Bruno Retailleau veut généraliser les courses poursuites contre les auteurs de rodéos

Réagissant au drame survenu à Évian-les-Bains dans la nuit de vendredi à samedi, le ministre de l'Intérieur a annoncé "dans quelques jours une nouvelle instruction pour généraliser les poursuites sur les rodéos". Un changement de doctrine avec ce qui prévalait jusqu'ici.

L’arsenal législatif voté en 2018 et en 2022 n’a pas mis fin aux rodéos sauvages qui, avec le retour du printemps, semblent avoir repris de plus belle. Après le drame survenu samedi matin à Évian-les-Bains, au cours duquel un sapeur-pompier volontaire a été grièvement blessé, le ministre de l’Intérieur a promis de prendre "dans quelques jours une nouvelle instruction pour généraliser les poursuites sur les rodéos". De quoi relancer la polémique selon laquelle policiers et gendarmes ont pour consigne de ne pas prendre en chasse les auteurs pour éviter tout accident qui risquerait de dégénérer. Invité du Grand Jury RTL/Public Sénat/Le Figaro/M6, Bruno Retailleau a indiqué qu’il n’y avait qu’en Île de-France, sous l’autorité de la préfecture de police, que ces poursuites avaient lieu. À la question de savoir donc si, en province, policiers et gendarmes avaient pour instruction de ne pas se lancer dans ces course poursuites, "absolument" a répondu le ministre, démentant par là même son prédécesseur, Gérald Darmanin, qui, trois ans plus tôt, avait catégoriquement réfuté ces insinuations. "Il n’y a pas de note de la direction générale de la police nationale qui interdit les interpellations ou qui interdit les poursuites, c’est une fake news", avait déclaré en 2022 l’actuel garde des Sceaux dans le cadre du débat parlementaire sur la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopmi). "Ce qui est dit aux policiers c’est qu’une 'poursuite doit juste être proportionnée au risque qu’elle fait courir'", avait-il assuré, contredisant les observations faites un an auparavant par la mission d’évaluation de la loi de 2018 "renforçant la lutte contre les rodéos motorisés" conduite par les députés Natalia Pouzyreff (Yvelines) et Robin Reda (Essonne).

Un délit institué en 2018

Cela fait près de dix ans que le législateur tente de durcir la répression contre les auteurs de ces rodéos qui empoisonnent la vie des riverains. En 2015, l’ex-sénatrice-maire de Beauvais Caroline Cayeux avait déjà déposé une proposition de loi en ce sens. Mais il faudra attendre 2018 pour que la législation change avec la loi "renforçant la lutte contre les rodéos motorisés". Cette loi a créé un nouveau délit passible d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende, avec des circonstances aggravantes lorsque les faits sont commis en réunion ou par une personne alcoolisée ou ayant consommé des stupéfiants, ainsi qu'en cas de défaut de permis. Elle a également créé un délit d'incitation au rodéo et prévu la confiscation obligatoire des véhicules ayant servi à commettre les infractions. Las, elle s’est avérée insuffisante à enrayer le phénomène, comme l’a montré la mission d’évaluation qui a débouché sur de nouveaux ajouts en 2022 avec la loi responsabilité pénale et sécurité intérieure venue doubler la peine pour refus d’obtempérer. Cette loi du 24 janvier 2022 a aussi facilité la confiscation des véhicules, imposé de nouvelles obligations pour les loueurs, amélioré le traçage des véhicules et ramené de 15 à sept jours le délai au bout duquel le véhicule placé en fourrière est considéré comme abandonné avant d’être détruit. En revanche l’usage des drones pour poursuivre les auteurs, comme le recommandait la mission d’évaluation, n’a été permis que depuis un décret du 19 avril 2023 sur l’utilisation des drones par les forces de l’ordre (hors police municipale) pour le maintien de l’ordre ou la "prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens". Un décret pris en application de la loi Responsabilité pénale et sécurité intérieure. Mais ce n’est que tout récemment que cet outil a été utilisé pour mettre fin à un rodéo urbain, à Épinay-sous-Sénart (Essonne), le 8 mars.

Malgré ces dispositifs, les incidents se sont multipliés ces dernières semaines. Et marquent même un changement de nature. Le rodéo d’Évian vendredi a rassemblé quelque 500 voitures et près de 3.000 personnes ! Et ces manifestations ne sont pas l’apanage des villes : les plaintes des agriculteurs dont les champs servent de terrain de jeu se multiplient. 

"Les élus sont bien souvent les premières victimes"

Le 3 mai, Antony Rolland, un conseiller municipal de Gauriaguet, une commune à 30 km au nord-est de Bordeaux, avait été violemment agressé après avoir tenté de mettre fin à un rassemblement de motards. Interpellé par la députée RN Edwige Diaz la semaine dernière, Bruno Retailleau a manifesté son "soutien le plus total" à l’élu. "Nous avons vu les images et entendu son témoignage ; les élus, parce qu’ils sont en première ligne, sont bien souvent les premières victimes", a-t-il souligné. "On ne réglera pas ce problème à coups de 'y a qu’à, faut qu’on'", a rétorqué le ministre, après que la députée lui eut demandé de s’inspirer d’une proposition de loi RN "visant à lutter efficacement contre les rodéos motorisés sauvages". Ce texte entend permettre le recours au "contact tactique" ou "tampon" autorisé depuis 2018 en Grande-Bretagne pour intercepter les auteurs de rodéos. Le ministre en campagne pour la présidence de LR se targue par ailleurs de "résultats". "En quelques mois, les confiscations de véhicules utilisés lors de ces rodéos, de deux ou quatre roues, ont augmenté de plus de 65% ; et en un an, les interpellations ont augmenté de plus de 35%", a-t-il dit.

De son côté, Gérald Darmanin a appelé vendredi sur X à "la plus grande fermeté contre le fléau des rodéos urbains, qui pourrit la vie de nombreux Français". Les procureurs de la République "devront désormais saisir systématiquement les véhicules impliqués dans des rodéos et, comme la loi le permet, les vendre ou les faire détruire avant même le jugement. Stop à l'impunité !", prévient-il. En 2023, Éric Dupond-Moretti avait déjà appelé les procureurs à une "action répressive particulièrement ferme" contre les rodéos.

 

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