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Aide sociale : le HCFEA propose de revoir les mécanismes de l'aide alimentaire et de la récupération sur succession

Le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge s'est penché sur "l'obligation alimentaire, la récupération sur succession et leur mise en œuvre dans le cadre de l'aide sociale à l'hébergement" (ASH) apportée par les départements pour contribuer au coût d'hébergement d'une personne âgée en Ehpad (principalement). Pour les départements, l'ASH, c'est une dépense brute de 2,2 milliards. Mais 42% de cette ASH sont récupérés via la contribution des obligés alimentaires et la récupération sur succession. Le rapport du HCFEA explore plusieurs scénarios de réforme.

Le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) rend public un rapport sur "L'obligation alimentaire, la récupération sur succession et leur mise en œuvre dans le cadre de l'aide sociale à l'hébergement". Il s'agit là de deux sujets évoqués de longue date dans le champ social et qui recouvrent toujours des enjeux importants, à la fois en termes budgétaires (recettes en atténuation pour les départements qui se substituent aux familles), sociétaux (la solidarité entre générations) et même éthiques (enfants obligés, jusqu'à récemment, de contribuer à la prise en charge d'un parent âgé alors même que celui-ci les avait totalement abandonnés). La tendance est d'ailleurs à une réduction progressive de la place de ces deux mécanismes, même s'ils jouent encore un rôle important en matière d'aide sociale à l'hébergement (ASH) des personnes âgées.

122.000 bénéficiaires de l'ASH sur un potentiel de 450.000

En matière d'ASH, le département prend en charge la différence entre le tarif de l'établissement et la somme des ressources personnelles du résident d'une part, et les apports de ses obligés alimentaires et de son conjoint, d'autre part. Le département doit cependant laisser 10% de ses ressources à l'intéressé, avec un montant plancher de 108 euros par mois. Pour les départements, la dépense brute d'ASH s'élevait à 2,2 milliards en 2017. La dépense nette, déduction faite de la contribution des obligés alimentaires et de la récupération sur succession, était de 1,3 milliard, ce qui signifie que 42% de l'ASH sont finalement récupérés par les départements. La participation demandée aux obligés alimentaires varie en fonction de leurs ressources. Elle est aussi fonction du règlement départemental d'aide sociale, dont les règles varient d'un territoire à l'autre.

Au décès du résident, le département récupère l'ASH versée, en se payant sur l'actif net de la succession ou sur les donataires, au premier euro et sans plafonnement. Le département peut même prendre une hypothèque sur les biens immobiliers du résident.

Au 31 décembre 2018, on comptait 122.000 résidents bénéficiaires de l'ASH, dont 102.000 en Ehpad, sur un effectif d'environ 430.000 bénéficiaires potentiels du fait de leurs ressources. L'écart correspond à la mobilisation de leur épargne par les résidents et/ou à l'aide apportée par les proches, "signe tangible de la solidarité familiale".

Des critiques récurrentes sur l'ASH

Malgré son intérêt évident pour les personnes âgées à faibles ressources, l'ASH et ses mécanismes associés font l'objet de critiques récurrentes : conditions trop dures, obligation pour des personnes âgées fragilisées de solliciter leurs proches, impossibilité pour des personnes âgées à faible patrimoine de laisser un héritage à leurs enfants, effets pervers (refus d'entrer en Ehpad pour ne pas risquer de pénaliser les enfants)...

L'idée d'une suppression ou d'une forte atténuation du principe de subsidiarité (priorité à la solidarité familiale, le département intervenant par défaut et se remboursant ensuite) revient donc régulièrement, d'autant plus que celui-ci a déjà été abandonné dans le domaine du handicap, que le recours sur succession n'existe pas pour l'aide à domicile et que la récupération sur succession pour le minimum vieillesse a été fortement réduite.

Scénarios de réforme : de la suppression complète...

Le rapport du HCFEA explore donc "des voies de réforme pour l'ASH". Le premier scénario consisterait à supprimer totalement le principe de subsidiarité et à se rapprocher ainsi d'une approche en droits personnels, qui est au cœur des mécanismes de sécurité sociale. Mais le coût d'une telle réforme est estimé à 4 milliards d'euros (sur une base 2016).

Un autre scénario consisterait à supprimer l'obligation alimentaire, mais à maintenir la récupération sur succession. Dans ce cas, les enfants ne seraient concernés qu'au décès de leur parent et dans la limite de l'actif successoral net, ce qui n'est pas le cas avec l'obligation alimentaire. Problème : le HCFEA explique qu'"on ne dispose pas d'éléments permettant d'évaluer l'incidence d'un schéma dans lequel on supprimerait l'appel aux obligés alimentaires et où l'ASH brute versée – et substantiellement augmentée (+120 euros/mois en moyenne par bénéficiaire sur les bases actuelles) – resterait récupérable sur la succession".

... à l'instauration d'un "bouclier"

Le troisième scénario est encore plus complexe et a déjà été évoqué. Il s'agit en effet de l'instauration d'un "bouclier". Dans cette hypothèse, l'obligation alimentaire serait supprimée au terme de quelques années et la récupération sur succession ne porterait que sur les sommes "avancées" par l'ASH sur ces années. L'idée est en effet d'égaliser la charge dans le temps et de ne pas pénaliser les familles dans lesquelles un parent âgé a été accueilli en Ehpad durant de longues années. Comme l'explique le HCFEA, "on considère que la famille a fait son devoir, mais qu'il serait injuste de lui faire porter la charge de l'ASH au-delà? d'une durée raisonnable". Selon les calculs, la mise en œuvre du bouclier au bout de trois ans "soulagerait près de 170.000 familles concernées, dont 50.000 actuels bénéficiaires de l'ASH (gain moyen estimé : 3.200 euros/an) et 120.000 nouveaux bénéficiaires de l'ASH rénovée (gain estimé moyen : 8.400 euros/an) ayant plus de trois ans d'ancienneté?". Revers de la médaille : le surcoût pour les départements serait de l'ordre de 1,1 à 1,2 milliard d'euros. Ce scénario aurait en revanche l'avantage d'encourager le développement de l'assurance dépendance, en permettant aux assureurs de connaître à l'avance la durée de leur intervention (trois ans en l'occurrence).

Enfin, un dernier scénario consisterait à aménager les règles actuelles de l'ASH, mais sans remettre en cause la logique du système. Ceci passerait par divers aménagements et allègements : augmentation du minimum laissé au résident, révision du concours des obligés alimentaires (avec par exemple la suppression de l'appel aux petits enfants), normalisation de la prise en compte des revenus du conjoint, harmonisation nationale des modalités et pratiques de récupération sur succession...

Le HCFEA ne tranche pas entre ces quatre scénarios. Il appelle en revanche au lancement rapide de travaux complémentaires. Ceux-ci devraient notamment porter sur les facteurs expliquant le non recours à l'ASH, la diversité des pratiques départementales, ou encore des pratiques d'habilitation et les conventions d'aide sociale tarification de la section hébergement.