Budgets participatifs : toujours plus de démarches, malgré un faible niveau de participation

En 2022, 400 villes et une vingtaine de départements donneront à leurs habitants l’opportunité de proposer des projets, puis de voter pour ceux qui pourront voir le jour avec le financement du budget participatif. Selon la dernière enquête sur le sujet, cette démarche de démocratie participative se diffuse à un rythme rapide, mais les montants alloués et les taux de participation des habitants plafonnent à un niveau assez bas.

En 2022, 400 communes sont engagées dans un budget participatif en France, alors qu’elles n’étaient que sept en 2014. Les grandes villes étant les premières concernées par la diffusion rapide de cette démarche, 12 millions de Français ont désormais la possibilité de proposer et de choisir des projets pour leur commune. Ainsi, les budgets participatifs "deviennent quasi-incontournables" et représentent "le symbole du développement de la démocratie participative locale dans notre pays et une démarche à soutenir et consolider", pour Antoine Bézard, fondateur du site lesbudgetsparticipatifs.fr et auteur d’une enquête annuelle sur le sujet. Lors des prochaines Rencontres nationales des budgets participatifs, qui auront lieu à Amiens les 8 et 9 novembre prochains, les collectivités présentes se demanderont notamment en quoi le budget participatif est "un moteur de la démocratie en France".

Le budget participatif "s'ancre à l’ouest"

Selon la dernière édition de l’enquête, publiée le 17 octobre 2022 par la Fondation Jean Jaurès, on observe actuellement "une généralisation [du budget participatif] à toutes les catégories de communes". Parmi les villes de plus de 200.000 habitants, seules Nice et Montpellier n’auraient pas encore rejoint le mouvement, Marseille s'y préparant et Lyon ayant franchi le pas en 2022 avec "une première édition allouant 12,5 millions d’euros à son budget participatif". Sont également concernés : près du tiers des villes de 50.000 à 200.000 habitants, un cinquième des villes de 20.000 à 50.000 habitants et un dixième des villes de 5.000 à 20.000 habitants. En outre, "une vingtaine de départements compteront un budget participatif en activité à la fin de cette année 2022", alors qu’"ils n’étaient que trois en 2018".    

L’auteur de la note observe que des régions sont davantage impliquées que d’autres. Ainsi, le budget participatif "s’ancre à l’ouest", avec "un fort développement" en Bretagne ("pionnière avec Rennes" et comptant 69 communes engagées), en Nouvelle-Aquitaine (50 communes) et dans les Pays de la Loire (37 communes). Les autres régions "dynamiques" en la matière sont l’Ile-de-France (60 collectivités), Auvergne-Rhône-Alpes (45 collectivités) et les Hauts-de-France (38 collectivités). Dans d’autres régions – Grand-Est, Normandie, Bourgogne-Franche-Comté, Provence-Alpes-Côte d’Azur –, le budget participatif "démarre", avec pour le moment des démarches moins nombreuses.

Selon Antoine Bézard, la diffusion se constate également sur le plan politique puisque, d’"une démarche promue par la gauche" au début du mandat municipal 2014-2020, on passe désormais à une forme de "consensus politique" avec des villes de toutes couleurs – gauche et écologiste, mais aussi "divers", droite et centre – qui plébiscitent le budget participatif.   

Des montants et un niveau de participation encore faibles

Cette diffusion de la démarche ne s’accompagne pas d’un développement sur le plan des montants alloués aux budgets participatifs par les collectivités. "Les montants accordés par les collectivités ne progressent pas depuis 2019, avec 6,50 euros par habitant en moyenne", peut-on lire dans la note. Ces montants varient "de 1 à 10 – voire davantage – entre des communes de taille comparable". L’auteur cite des communes particulièrement investies : Paris qui "continue de faire figure d’exception avec près de 35 euros" par habitant, Rennes (16 euros par habitant), Lyon (environ "24 euros pour une édition bisannuelle cependant"), Montreuil, Caen, Poitiers, Colombes ou encore de plus petites villes telles que Marseillan (Hérault) et Le Thor (Vaucluse).

Selon l’enquête de 2021, le "projet-phare du budget participatif" est l’aire de jeux, avec souvent une dimension inclusive. 40% des projets s’inscrivent aussi dans le champ de l’environnement et de la transition écologique, avec "des réalisations simples pour l’habitat de la faune (nichoirs, hôtels à insectes...) ou plus ambitieuses avec des espaces naturels sanctuarisés ou des forêts urbaines et des investissements dans les énergies renouvelables".  

La participation moyenne des habitants à la démarche reste faible, à 8% des inscrits – qui sont en général toutes les personnes majeures, sans condition de nationalité – soit tout de même un point de plus qu’il y a un an. Selon l’auteur, le nombre et la diversité des projets proposés et votés constituent "un frein à leur lisibilité et à la participation". En effet, souvent pour assurer un nombre minimum de projets et l’équité entre plusieurs quartiers, les exécutifs préfèrent plafonner l’enveloppe allouée à chaque projet. Ces choix "facilitent l’élection de projets multiples, mais donnent rarement une chance à des réalisations de plus grande envergure", analyse Antoine Bézard. Ce dernier estime que des projets plus ambitieux seraient "davantage mobilisateurs" à l’échelle de la commune et qu’ils ne seraient pas forcément plus long à réaliser qu’"une multitude de projets modestes".