Accessibilité numérique : 96% des sites communaux sont non conformes
Une cartographie inédite révèle l'ampleur du retard des communes françaises en matière d'accessibilité numérique, 20 ans après l'adoption d'obligations contraignantes dans ce domaine. Réalisée par l'Adullact et l'association Déclic, l'étude montre que moins d'1 commune sur 10 dispose d'un site internet adapté aux personnes souffrant d'handicaps visuels ou peu à l'aise avec les interfaces numériques. Cette cartographie se veut pédagogique en aidant à la prise de conscience d'un enjeu "démocratique".

© OpenStreetMap contributors, under ODbL/ Carton rouge pour l’accessibilité numérique des sites web des communes
Réalisée conjointement par l'Adullact (1) et l'association Déclic (2), l'étude rendue publique le 7 juillet 2025, montre que plus de 96% des sites internet communaux présentent une accessibilité insuffisante, voire inexistante.
Une analyse quasi exhaustive
L'étude s'appuie pour la première fois sur une analyse de la quasi-totalité des sites internet communaux. Les deux organisations ont en effet analysé le site internet de 6.568 communes françaises à partir d'un jeu de données noms de domaine des sites publics fourni par la Direction interministérielle du numérique (Dinum). L'évaluation s'est appuyée sur le logiciel libre Asqatasun, qui teste automatiquement chaque page d'accueil selon 117 critères sur les 257 contenus par le Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA). Ce dernier a été mis en place à l'issue de la loi handicap de 2005 imposant l'accessibilité des sites internet publics.
Chaque commune s'est vu attribuer une note de A (excellente conformité) à F (aucune conformité), permettant une lecture immédiate de la situation sur l'ensemble du territoire national.
Une carte rouge vif
Sur les 6.568 communes évaluées :
- seulement 33 sites obtiennent la note A
- 14 la note B
- 157 obtiennent la note C
- À l'opposé, 4.478 communes échouent avec la note F, la plus mauvaise,
- Tandis que 1.601 obtiennent un E
- 285 un D.
Au total, 96% des communes représentées affichent une note D, E ou F. Cette répartition dessine une carte de France majoritairement "rouge", symbolisant les zones où l'accessibilité numérique fait défaut avec de très rares îlots verts, correspondant aux communes les mieux notées.
Sensibiliser plutôt que sanctionner
Au-delà du non-respect des critères du RGAA, les auteurs soulignent "un enjeu démocratique majeur", le manque d'accessibilité des sites internet pesant d'autant plus sur l'égalité d'accès aux services publics que ceux-ci sont de plus en plus dématérialisés. Car l'accessibilité numérique concerne directement les personnes en situation de handicap, mais aussi les seniors, les personnes ayant des difficultés avec le numérique ou utilisant des connexions internet peu performantes.
Les deux associations insistent sur le "caractère pédagogique" de leur initiative. "Cette cartographie n'a pas vocation à sanctionner, mais à ouvrir les yeux", précisent-elles.
Pour permettre un suivi de l'accessibilité dans la durée, l'Adullact et Déclic prévoient une mise à jour régulière de la carte, enrichie des retours des collectivités et de l'évolution des sites. Objectif : suivre la marge de progression, valoriser les bonnes pratiques et accompagner les acteurs publics – et notamment les petites communes – dans l'appropriation des enjeux d'inclusion numérique.
Adullact (1) est l 'Association des développeurs et utilisateurs de logiciels libres pour les administrations et les collectivités territoriales
Déclic (2) est la fédération des opérateurs publics de services numériques (OPSN)
Des progrès à faire sur les services Beta.gouvBeta.gouv, l'incubateur de l'Etat, propose des services en ligne, dont certains ciblent directement les collectivités. Or, il s'avère que l'accessibilité de ces services est encore perfectible comme en témoigne une micro-étude publiée quelques jours avant celle de Déclic et l'Adullact. L'Observatoire de la qualité des démarches en ligne 2024 a en effet évalué l'accessibilité de 26 services issus de l'incubateur. Le constat, sans être aussi alarmant que pour les communes, révèle des marges de progression importantes. 42% affichent une conformité correcte (démarche bien entamée), 27% sont "moyen" (quelques lacunes), 19% sont faibles et pour 12% l'accessibilité est inexistante. Les problèmes identifiés comme récurrents touchent principalement la navigation, avec des dysfonctionnements dans les menus et les liens, les images, souvent dépourvues d'alternatives textuelles, et des formulaires présentant des champs non explicités. |