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Education - Carte scolaire : objectif mixité sociale

La sénatrice Françoise Cartron a présenté les conclusions de la mission sur l'assouplissement de la carte scolaire. Ses principales pistes de réforme : faire de la mixité sociale l'objectif central de la politique éducative, redécouper les secteurs des établissements sous le contrôle des collectivités et moduler les dotations en fonction de la composition sociale des établissements en y associant l'enseignement privé.

"L’assouplissement de la carte scolaire n’a pas produit les mêmes effets sur tout le territoire et au sein de toutes les couches sociales", a confirmé Françoise Cartron, rapporteure de la mission d'information sénatoriale sur l'assouplissement de la carte scolaire, lors de la présentation des conclusions de ses travaux, le 27 juin. L'Education nationale "ne peut plus feindre d'ignorer sa part de responsabilité dans la production et l'entretien d'inégalités sociales et territoriales, à rebours de sa vocation même", a-t-elle jugé. Néanmoins, "revenir à la situation antérieure, c'est impossible", a-t-elle estimé, et sa première préconisation est de faire "de la mixité sociale et scolaire un objectif central porté par le ministère de l’Education". En clair, la sénatrice réclame "un changement radical de l’orientation politique générale qui a prévalu depuis cinq ans". Françoise Cartron a pris soin de clarifier cette notion de mixité sociale qu'il ne faut pas confondre, selon elle, ni avec la prédominance d’enfants de classe moyenne, ni avec la diversité culturelle. "La mixité sociale implique la scolarisation dans un même établissement d’enfants appartenant à des classes sociales diverses et écartées".

Redécouper les secteurs des collèges sous le contrôle des CG

Les membres de la mission ont effectué six déplacements à Créteil et en Seine-Saint-Denis, à Nancy, à Lyon, en Gironde et dans l’Yonne. Ils en ont conclu que la réforme de la carte scolaire ne pouvait pas être pensée de la même façon en région parisienne, dans les grandes métropoles, dans les agglomérations moyennes et en territoire rural. "Pour réduire les inégalités entre territoires et entre établissements au sein d'un même département", Françoise Cartron recommande "un redécoupage des périmètres des secteurs de recrutement des collèges, après un examen fin de leur profil social et une analyse prospective des mutations démographiques et économiques attendues sur le territoire". "La contribution des collectivités territoriales est indispensable, des conseils généraux notamment puisque c’est à l’entrée en 6e que se situe le noeud gordien de la sectorisation", écrit-elle. Selon le rapport, les conseils généraux pourraient avoir la possibilité "de tailler des secteurs communs à plusieurs collèges". "Le but est de permettre une différenciation fine de la carte scolaire selon les territoires, sous le contrôle des collectivités." Ainsi dans ces nouveaux secteurs élargis, "on pourra avoir un, deux ou plusieurs collèges, selon les zones et les décisions du conseil général".
Illustration en région parisienne : "Il paraît important que les secteurs scolaires ne soient pas contraints systématiquement par les limites des communes ou de quartiers inframunicipaux." La rapporteure recommande un rapprochement des travaux des trois rectorats de Créteil, Paris et Versailles et l’accroissement des échanges de données entre eux. Elle envisage même une concertation entre les conseils généraux de la région, ainsi qu’avec le conseil de Paris, afin de définir des secteurs élargis qui puissent franchir les frontières des départements. Dans les agglomérations moyennes, "où l’on compte deux ou trois collèges souvent en situation de concurrence larvée et proches géographiquement l’un de l’autre", le rapport préconise l’adoption d’une sectorisation commune. Dans certaines régions rurales, la situation de zones paupérisées est très inquiétante, estime la mission. "Les difficultés ne sont pas absentes des territoires ruraux et c’est de la concurrence avec le privé que les établissements souffrent le plus. Pour y remédier, les collèges font preuve d’une innovation pédagogique remarquable avec le soutien des conseils généraux. Les résultats sont probants, a assuré la sénateure. Ils peuvent inspirer de nouvelles organisations des collèges et des réponses originales aux problèmes de carte scolaire."

Moduler les dotations et associer l'enseignement privé

Françoise Cartron estime qu'il faut refuser, sauf cas exceptionnels, la fermeture des établissements ghettoïsés "pour leur éviter de subir une double peine" et plaide pour la préservation de ces établissements "dont il convient au contraire de protéger les ressources". A condition donc qu’on leur garantisse la stabilité des équipes, des moyens adéquats et des marges d’adaptation pédagogique. Selon elle, la fermeture d'établissements n'accroîtrait pas la mixité sociale dans des communes mais "serait surtout un signe d'abandon supplémentaire envoyé à des populations déshéritées et enfermées dans leurs quartiers". Elle demande ainsi que "soit plus largement maintenu le niveau des dotations, même en cas de suppressions de divisions consécutives aux dérogations, pendant au moins une année supplémentaire […]. Dans le même temps, les dotations des établissements les plus attractifs seraient figées".
Plus globalement, sur cette question des moyens, le rapport propose de moduler les dotations des collectivités territoriales et de l''Etat en fonction de la composition sociale des établissements afin d'accorder plus aux collèges et aux lycées défavorisés. Elle considère également qu’aucune réforme de la carte scolaire ne parviendra à limiter l’ampleur des inégalités scolaires et à faire reculer la ségrégation si les établissements privés n’y sont pas associés. "Au-delà des conflits idéologiques, qu’il serait vain et inopportun de rouvrir, l’Etat peut être plus exigeant avec les établissements privés sous contrat d’association pour accroître la diversité sociale de leur recrutement, en contrepartie des dotations versées et de l’absence de sectorisation", estime-t-elle.

Réguler l’offre d’options et de parcours spécifiques

François Cartron demande "une révision drastique" de l’offre d’options et de parcours spécifiques. "Les options sont utilisées principalement, non pas pour leur valeur éducative, mais parce qu'elles constituent un motif de dérogation particulièrement commode. Elles ne servent pas à entrer dans un collège ou un lycée moins réputé, mais au contraire à en sortir", ont constaté les membres de la mission. Pour Françoise Cartron, "si le collège est déjà ghettoïsé, les classes moyennes n'y reviendront pas, quelle que soit l'offre curriculaire". Dès lors, "au niveau local, l'implantation d'options dans tel collège ou lycée devra être cohérente avec les projet éducatifs propres mis en place dans les établissements".
La mission recommande également que dans les filières sélectives, il soit tenu davantage compte de la motivation des enfants, appréciée lors d’entretiens, plutôt que de leur niveau scolaire. De plus, citant comme exemple les classes à horaires aménagés musique (Cham), Françoise Cartron estime qu'il faut mieux répartir les élèves dans plusieurs classes et stimuler les projets communs associant des élèves Cham et les autres, pour éviter qu’à une classe réponde un seul type de public. Elle exprime d'ailleurs de grandes réserves sur ce dispositif et souhaite que le gouvernement rende au Parlement un rapport d'évaluation des classes Cham avant toute extension.
Le ministre de l’Education, Vincent Peillon, a laissé entendre que ce sujet de la carte scolaire serait abordé dans le cadre de la concertation sur l’école qui doit s’ouvrir courant juillet.