CNR Logement : une série de mesures techniques mais pas d'annonces fortes

Extension du prêt à taux zéro jusqu'en 2027, élargissement du bail réel solidaire, mobilisation du foncier pour construire plus de logements, révision des zonages, développement du logement locatif intermédiaire, moyens renforcés pour la rénovation énergétique, pacte de confiance avec les bailleurs sociaux… La Première ministre a fait une série d'annonces ce 5 juin à l'issue du CNR logement. Des mesures qui restent visiblement en deçà des attentes, fortes, des acteurs du secteur.

"Oui le logement intéresse l'État." Olivier Klein l'a répété à plusieurs reprises comme un mantra en introduisant la restitution des travaux du Conseil national de la refondation (CNR) Logement, ce lundi 5 juin depuis la Maison de l'architecture d'Île-de-France, l'endroit même où cette vaste concertation avait été lancée six mois auparavant, le 28 novembre 2022. Comme si le ministre délégué à la Ville et au Logement avait besoin de convaincre les acteurs réunis devant lui. "Ce CNR n'est ni un commencement ni un aboutissement, il s'arrime à la politique conduite depuis six années", a-t-il martelé, soulignant "l'effort colossal de la nation" et égrenant toutes les actions engagées depuis le début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron : naissance du plan Logement d'abord, de la garantie Visale, moyens de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) passés de 5 à 12 milliards… "Tant reste à faire mais beaucoup a été fait", a résumé le ministre.

Soutenir l'accession à la propriété

Après une allocution de François Bayrou, haut-commissaire au plan, suivie de la restitution des propositions des trois groupes de travail – dont les rapports ont été remis début février (voir notre article) – et une intervention des deux co-pilotes du CNR Logement, Véronique Bédague, directrice générale du groupe Nexity, et Christophe Robert, délégué général de la fondation Abbé-Pierre, c'est à Élisabeth Borne qu'il est revenu de conclure ce CNR Logement. La Première ministre a annoncé une série de mesures dont la teneur avait été dévoilée à la presse la veille au soir par Matignon. "À la fois des mesures d'urgence pour faire face à la crise et des mesures structurelles [à plus long terme] en lien avec nos objectifs", notamment de transition écologique, a-t-elle déclaré.

Ces mesures porteront sur cinq axes : le soutien à l'accession à la propriété et à la location, la production et la rénovation de logements sociaux, la production de logements neufs et l'accélération de la rénovation énergétique du parc privé.

S'agissant de l'accès à la propriété, le prêt à taux zéro pour les primo-accédants, qui devait s'éteindre fin 2023, va être prolongé jusqu'en 2027 mais sera recentré sur les logements neufs en collectif dans les zones tendues et dans les logements – collectifs et individuels – en zone détendue sous condition de rénovation. Cela va représenter "un effort de 600 millions d'euros par an", a souligné la Première ministre.

Le gouvernement a par ailleurs prévu d'amplifier la mobilisation du bail réel solidaire (BRS) qui permet aux ménages modestes de devenir propriétaire à moindres frais d'un logement en zone tendue, grâce à un mécanisme de dissociation de la propriété du foncier et de celle du bâti. "Nous allons l'ouvrir à davantage de Français et en faciliter l'accès aux locataires du parc social", a indiqué la locataire de Matignon.

Développement du logement locatif intermédiaire

Autre enjeu : continuer à investir et à construire des logements sociaux, tout en poursuivant la rénovation du parc. Le gouvernement évoque un pacte de contractualisation entre l'État et les bailleurs sociaux qui devrait prochainement se concrétiser avec des facilités d'emprunt faites à ces bailleurs, un gel des cotisations (fonds national à la pierre, caisse de garantie du logement social, soit 300 millions d'euros au total) et le déblocage d'une enveloppe financière pour la rénovation des HLM.

Va également être lancé le second plan Logement d'abord, dont "le contenu du plan sera précisé dans les prochains jours par le ministre du Logement", qui permet aux personnes sans domicile de passer de solutions d'hébergement d'urgence à des solutions de logement pérennes, avec un budget annoncé de 160 millions d'euros supplémentaires (voir notre article du 31 mai).

Concernant l'accès à la location des classes moyennes, "je souhaite privilégier le développement du logement locatif intermédiaire et ouvrir son accès à plus de communes", a également annoncé Élisabeth Borne, poursuivant : "Pour y parvenir, les opérateurs qui construisent du logement intermédiaire doivent pouvoir acheter des logements dans l'ancien et les rénover : je souhaite la signature rapide d'un accord entre l'État et les acteurs du logement intermédiaire pour mettre en place ces objectifs. Ils pourront aussi s'appuyer sur une augmentation significative à hauteur d'un milliard d'euros de prêts de la Caisse des Dépôts." L'État devrait racheter près de 50.000 logements à des promoteurs immobiliers, qu'Action logement et CDC Habitat seront chargés de transformer en LLI (respectivement 30.000 et 20.000).

Simplifier les procédures d'urbanisme

S'agissant de la construction, "nous devons agir vite et fort, il n'y a pas de déni mais un défi à relever, a déclaré Élisabeth Borne. Nous devons réussir à construire plus de logements en particulier dans les zones tendues". Dans ce cadre, il est notamment prévu de pérenniser le fonds Friches et d'en renforcer les moyens. L'exécutif vise encore un "dialogue renforcé" avec les collectivités, là où sont identifiées des réticences à délivrer des permis de construire. "Si nous ne parvenons pas à lever les blocages notamment pour les permis de construire, l'État est prêt à prendre ses responsabilités", a prévenu la Première ministre, qui a par ailleurs indiqué souhaiter "simplifier et accélérer les procédures d'urbanisme".

Par ailleurs, le gouvernement envisage de réviser les zonages, permettant de faire basculer de nouveaux territoires en zones tendues et d'augmenter là encore le nombre de bénéficiaires potentiels, notamment dans les territoires en cours de réindustralisation. Cela devrait se faire par "voie réglementaire", précise-t-on à Matignon. En parallèle, le gouvernement prévoit de lancer une révision plus structurelle de la mécanique de zonage, pour mieux intégrer les évolutions de population à venir.

Autres mesures annoncées : la remise à plat la fiscalité des locations, notamment pour lutter contre les disparités entre les locations de longue et de courte durée, en particulier dans les zones touristiques, et l'extension de la garantie Visale "dont le nombre de bénéficiaires sera plus que doublé, une mesure sera portée dans la convention que nous nous apprêtons à signer avec Action logement", a précisé Élisabeth Borne.

Sur le plan de la rénovation énergétique des logements, une évolution et un renforcement de MaPrimeRénov' est bien prévue, tandis que le nombre de guichets France Rénov' va passer de 400 à 1.200. Le prêt Avance rénovation va, lui, être facilité. Enfin, pour fluidifier l'accès au crédit, la Première ministre a également annoncé la mensualisation du taux d'usure jusqu'à la fin de l'année.

La restitution du CNR doit être vue comme "une première étape", ouvrant sur des mesures concrètes mais aussi sur des chantiers qui seront précisés ultérieurement, avait précisé l'entourage d'Élisabeth Borne dimanche soir, soulignant que "ce n'est pas en une fois que l'on résout l'intégralité de la politique du logement".

  • Déception parmi les acteurs du secteur

Avant même la prise de parole d'Élisabeth Borne ce 5 juin, sachant que l'essentiel des mesures avait été dévoilé la veille, le monde du logement n'a pas caché sa déception, même si certains espèrent encore de nouvelles annonces.

"En l'état, ce plan n'est pas de nature à répondre aux immenses inquiétudes, aux défis qui sont devant nous, ça manque de souffle, il y a peu d'objectifs chiffrés, pas vraiment de recentrage social", a réagi auprès de l'AFP le délégué général de la fondation Abbé-Pierre, Christophe Robert, également co-animateur du CNR Logement, aux côtés de Véronique Bédague, directrice générale du groupe Nexity.

"J'ai du mal à comprendre le lien entre l'engagement qu'ils annoncent et des mesurettes, voire des engagements extrêmement vagues", a pour sa part déclaré Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat, qui représente les bailleurs sociaux. "Il n'y a aucune annonce qui augmente les moyens pour produire plus de logements sociaux", a-t-elle ajouté.

"Après sept mois de travail et plus de 200 personnes à l'œuvre, la FFB attendait un électrochoc. C'est une déception ! Quasiment aucune des propositions faites par le secteur n'a été retenue", a fustigé le président de la Fédération française du bâtiment, Olivier Salleron. FFB qui s'est aussi exprimée dans un communiqué commun avec les principales fédérations de la construction et de l'immobilier (FPI, Fnaim…) : "Tout un secteur méprisé", ont réagi ces dernières, déplorant "des mesures non chiffrées, ou pas à la hauteur des enjeux" que ce soit pour faire face à la crise du logement neuf, aux besoins en matière de rénovation énergétique et à la réalité de la crise du marché immobilier vécue par les Français.

Même son de cloche chez les artisans, le président de la Capeb, Jean-Christophe Repon, jugeant les annonces "pas suffisamment ambitieuses".

Pour Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), "la montagne accouche d'une souris". "Il n'y a pas d'incitation pour les maires bâtisseurs, il n'y a pas de statut du bailleur privé, on programme l'arrêt du Pinel alors qu'on en a besoin", a-t-il égrené.

   Avec AFP