Budget 2024 : l'État détaille ses pistes d'économies

Le gouvernement a dévoilé ce 24 juillet le bilan de la revue de dépenses que les administrations et les inspections de l'État ont menée au premier semestre 2023. La dizaine de rapports (sur le logement, la formation, les arrêts maladie, la trésorerie des opérateurs de l'État…) qui ont déjà été remis doit permettre d'atteindre pas moins d'une dizaine de milliards d'euros d'économies. Deux autres rapports centrés sur le secteur public local sont attendus pour l'automne.

"Recentrage" de certains dispositifs de formation des demandeurs d'emploi, "ajustement" des financements que l'État alloue à ses opérateurs, évolution de plusieurs outils de la politique du logement, meilleur ciblage des emplois francs… Les fonctionnaires de l'État chargés de la revue des dépenses ont remis une dizaine de rapports qui alimentent les arbitrages budgétaires du gouvernement, notamment en vue du projet de loi de finances pour 2024. Dans un bilan qu'il a transmis au Parlement (rapport en lien ci-dessous), Bercy a levé le voile, ce lundi 24 juillet, sur les conclusions de ces différents travaux, qui pointent des sources d'économies pour l'État. Lors des Assises des finances publiques, Bruno Le Maire, ministre de l'Économie et des Finances, avait déclaré qu'au moins 10 milliards d'euros de possibles économies budgétaires réalisables dès 2024, avaient été identifiées (voir notre article du 19 juin).

"L’adaptation de la fiscalité aux exigences de la transition écologique" était l'un des chantiers ouverts par les inspections générales de l'État, dans le cadre de cette revue des dépenses, qui a été initiée à l'automne dernier. Elles concluent à la nécessité de l'extinction progressive des tarifs réduits des carburants, dont bénéficient certains secteurs, et au "recentrage" des incitations fiscales pour les travaux d’amélioration des logements sur la rénovation énergétique (le taux intermédiaire de TVA de 10% sur les travaux autres que la rénovation énergétique serait supprimé). Considérées comme "favorables à l'artificialisation des sols", quelque 500 millions d'euros d'exonérations de taxe d'aménagement (laquelle est due aux collectivités - essentiellement les communes - en cas de construction, reconstruction ou agrandissement d'un bâtiment) sont aussi dans le collimateur des inspections.

Coup de rabot sur l'apprentissage

La formation occupait une place importante dans les travaux des inspections. Un de leurs rapports portait sur les pactes régionaux d’investissement dans les compétences (Pric), des dispositifs aux mains des régions, qui sont destinés tout particulièrement aux jeunes et aux demandeurs d'emploi. Des économies sont envisageables sur cette politique, selon les fonctionnaires de l'État. Les Pric peuvent être réservés à "une catégorie de public", voire (…) certains secteurs économiques", indiquent-ils. Dans le domaine de l'apprentissage - autre thème abordé -, il est préconisé un financement des centres de formation des apprentis (CFA) tenant mieux compte de leurs coûts réels. Ces propositions ont inspiré les mesures annoncées la semaine dernière par le conseil d'administration de France compétences (voir notre article du 19 juillet). À Bercy, on assure qu'il a été tenu compte des deux rapports pour établir le plafond de dépenses de la mission Travail et emploi pour 2024 (un montant stable de 30,3 milliards d'euros, hors financement de l'activité partielle).

Parmi les aides à l'emploi sur lesquelles il pourrait faire des économies, l'État cible les emplois francs : le dispositif, qui est expérimenté jusqu'à la fin de l'année, accorde des aides aux employeurs qui recrutent des salariés résidant dans les quartiers de la politique de la ville. Mais il est "peu dynamique et susceptible de donner lieu à d’importants effets d’aubaine", jugent les administrations de l'État. Elles préconisent de le "recentrer", après 2023.

Trésorerie des opérateurs de l'État

Sur les indemnités versées par l'Assurance maladie en cas d'arrêt maladie, l'administration suggère d'améliorer le suivi, notamment par un renforcement des contrôles. "Il y a une volonté d'avancer dès cette année" sur le sujet, souligne Bercy.

Concernant les opérateurs de l'État (Ademe, Anah, agences de l'eau, Pôle emploi...), la question de leur trésorerie est sur la table. Les inspections ont identifié "un excédent potentiel de trésorerie" estimé à 2,5 milliards d'euros. Elles préconisent, donc, des ajustements dans certains cas des financements de l'État à ces opérateurs, via la loi de finances pour 2024.

En matière de logement, trois dispositifs ont été passés au crible : le prêt à taux zéro (PTZ), la réduction d’impôt "Pinel" et le supplément de loyer de solidarité des locataires du parc social. Jugés "insuffisants", leurs résultats ont amené le gouvernement à annoncer, début juin, des mesures les concernant (voir notre article du 5 juin).

Masse salariale des collectivités

Dans le champ social, c'est le fonds national d'action sociale (Fnas) de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) qui a été étudié - mais en excluant les actions en faveur de la petite enfance (c'est-à-dire le principal). À la clé, il est proposé "une meilleure répartition des financements entre la branche famille, les collectivités locales et les familles". "Ce rapport servira à interroger l'efficience des actions menées par le Fnas, sans forcément de gros objectifs d'économies à la clé", indique-t-on dans l'entourage de Bruno Le Maire. Où l'on explique aussi que les économies ne sont "pas un objectif automatique".

C'est en particulier le cas pour deux missions, confiées à l'inspection générale des finances (IGF), et qui concernent directement le secteur public local. Ces évaluations, qui ont trait aux "investissements locaux", d'une part, et à la "maîtrise de la masse salariale et des achats externes des collectivités territoriales", d'autre part, ont pour but d'établir un "référentiel", qui aidera les collectivités locales à "comparer" leurs résultats à ceux des autres collectivités. Le but "n'est pas d'être prescriptif sur les finances locales", mais de permettre aux élus locaux de "s'inscrire au meilleur niveau dans la gestion de leurs collectivités", précise le ministère de l'Économie et des Finances. Ces rapports seront présentés "au plus tard en 2024"… dans le cadre du "second exercice de revues de dépenses".

Exercice annuel

Dans les mois à venir, une seconde vague s'intéressera, en effet, à une quinzaine de politiques. Mais celles-ci n'ont pas encore été définies. Bercy sait déjà, cependant, comment elles seront sélectionnées. Le gouvernement sera notamment attentif aux dépenses qui, tout en étant plus élevées que celles de nos voisins européens, enregistrent une hausse au cours des dernières années.

Des revues de dépenses seront réalisées annuellement jusqu'en 2027, de manière à aborder "l'ensemble du champ de la dépense publique".