyon

À l'issue du comité ministériel de suivi de la qualité de l'air en ville, qui s'est tenu ce 19 mars, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a annoncé un assouplissement du calendrier obligatoire des zones à faibles émissions (ZFE). Les agglomérations de Rouen, Marseille et Strasbourg n'étant plus en "dépassements de seuils" ne seront pas tenues de restreindre la circulation des véhicules Crit'Air 3 au 1er janvier 2025. Seules celles de Paris et Lyon resteront soumises à cette obligation.

"Depuis 20 ans, tous les ans, la qualité de l'air dans notre pays s'améliore, au point que près des deux tiers des émissions de dioxyde d'azote ont disparu depuis 2000 et que nous sommes à -55% concernant les particules fines", a mis en avant Christophe Béchu, ce 19 mars, à l'issue du troisième comité ministériel de suivi de la qualité de l'air constitué en octobre 2022 et réunissant les présidents des métropoles concernées par la mise en place d'une zone à faibles émissions (ZFE). "L'année 2023 ne fait pas exception à la règle et marque à nouveau une amélioration de la qualité de l'air", a poursuivi le ministre de la Transition écologique. 

Dans les 43 agglomérations métropolitaines de plus de 150.000 habitants, la moyenne provisoire des mesures de la qualité de l'air l'an dernier pour le dioxyde d'azote était au même niveau qu'en 2020, marquée par le ralentissement de l'activité due au Covid, soit 24 µg/m3 contre 26 µg/m3 en 2022. En trois ans, le nombre d'agglomérations connaissant des dépassements réguliers des seuils européens de qualité de l'air est passé de 10 à 2. 

Des résultats qui ont conduit le gouvernement à assouplir le calendrier de déploiement des obligations liées aux ZFE prévu par la loi Climat et Résilience, d'autant que celles-ci ont fait l'objet de vives controverses au niveau local. "On nous disait que ça allait devenir des zones de fortes exclusions, que si on avait aimé les 'gilets jaune', nous allions adorer les ZFE", a rappelé le ministre de la Transition écologique.

Paris et Lyon maintenues en territoires "ZFE effectifs"

Finalement, seules les deux plus grandes agglomérations françaises, Paris et Lyon, qui dépassent encore de manière régulière les seuils réglementaires de qualité de l'air, restent des "territoires ZFE effectifs" et seront contraintes au 1er janvier 2025 d'interdire les véhicules Crit'Air 3, soit les voitures diesel de plus de 14 ans et les voitures à essence de plus de 19 ans. Cette mesure concerne tout de même plus de 1,5 million de véhicules, dont 1,3 dans la région parisienne.

Les métropoles de Marseille, Strasbourg et Rouen, qui devaient poursuivre la mise en place de leurs ZFE, passent du statut de "territoires ZFE effectifs" à celui de "territoires de vigilance" après avoir connu une amélioration de la qualité de l'air en 2023. La concentration en oxyde d'azote est passée sur leurs territoires sous les 40µg/m3, soit le seuil réglementaire retenu au niveau européen. Conséquence pour ces trois villes, qui ont déjà mis en place des mesures restrictives pour certains véhicules : elles n'auront pas à interdire les Crit'Air 3 au 1er janvier 2025.

"Notre travail a payé", a salué Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen et président de la métropole Rouen Normandie, qui voulait absolument éviter cette interdiction sur son territoire, où les Crit'Air 4 et 5 sont déjà interdits. À Strasbourg en revanche, "le calendrier reste le même", a indiqué à l'AFP Alain Jund, vice-président de l'eurométropole chargé des mobilités.

L'agglomération pratique déjà une interdiction "pédagogique" depuis le 1er janvier 2024. "Il ne faut pas jouer au yo-yo chaque année, il faut maintenir un cap. On regrette le yo-yo du gouvernement", a-t-il déploré. Il ne faut "surtout pas baisser les bras, mais au contraire poursuivre ces politiques publiques", a-t-il souhaité. La métropole d'Aix-Marseille-Provence avait, elle, déjà annoncé début février que l'extension de la ZFE était reportée "sine die".

Restrictions de circulation maintenus pour les véhicules anciens dans les "territoires de vigilance"

Parmi les "territoires de vigilance" respectant les seuils réglementaires de qualité de l'air, les sept autres agglomérations dans lesquelles des ZFE existent (Toulouse, Montpellier, Nice, Grenoble, Saint-Étienne, Clermont-Ferrand, Reims) ont toutes au moins mis en place ou prévu les restrictions minimales prévues par la loi et n'ont donc plus aucune obligation de renforcer leurs contributions actuelles, indique le ministère. Dans les 30 agglomérations qui, elles, n'avaient pas encore mis en place de règles, la seule obligation prévue par la loi est la restriction de circulation, au 1er janvier 2025, des voitures immatriculées avant le 31 décembre 1996 (non classés) et/ou des véhicules utilitaires légers immatriculés avant le 30 septembre 1997 (non classés) et/ou des poids lourds immatriculés avant le 30 septembre 2001, précise-t-il.

Efforts à poursuivre pour respecter les futures normes européennes

Malgré les résultats encourageants obtenus, la qualité de l'air "n'est pas encore à un niveau satisfaisant", a toutefois reconnu Christophe Béchu. Chaque année, la pollution atmosphérique est responsable de 40.000 décès prématurés par an, selon Santé publique France, et elle aggrave certaines pathologies comme l'asthme. "On doit continuer à faire des efforts", a rappelé le ministre. D'ici à la fin de la décennie, les normes de pollution seront du reste abaissées en Europe pour passer de 40 µg/m3 de d'oxyde d'azote à 20 µg/m3. À ce stade, un peu moins de la moitié des 42 agglomérations concernées par les ZFE sont sous ce seuil, qui entrera en vigueur en 2030. 

Mais le ministre reste confiant. "Nous avons sept ans d’amélioration des pratiques, de développement du vélo, de verdissement du parc, d’électrification, de transports en commun, [ce qui] qui nous laisse penser qu’il n’y a pas de raison qu’en sortant de 24 ans de progrès continus, on soit sur sept années qui ne soient pas à nouveau marquées par des progrès", estime-t-il. Un "effort de modélisation et de programmation" va être fourni, pour "être sûrs" de la trajectoire et "voir les endroits où on serait susceptibles d’avoir des problèmes". "Très certainement, à Paris et à Lyon, il faudra qu’on ait une attention particulière sur ces nouveaux seuils", selon lui.

Radars disponibles début 2026

Pour aider à la transition vers des véhicules moins polluants, le gouvernement a publié des arrêtés l'automne dernier pour faciliter et accélérer la transformation de véhicules anciens en véhicules hybrides. Christophe Béchu a également précisé que "pour les territoires qui le souhaiteraient, les radars seraient disponibles au début de l'année 2026" afin de mettre en oeuvre les contrôles. Ces radars doivent être aptes à filmer les plaques d'immatriculation pour repérer les voitures polluantes interdites de circulation. En outre, des "feuillets de bonnes pratiques", diffusés par France urbaine ou encore le Cerema, seront mis à disposition des collectivités dans les prochains jours, dans une logique "d’harmonisation" entre les territoires. Le ministère qualifie ces outils de "prescriptifs", mais "non contraignants".

Globalement, Christophe Béchu estime que sur les quelque 60 propositions qui étaient remontées au ministère, via différents rapports, "les trois quarts ont été reprises ou sont en train d’être mises en œuvre". "Treize sont directement à la main de collectivités et soutenues par l’État", précise le ministère, citant le "pass ZFE" pour autoriser à titre temporaire l'accès des véhicules non conformes pendant quelques jours par an ou le déploiement des mobilités alternatives dans les territoires, favorisé par le fonds vert, le plan vélo et marche ou le plan covoiturage. Le ministre a par contre qualifié de "fausse bonne idée" l'abandon du dispositif des vignettes Crit’air, proposé par plusieurs acteurs.